A Fontainebleau, le 18 septembre 1991, se tortille un nouveau-né « pas très sage ». Il pousse à la Celle-Saint-Cloud, dans un cercle familial restreint. Le père, trader à la bourse de Paris, décède alors qu’il a juste sept ans. Son beau père, dans l’ingénierie des énergies électriques, l’élèvera comme son propre fils. L’ainé de quatre enfants, auprès de sa mère, connait ses premières émotions de goût, avec les plats dominicaux, blanquette et bourguignon. Sa grand-mère paternelle, quiberonnaise, lui ouvre l’horizon marin des vacances estivales : « La Bretagne : des activités, des lieux, l’énergie d’un paysage, la sensation, la vision et l’émotion d’un environnement ».
A 4 ans, le curieux, sur le marché, croque des cuisses de grenouilles et des escargots. Au cours préparatoire, le gentil garçon au désir gustatif prononcé aime à se faire remarquer pour exister. Il fait le zouave dans les sports : volley, rugby. En CE2, déjà, un évènement le marque. Il effectue la journée des métiers chez un tripier de la ville : « Avec Aldo, je plonge dans les rognons, les couilles de mouton et les tripes, j’adorais. Je faisais sentir mes mains à tous mes copains. Il me donne une pièce de 10 francs à la fin du jour ».
En 6ème, le bon élève bifurquerait bien au pays de la gastronomie. En 4ème, à 13 ans, il dévale une semaine chez Joël ROBUCHON, rue de Montalembert : « Le troisième jour, je rentre chez moi en pleurant. J’avais mal au dos et aux pieds. Je ne comprenais rien face à Philipe BRAUN et Éric LE CERF. Le lendemain, en souriant, j’ai dit à mes parents, je ferai ce métier, je veux devenir un grand chef ». A l’école Grégoire-Ferrandi, durant quatre ans, il s’exerce aux joies telluriennes de la quiche lorraine et du ragoût brun, fasciné par le Professeur Jacques BACHELERY qui, de ses paluches de waterpolo man, explose l’arrière-train du poulet lors de la fricassée de volaille à l’ancienne.
Entre 2006 et 2008, chez Lasserre, l’apprenti fourbit ses armes aux côtés de Jean-Louis NOMICOS. Il obtient son baccalauréat professionnel à la Table de Joël ROBUCHON, les deux années suivantes où il apprend à mettre un produit en avant et tourner autour. Au Laurent, le chef de partie cuisson viandes et saucier, sait que le talent s’acquiert par le travail. Frédéric SIMONIN, son « paternel numéro 1 », lui transmet la rigueur des réflexes de méthode mais un seul principe le marque, l’efficacité, l’intelligence de la compréhension de la matière.
Il réfléchit sur le niveau d’intervention de la technique pour sauver l’essence et le parfum d’une provenance : « Que se passe-t-il quand on croque un petit pois cru, il y a la cosse, un goût, une sensation différente. Autour c’est vert, herbacé, astringent ». En 2019, la belle aventure « fondatrice et manquante » mais aussi éreintante de TOPCHEF, entraîné par Jean-François PIÈGE, lui lègue l’exercice de la caméra.
En janvier 2019, à moins de 30 ans, il inaugure son établissement nommée OCHRE conçu comme un « aboutissement, étape et maturité ». Cette deuxième carrière l’enjoint à la recherche d’une identité pour « créer toute sa vie » : « Le chef cuisinier diffère du restaurateur, on passe parfois du rêve du cocon de sa cuisine aux cauchemars des basses tâches ». La création réside dans le centre de gravité du produit, dans la direction dans laquelle on l’emporte, dans les notes gustatives, les couleurs, les essences.
Celui qui voulait devenir nez imagine la morille telle une image, une couleur, une tonalité torréfiée, le fumé grillé hivernal. « Un monochrome pas que visuel mais gustatif ». Il habille le noble champignon anguleux d’éléments inexploités. Le thé macha anoblit le petit pois, mouillé dans un bouillon de cosses. La végétalité tient dans une cueillette, des baies fraîches, des vinaigres maison, des huiles. L’introduction d’une fausse complexité aromatique reconstruit l’aliment. Loin de la synthèse des limites, la trame instinctive n’appelle rien de réfléchi hormis les associations qui tendent à la pureté d’une franchise, la sensation soustraite de sa pyramide olfactive.
« Le soleil a une odeur, il exprime un sentiment ». Récusant la cuisine d’auteur par des variations autour de polarités différenciées, Baptiste RENOUARD se ressouvient « un air de côte sauvage », restitution intégrative du ressenti d’un lieu. L’assiette brute et parfois brutale s’éloigne au boni d’une esthétique végétale de balances acides amères. « La crème liquide est le pire produit de la terre ». D’où l’intérêt pour les tapas gastronomiques, ces petites bouchées du déséquilibre qui contreviennent aux plats et excèdent toute dégustation. « Dans une cuillère existe toute la puissance d’un monde ».
Par la mignardise, le jeune chef condense, de même, la vérité du goût : acide, amer, salé, umami. Les mises en bouche forment alors des mises en condition. La proposition se compose, à la volée, de légumes et d’un bouillon, d’une bouchée de cœur et d’humilité : « Les plus beaux moments de ma vie, je les ai passé à manger quelque chose. A la maison, un dimanche après-midi, des grillades, une salade de tomates avec son jus, finir la casserole en trempant son pain à l’échalotte et au vinaigre. La perfection culinaire venait de ce que ma mère me faisait gamin, je ne sais toujours pas l’assaisonner, une salade de cervelas Herta, des tomates, du maïs, je peux en manger des saladiers ».