PORTRAIT DE CHEF
Rémi CHAMBARD

Par Fabien Nègre
  • Le chef Rémi Chambard
  • Le Corot Saint-Jacques, tarte champignons, agastache, oignons
  • Le Corot volaille culoiselle
  • Restaurant Le Corot fraise, lait et miel
  • La salle du restaurant Le Corot

Rochefortais réconforté, discret dagovéranien, étoilé niché aux miroitements du territoire francilien, Rémi CHAMBARD, de la merveille sphérique à la complexité labyrinthique du détail, élève le champêtre entre potagers, forêts et étangs où faune et flore sauvages fusionnent sous nos yeux.    

A Rochefort, sur les bords de la Charente, dans un pénultième méandre avant le climax de la mer, s’éveille un poupon placide le 12 février 1983. Ses parents perchent au grand Vergeroux, commune fluviale et estuarienne ceinte de lagons : « toute mon enfance, je pêchais la carpe et la truite avec des copains ». Dans ce modeste ménage, père facteur, mère au foyer, l’amour familial déborde. Les aïeux maternels agriculteurs dressent des grandes tablées au jardin où les fines cuisinières ne faillissent point. La grand-mère de cet adret saisit ses poissons d’eau douce ou de mer au beurre clarifié.
 
La lignée tutélaire rivalise, dans sa belle ferme, avec son civet de lièvre, ses cochonnailles dominicales, ses vaches et veaux. Toute une perspective culinaire enchantée. Le temps des moissons éternise l’horizon. Le paysagiste en herbe se pique au jeu de l’ample potager paternel. L’adolescent zélé goûte toute sa vacance estivale chez son oncle, boucher-charcutier à Bazas, non loin de Bordeaux. Déjà traversé par la méticulosité, hanté par le souci de l’absolu, il découpe et calibre, larde et saucissonne. L’œuvre sur les matériaux des voiliers l’attire tout autant.
 
Au sortir du collège, en fin de troisième, le bon élève opte, à l’étonnement général de son entourage, pour une entrée au réputé lycée hôtelier de la Rochelle : « Issu d’un milieu d’artisans, j’aimais le travail de la main. Un seul principe : bien faire, s’intéresser. J’aimais mes professeurs. Heureux et joyeux dans la chance de cuisiner ». En 2003, le jeune homme qui rêve de charpenter des trirèmes rentre dans la danse avec un toqué rochelais dans la transe qui connût les riches heures du Royal, à Deauville. En 2006, ses dispositions distinguées, son premier patron l’oriente vers Éric Provost, au Côté Royal.
 
Au cœur d’un écrin chic et traditionnel, le pongiste éprouvé aborde la « brasserinomie » sous les lustres deauvillais : ceviche de bar au lait de coco, filet de bœuf normand persillade de girolles au jus de veau, dessert à la tomate, gel passion kumquat confit. Il s’imprègne de la « cuisine cuisinée » dans une brigade rigoureuse qui guette les arrivées de poissons et de crustacés, dialogue avec tous ces magnifiques artisans de la terre et de la mer. Les jus, dans leur approche, se transfigurent, plus techniques, gras, tranchés, perlés.   
 
En 2007, alléché par le Sud, le cycliste de gravel dans les bois s’engouffre dans un Palace couru du monde entier dont les cuisines se placent sous la houlette d’un MOF 2007 savant, Jean-Marie Gautier* : « un drôle de personnage qui m’invite à déjeuner pour mon entretien d’embauche ». Dans cette maison d’apprentissage, lieu singulier face à l’océan, monument de l’art de vivre basque, le pongiste exercé vit « ses plus belles années », des omelettes aux œufs ultra frais des petits-déjeuners aux banquets sans omettre le gastronomique où l’entremétier emmagasine les techniques basiques irréprochables, la connaissance profonde des produits, une érudition de concours.       
 
