PORTRAIT DE CHEF
Guillaume FASSILEAU

Par Fabien Nègre
  • Chef Guillaume Fasilleau
  • La Traboule ris de veau
  • La Traboule canard
  • La Traboule dessert
  • La salle du La Traboule

Coréen bressuirais beau tain, sensible discret, calme rompu à l’embeurrée poitevine, accompli au bolide corse Christophe BACQUIE, Guillaume FASILLEAU, à La Traboule, depuis le 15 septembre 2024, enjoint sa main arcadienne dans son jardin secret asiatique.  

 En Corée du Sud, dans un village sudiste, Shungju-She, s’éclaire, en 1979, un solide nourrisson qui ne goutera pourtant point de kimchi avant sept ans. Ce mets traditionnel très prisé des Coréens, littéralement légume submergé en chinois, se compose de piments et de légumes lactofermentés à savoir trempés dans la saumure pendant des semaines, présente une acidité équilibrée par le piquant de son enroulement. Traditionnellement, les familles le conservaient dans le sol dans de grandes jarres en faïence afin qu'il ne gèle pas pendant l’hiver. Il existe autant de kimchis que de maisons.
 
Le petit pas faraud intolérant au maquereau se ramentevoit à peine ses grands-parents maternels aimants, pêcheurs côtiers. Adopté par un couple d’ouvriers agricoles, il renaît, en 1985, à Bressuire, dans les Deux-Sèvres, pays des chèvres, du beurre et de la crème fraîche. Il grandit dans la percale de l’opulence fermière. Le père qui le prend sous son aile écobue son jardin avec grand soin : « Haricots verts, petits pois, asperges blanches, artichauts, épinards, carottes, navets me ravissent. La texture et la profondeur du goût m’envahissent ». Il l’escorte à la chasse au lapin de garenne, à la perdrix ou au faisan empenné.  
 
Il goûte ainsi le spicilège des saveurs très distinctes, giboyeuses et saines, du chevreau au cheval. Avec sa mère d’accueil qui confectionne des bocaux de sauce tomate ineffables, rare cuisinière ainée de onze enfants, vers dix ans; il se pourlèche d’un pot-au-feu aux légumes frais garni de la viande bovine des près voisins, il taquine la pâtisserie élémentaire mais si douce. La fratrie de plus de cent becs sucrés affectionne les gâteaux, biscuits, caramels et autres chocolats.
 
Pas un jour sans tarte. Les oncles, producteurs de blondes d’aquitaine et de pigeons de belle chair, livrent aux étoilés parisiens une foule de couples par an. La scolarité, à l’adolescence, malgré d’indéniables aptitudes, se trame en voie optionnelle. En fin de troisième, un stage hebdomadaire dans un restaurant associatif du village du Pin, non loin de Chollet, le convainc de s’envoler dans un métier aux heures élancées encore peu starisé. Passés les rêves de super héros repeints en pompier ou gendarme, le jeune judoka versé dans le dessin et la guitare, en 1995, aborde la cuisine au Lycée Aliénor d’Aquitaine de Poitiers.
 
Jean-Louis RAVIDA, professeur débonnaire mais « extrêmement rigide », ancien du Louis XV, à Monaco, l’intimide par sa technique de sculpteur sur fruits et margarine : « Sa sévérité nous a préparé à notre vie d’après ». Pour son premier stage, en 1996, au Chalet du Mont d’Arbois, à Megève, il côtoie Alexandre FAIX, un des plus jeunes étoilés français sorti de la brigade de Joël ROBUCHON. Nul ne baguenaude. Avec le chef de cuisine, Emmanuel HORCLOIS, « à la dure », la virilité le percute : « Je disais à ma mère, je vais tout arrêter ».
 
A sa grande surprise, le directeur des quatre établissements convoque ses parents une heure durant : « Votre fils a un grand potentiel ». Les douze élèves de la classe se bagarrent en mode émulation entre copains. Ils iront chez Loiseau, Meneau, Veyrat ou bien même Toulousy. La recherche de l’excellence ne les abandonne pas une seconde. Le rugbyman qui participe au concours de Kimchi 2024 reçoit son baccalauréat professionnel en 1999. L’hyperesthésique du salpicon attaque par le sommet : « j’avais de grands rêves de grandes maisons, je voulais me faire bouger, rentrer dans le vif du sujet ».
 
