Le 23 mai 1983, un parisien pur sucre transperce le jour dans le prospère 92. Le grand-père paternel construit les rames du métropolitain. Son épouse essentielle ficelle sévère : « Ils m’ont appris à aimer manger ». Le gamin goûte des plats puissants parce que l’évidence traverse cette clarté foncée qui resplendit et nous aveugle dans un même mouvement, celui d’un mémorable bout de quiche lorraine moelleuse. A dix ans, à la campagne, dans le village de Saint-Marcel, non loin de Châteauroux, les compotes et les confitures de fraises du jardin embaument la demeure de leurs parfums entêtants.
L’après-midi, avec le frangin, les promenades estivales à vélo s’accompagnent encore d’odeurs enivrantes de foin coupé. Au dîner, une ratatouille d’anthologie attend son tour sur la grande table en chêne : « Les strates de saveurs m’émouvaient dans le palais, les différences de textures, le niveau des sensations ». Le paternel pilote de puissantes automobiles en chauffeur de direction. La maman carbure à La Compagnie Internationale des Wagons-Lits : « de vrais parisiens qui tenaient ensuite un bureau de tabac à Noisiel, en face de la Chocolaterie Nestlé ».
De 1995 à 1999, le garçon réservé suit un cursus qui ne le captive point au Collège Saint-Laurent à Lagny-sur-Marne. Le timide adolescent lâche vite l’affaire à 14 ans car les professeurs ne l’enchantent pas : « Aujourd’hui, je regrette, quand je fais les devoirs de mes enfants, je comprends mieux la passion de la transmission ». En stage de troisième, un copain de son créateur l’accueille dans sa Brasserie noisiélienne. A 15 ans, l’ambiance titille le titi : « Je plume un faisan à 6h du mat dans une bassine d’eau brûlante. Etrange texture et odeur du gibier. J’adore tout de suite, la rigueur, les plats du jour, le résultat sur le visage du client joyeux ».
De 1999 à 2001, le jeune à la probité irréprochable parvient à la prestigieuse Ecole de Paris des Métiers de la Table dans le 17ème. Travailleur tenace dès ses quinze ans et demi, l’apprenti embrasse, à Bastille, une Maison qui fit la gloire des soupers parisiens : BOFINGER. Cette belle institution lui enseigne les fondamentaux de la charge : faire un foie gras, lever un filet de poisson dans un éther survolté : « J’ai été formé à la dure avec des chefs de partie trentenaires chevronnés ». Durant quatre ans, le sérieux à la bonté assidue vole du garde-manger aux préparations, passe des entrées à la grillade des viandes.
A 17 ans, le marmiton produit sa choucroute. Patrice MACREZ, le Chef exécutif de la Brasserie fondée en 1864 par le colmarien Frédéric BOFINGER, le charme par sa diligence et son exactitude aux sept cents couverts par jour : « Les plus belles années d’une vie résident souvent dans l’apprentissage ». Le parisien se rêve pourtant monégasque. En 2004, il sollicite une mutation dans le Sud au Flo Nice. Là, il ne pâtisse que du frais, des tartes maison, des pâtes brisées, des croustillants au chocolat. Il pivote au branché Zebra Square-Monaco en 2005 puis au Maya Bay Monte-Carlo, plus tendance, en 2006. Le travail sur les huiles d’olive, l’effacement des beurres, des huiles d’arachide et de tournesol le frappent. Les loups sauvages entiers, les thons rouges matinaux des petits pêcheurs l’enfièvrent.
Dans cet « autre monde », il tourne des artichauts, amende ses cuissons à blanc pour le style fusion de Pascal SILMAN. Il se réjouit des filets de sole levés puis roulés au moment. Attiré par le haut goût, à l’Hôtel Port Palace****, dans la Principauté de Monaco, en 2006, il rencontre un sensible menhir, son « deuxième père », qui infléchit ipso facto le cours de sa trajectoire : Patrick RAINGEARD. Il le secondera à l’Hôtel Cap Estel*****, dans une exemplarité en loyauté et en longévité, entre 2010 et 2022.
Depuis janvier 2023, Damien ANDREWS emmène les cuisines du restaurant LE PATIO au sein de L’Hôtel La Pérouse Nice. Dans l’assise évanescente de la lueur intangible des jours iodés, il s’enquiert des nouveaux goûts, des équilibres esthétiques dans des paysages culinaires d’altérité. Celui qui affectionne la profondeur de la soupe de roche et la puissance de l’odeur du citron vert raisonne les miroitements sudistes. Dans cette maison de cuisine intime, presque cachée où brille l’art de vivre nissart depuis 1936, les agrumes conversent en cocktails, la pêche melba à la vodka taquine les vins grecs dans l’essence de la grande bleue. Les asperges sautillent avec la fleur de courgette et les petits pois.
Le carpaccio de poulpe au gingembre confit et sésame s’enrobe dans un bouillon thaï. La raviole de crevettes aux topinambours et à la coriandre joue à cache-cache dans une écume de noisettes grillées. Le civet de lotte au vin rouge espagnol, mini carottes fanes au café nous emporte dans une amabilité tour à tour lustrale et nustrale. Les aiguillettes de daurade laquées au jus d’orange cuites fondent dans une douce feuille de bananier. Le rare râble de lapin fumé au romarin, salsifis moelleux au jus corsé émoustille autant que l’aérien paleron de bœuf au vin rouge, jeune poireau et pommes de terre au citron confit du pays.
Les 1000 feuilles de chocolat et cacao piquent notre douceur. Nul ne badinera avec le Baba aux limoncello, sorbet yuzu. Le disciple d’Escoffier depuis 2022 de confier : « La cuisine c’est plus qu’un métier, c’est une vraie passion. Je me lève tous les matins avec l’envie de me dépasser, d’aller encore plus loin dans mes rêves mais aussi de les transmettre à mes équipes, autant qu’à nos convives, pour leur faire vivre le meilleur moment possible à table ».