Le chef de partie aux sauces viande, jus et fonds se plonge dans l’Escoffier tout au long du jour pour comprendre les bouillons dans la sérénité de la compétition. En 2008, Didier Aniès*, MOF 2000, chef exécutif virtuose au Grand-Hôtel du Cap-Ferrat, l’accueille : « fin, moderne, méditerranéen ». En 2009, le chef de partie accompagne l’ascension étoilée de Nicolas Masse** aux Sources de Caudalie, autre Palace sis à Bordeaux-Martillac. Ce grand calme l’invite à la modernité du végétal, la légèreté des sucs, la focalisation esthétique des parures. La récompense de la fidélité et du bel ouvrage tombe. Le coureur de fond accède au poste de sous-chef. 
 
Au jardin de plain-pied, le rochefortais approche les fleurs, les textures de la nature mais aussi la technicité du produit. En 2012, à 27 ans, Rémi Chambard parvient au Corot dans ces paysages si romantiques, cette nature préservée d’une beauté élancée qui inspira tant le peintre à la générosité proverbiale né au 125 de la rue du Bac lors de ses séjours dans la maison de campagne de ses alliés : « La vie est un marathon, pas un sprint, un coup de hasard ». Dans ce Paris agreste au charme provincial, l’étoilé en 2014 anime une balade gourmande en Île-de-France.
 
Ce lieu au bord de l’onde, rénové en 2020, à la lisière de la capitale, entre lagunes et forêts, foisonne de provenances méconnues qui délimitent les contours d’une « cuisine champêtre » où sauces généreuses, jus expressifs traduisent la faune et la flore voisines, un style qui approfondit une topographie, les éclats d’un territoire dans l’imaginaire chatoyant des étangs, en plein air et d’après nature. Douceur complexe de la miniature dans la fraîcheur de l’étole lacustre, poireaux de Gennevilliers, asperges d’Argenteuil, épinards de Viroflay, cerises de Montmorency, petits pois à la Clamart; autant de généalogies croisées du maraîchage francilien.   
 
Une cuisine voyageuse et silencieuse, concentrée et concentrique : « Il ne faut pas trop parler ». La grande balade s’entreprend par des canapés exquis : œufs de brochet fumés, céleri, pomme verte; tartelettes de marron fumé, croustillant au Prince de Paris. Vient la belle de Fontenay-sous-Bois, échalote et Caviar « osciètre ». Survient le brochet de Méréville, cresson, champagne. La truite confite se marie délicatement à l’oseille de Belleville et au citron caviar. La noix de Saint-Jacques s’épanouit dans une sauce au vin « Les terrasses », racine de persil de Suresnes.
 
Le sandre au café roule le topinambour de Carrières-sur-Seine dans la rhubarbe et la mélisse. Ville d’Avray se figure dans les champignons, agastache, oignons confits. Le ris de veau fond dans la graine de moutarde de Meaux, purée « musard ». A la bartinière, la volaille culoiselle se culotte de livèche et de céleri. A Versailles, la fraise compagne avec les tagètes. A Crécy-la-Chapelle, le canard se dore aussi à la tagète mâtinée de carottes « grelots ». A Ozouer-le-Voulgis, lait, miel et baie de genièvre s’enlacent.
 
A Choisy-le-Roi, le chocolat et le sapin interprètent le clacquesin, célèbre liqueur de Malakoff puis Provins composée de résine de pins de Norvège infusée dans l'alcool avec adjonction de sucre caramélisé et d'épices dont la cannelle et les clous de girofle. Les mignardises culminent avec un baba aux noyaux de Poissy, une tartelette noix et pimprenelle, pâte cassis et menthe poivrée de Milly-La-Forêt.
Dans la luminosité pellucide de Ville d’Avray, vacance d’affabilité d’exister, entrevoir les secrets d’un faste discret au bord de l’eau redessine le charme poétique d’un abri paisible au sentiment de la nature.  
 
 

LE COROT - LE CAFE DES ARTISTES - LES PAILLOTES

Situé à 10 minutes du 16e arrondissement, à la limite de Saint-Cloud, l'hôtel Les Etangs de Corot abrite trois restaurants dans un ravissant hameau...

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