Il décline Le Relais Plaza que lui offre le brillant technicien Éric BRIFFARD**. Le trépignant ambitieux persiste, mire le macaron. Il cogne chez Christophe BACQUIE en 2001, à la Villa. Deux saisons d’éblouissements. Le haut goût, sport de haut niveau exprime un art agonistique : « La barre me paraît inaccessible, je découvre un homme coriace qui se met la pression ». Le fulgurant footeux qui ne reverra sa mère biologique qu’en 2019 passe du garde-manger aux entremets, des garnitures au poisson. De la mâche de la langoustine crue à la longueur iodée presque sucrée aux parfums corses, il retient tout.     
 
En 2010, à l’Hôtel Grand Prix, il revient aux côtés de Christophe BACQUIE, au Castellet. Le handballeur qui n’embrassera la Corée qu’en 2020 pour manger avec sa vraie famille réalise la stature d’un grand chef. Dans une coction sublimée, il élide le superflu avec sa soupe de gambas au galanga et lait de coco. Le denti de méditerranée tout juste jailli de l’eau, cru, mariné en ceviche l’emporte en finesse et puissance. Ame de la maison, le maître a l’œil partout. En 2015, le golfeur dominical adepte de la musculation inaugure son propre établissement, « Chez Nous 2 » 75015, une simple bistronomie de saison sans fioriture.
 
Avec son Asie intérieure, l’amateur de Vaqueras s’applique aux touches chinoises, coréennes et thaïes. Chez BB Blanche 75009, il œuvre sur le tissu végétal. Depuis septembre 2024, il métisse sa haute noce à la française et son ancrage coréen dans un pot au feu de foie gras en soupe Pho. La gelée de kimchi viendra son caviar, le gingembre et la citronnelle avec la bière ou le soju. L’umami des grands osciètres concordent avec l’huître en velouté, frite et froide. 
 
La cuisine, à l’instar du Golf, moment d’évasion, instant en soi, régénère le corps et l’esprit. Elle requiert passion, patience et concentration. Elle exige régularité et humilité, répétition du geste et différenciation des gestuelles : « je commence avec un produit, je regarde sa saisonnalité, son environnement, la Saint-Jacques sera dans un bouillon Jasmin et fleur d’oranger ». Le bœuf sied au tamarin et morilles sans omettre une suave sauce marchand de vin qui fonde la grammaire culinaire classique parisienne dans sa jutosité : « Mon pays c’est la France inspirée par l’Asie, je veux redécouvrir la tradition asiatique des bouillons dans la cuisine française ».  
   
Pour Guillaume FASILLEAU, le bien-être tient aussi dans l’assiette par un grammage complexe balancé entre sobriété et générosité, attention au point de satiété et apport protéinique, nouilles de patates douces et légumes. L’admirateur de Christian PEYRE évoque néanmoins son passage à la Maison du Domaine de Bournissac, montée d’Eyragues, à Paluds-de-Noves, où, dans un style bourgeois campagnard entièrement provençal, il fût bouleversé par un « pied de cochon farci aux encornets, sauce pégueuse ».   
 
Pour l’heure, le tango terre et mer se prolonge dans ces haricots verts, salicorne, feta fumée et fenouil à l’hibiscus. Le mano à mano automnal perce dans ce faux-filet de boeuf cendré, panais, figues et sauce lie de vin ou ce ris de veau, eryngii, espuma de pomme de terre et jus soja et gingembre. La note finale, tout en sucrosité maîtrisée, traverse le vacherin exotique, sorbet ananas et yuzu puis le délicat brownie au chocolat, crémeux chocolat noir et sorbet yaourt-écorces d’agrumes.
 

LA TRABOULE

Proche de l'avenue Matignon, le restaurant La Traboule propose une cuisine traditionnelle française de qualité, à base de produits de saison. En cuisine...

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