PORTRAIT DE CHEF
Helmi DERBAL

Par Fabien Nègre
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Enthousiaste structuré aux racines céruléennes, envoûté par la tuber melanosporum, Helmi DERBAL, Chez Julien

Enthousiaste structuré aux racines céruléennes, envoûté par la tuber melanosporum, Helmi DERBAL, Chez Julien, élève le classicisme de la brasserie parisienne dans une ancienne boulangerie Art Nouveau.   

A Sfax, le 27 juin 1981, s’arrime un garçon aux riches horizons. Une maman tunisienne, un paternel garagiste italo-libanais lui écarquillent les yeux sur les poissons frais, l’huile d’olive et la tomate. Arrivé à Paris à 9 ans, l’enfant polyglotte maîtrise déjà l’arabe littéraire puis l’anglais. « Je voulais être dentiste pour le côté précis, manuel, je jouais avec les outils ». Sur le versant grand-paternel, non loin de Beyrouth, parmi les vaches et moutons, les petits paysans cueillent les pois chiches à la rosée aoûtienne.  

A Levallois, il observe son « excellente cuisinière » de mère, gouvernante, chez un privé, rue de la pompe. Les subtilités du baklawa, les secrets du Paris-Brest ou la texture du mouhalabieh, rien ne lui échappe. « Je dévorais tous les ouvrages sur les desserts, le visuel des petites pièces me ravissait ». Pour l’univers salé, tournent encore dans la tête du timide bûcheur le bœuf mariné aux épices, les grosses pièces de veau tout juste coupées. Chez l’oncle paternel, boulanger dans le 11ème, la magie de la farine le fascine, la chaleur du four l’émeut.

Émerveillé par le cadre de l’hôtel particulier, la réception des invités, le dressage de la table, l’adolescent avide d’action descend du train scolaire en 6ème, pressé de « passer aux choses concrètes pour ne plus s’ennuyer ». A 13 ans, le créatif énergisé rentre en préapprentissage chez Lily de Neuilly. Chantal et Jean-Louis DECOUT l’accueillent avec chaleur et humanité dans leur temple de la succulence classique. En 1998, le titulaire du CAP de Cuisine Niveau 5 à l’Ecole des Métiers de la Table d’Ile-de-France poursuit son remarquable parcours par un établissement d’anthologie : L’AMBROISIE***.

Chez l’immense Bernard PACAUD qui définit sa cuisine comme une civilité, tout l’impressionne. Pierre LE MOULLAC, alors impérial premier maître d’hôtel des lieux, son voisin levalloisien, lui ouvre le sésame du haut goût. « Je ne connaissais rien à cet âge mais l’esprit réalise tout de suite. Il m’a donné l’amour de la truffe. Ce champignon qui sort de terre, beau, qui sent bon, dans son captivant feuilletage. Une odeur inoubliable, crue aussi, sur du pain légèrement toasté, en sel et poivre, avec une grande huile d’olive ».

De 2000 à 2001, grâce à la gentillesse du couple neuilléen suscité, l’inassouvi chef de partie vit les dernières années d’une autre grande maison traditionnelle française, celle d’Henri FAUGERON alors estampillée deux étoiles. « C’était magnifique. J’y ai appris la rapidité d’exécution, de mise en place, de service. Je nettoyais les Saint-Jacques, grattais les poissons, touchais des grands produits, l’anguille, le homard pris dans le vivier, les crevettes grises qui changeaient de couleur dans la poêle, du bleu scintillant au transparent ».

Le maître de la cuisine classique bourgeoise présente, en outre, la sole meunière convoyée de ses pommes soufflées ou un carré d’agneau entier roulé dans sa chapelure verte à la moutarde miellée. Par un ami de sa mère, le Chef privé international du Prince Saïd WAFIK parvient à l’étoilée et renommée « Truffe noire », lieu fétiche des amateurs du miraculeux tubercule, sise à Neuilly, en 2000, sous la coupe de Jenny JACQUET, acquise ensuite par Patrice HARDY. Il y demeurera douze ans, passant du titre de commis à chef adjoint.

« J’ai appris tout mon métier, un savoir. Pâtissier au départ avec mes crèmes brûlées sans moule, mes babas au rhum puis chef jamais lassé du diamant noir dans tous ses états : volailles farcies à la truffe, raie à la truffe, glace à la truffe, beurre truffé, une odeur qui embaume tout ». Le perfectionniste estival des stages chez Pierre HERME, Gaston LENÔTRE ou Valrhona garde en créance imaginaire ses montages de terrines de foie gras aux truffes. L’expérimentateur qui pêche parfois par excès d’humilité joint la régularité ordonnée à sa solide compétence.     

Entre 2012 et 2014, le participant à l’émission culinaire « A vos recettes » sur la chaîne D8 en 2009, vole de ses propres ailes au titre de Chef associé au bistrot gastronomique le « Rendez-vous des camionneurs », quai des Orfèvres. Le boulimique boulanger-pâtissier-traiteur crée sa Maison des Gourmets en 2015, porte des Lilas. Hommage à son enfance très sucrée, il y conçoit ses gâteaux, son pain entier bio. L’année suivante, le participant à Top Chef du monde à Pékin et Shanghai rencontre Alexandre CHAPON, propriétaire des restaurants « Chez Julien », « Enoteca » et « Le Vin des Pyrénées ».

Depuis 2016, le chef privé international pour le Prince du Qatar officie dans l’ancienne boulangerie « Chez Julien ». Sa cuisine des classiques à la française basée sur la truffe qu’il aime plus que tout, présente des poissons nobles mais également des « grosses pièces préparées devant le client » ou des rares légumes oubliés. « Je veux présenter tous les poissons en croûte de sel ». La tradition n’exclut pas des traits d’originalité toujours guidés par l’excellence. La blanquette se concocte avec des joues de veau, le bourguignon se pare de joues de cochon.          
 
A 38 ans, l’ancien apprenti serein du « Carpe diem » pratique cette philosophie, entre son attrait pour un classicisme de prestige rigoureux et sa belle ouverture sur ses horizons lumineux. La maturité de la jeunesse.    
 
Photos Patricia de Figueiredo
  
 
 

CHEZ JULIEN

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