Franck BERREKAMA : Chef sommelier du Couvent des Minimes

PAR FABIEN NÈGRE
Phocéen original, autodidacte solarisé par la prestance de la prestation, l'attachant Franck BERREKAMA, nanti de ses gants blancs, rehausse la carte provençale du ceps au risque de la stupéfiante décelée d'une euphonie finale inouïe, d'une torsion suave des forces de l'habitude tout à la joie de ses accoutumés médusés par la simplicité virevoltante de la fête en pays manarain.



A la Porte de l'Orient, en 1980, dans le cossu 8ème, le minot de la crèche atterrit au beau milieu de la restauration. La maman tient un établissement. Le grand-père maternel, après la guerre d'Algérie, se lança dans la représentation de vins et spiritueux pour Ricard et Grand Marnier. L'arrière-grand-père maternel fut un maître d'hôtel réputé dans de prestigieuses maisons sises à Paris, Monaco ou Nice. Tout le clan BERREKAMA gravite autour de la souche et de la chère. Entouré tantôt de chefs protecteurs à la vision aiguisée, qui repairèrent « son humilité à avancer pas à pas », le caganis de la Treille ne traine pas la nuit.



Dès l'adolescence, entre mai et septembre 1995, sa mère le place au « Carré d'Honoré », histoire de se plonger dans l'ambiance. Là, l'enfant massaliote assiste le second de cuisine pour l'impeccabilité du service, découpe les poissons délicats, confectionne des fonds blonds ou bruns, lie ses jus pour les sauces. « Petit, je mettais ma truffe dans les gamelles, chez ma grand-mère, et j'avais droit à un fond de verre les jours de fête ».



Le gâté de ses parents et de son grand-père amoncelle moult sensations d'olfaction. « Le chef encourage mon goût, dès 9 ans, j'avais des facilités pour les assaisonnements, le sucré, le salé ».


Une tante, maître d'Hôtel au « Concorde Palm Beach », le pousse. Héritière d'un art de la table familial et d'une culture de la prestation hôtelière, elle lui glisse à l'oreille une devise qu'il médite encore et toujours : « La sauce finit le plat et le vin finit le repas ». Un cousin, chef à La Napoule, puis cuisinier de Bruno CLEMENT, au « Bistrot des Lices », à Saint-Tropez, l'embarque dans les saisons comme « runner ». Lionel LEVY, alors chef d' « Une Table au Sud », en juin 1997, lui suggère fortement de se servir de son nez. Le jeune diplômé d'un Bac Pro Vente Représentation du Lycée Frédéric OZANAM, après la formation aux techniques culinaires, aborde le vin en tant que « fait social total » au sens de Marcel MAUSS.



Emporté par le versant capiteux des crus, à l'Université du Vin de Suze La Rousse, le curieux avide de savoir énonce, avec aisance, le spectre des 24 arômes. « Faire travailler sa mémoire, son cerveau, avec les épices, l'originalité d'un plat ». A Saint-Tropez, chez Vincent UDERZZO, à « La Ramade », la « fibre du vin » éclot. Le fou de belles bouteilles transmet au garçon qui avait soif d'apprendre. Sous l'aile de la ferveur pour le sauvignon, en 2000, année de ses 20 ans, l'assistant du Chef de cuisine exulte.


« Les artichauts à la barigoule » se métamorphosent en plat gastronomique. « Un vin transforme, transcende un plat, une révélation ». Soudain, un « Savigny-Lès-Beaune », un petit beurre blanc, bouleverse votre regard, l'acidité contrebalance la texture. Entre 2004 et 2009, à « L'Hostellerie de la Fuste », à Valensole, Daniel JOURDAN le projette en salle, lui fait « déclocher les plats ». Avec une émotion non feinte, le commis sommelier d'évoquer le personnage : « une cuisine de pays, presque paysanne, avec ses fonds et ses carrés d'agneau. Il me parlait tout le temps du vin. Il m'a donné les clefs d'une cave de 10 000 bouteilles quand j'ai été fin prêt, il m'a lancé dans le jeu du vin ».



Franc ambitieux délicat qui gravit toutes les marches pour prétendre à la plus prestigieuse, le sommelier maître d'hôtel « de la région qui aime sa région », fier de son identité provençale, parvient à « La Bastide Saint Georges » en 2010. A Forcalquier, dans ces luxueuses villas privatives, approfondissant ses terroirs, il défend les vignobles alentours, « parle du vin comme un poète », lui confiera l'ancien Directeur Général du « Couvent des Minimes ».


Depuis février 2012, le chef sommelier du restaurant « Le Cloître », met en scène « les petits vins locaux inconnus ». Dans son partenariat heureux avec Jérôme ROY, les vignerons originaux des environs revivent : « en hiver, les vins dorment, c'est la plus belle période pour comprendre un terroir ». En lumineux pédagogue, Franck BERREKAMA s'enflamme : « Je monte sur des montagnes, je regarde les communes. Je scrute les barrières rocheuses, les vents couchants et levants, les coteaux exposés en plein cagnard ».



Le méthodique de l'analyse sensorielle argumente ses axes auprès du connaisseur : « L'économie du vin tuera le vin. Je parle du cépage au client pour trouver une structure sans occulter le terroir, premier face à la terre, en gastronomie ». Le végétal plonge dans la terre qui fait lien. A 36 ans, le binôme idéal du Chef oeuvre dans l'ombre avec un besoin d'accompagnement de leurs sensibilités respectives. « L'accord fonctionne lorsque vous avez toujours le goût du plat en bouche ». L'amateur de cépages oubliés maîtrise les terroirs de France avant que de les accorder.


« Je fais boire du blanc à des personnes qui n'en boivent jamais ». Cette audace mesurée, cette connaissance profonde des typicités montre un culot qui appelle la réussite. Franck BERREKAMA descend dans la généalogie de la perception primordiale : « je veux faire ressentir la même sensation que lorsque j'ai gouté le vin pour la première fois, sur place, c'est la sensibilité d'un vin ».

A Châteauneuf-du-Pape, il respecte l'histoire de « ces gens qui se lèvent tôt et travaillent dur depuis des siècles ».



Sans flatterie, il cherche la tenue, la densité des grandes syrahs de la colline de l'Hermitage. « L'équilibre, la minéralité, le sol. Les argiles, les calcaires, les schistes, les granits. La maîtrise des températures. Ensuite, l'acidité, le fruit et l'alcool se mêlent. Transformer le fruit en alcool est le principe fondateur. Je mets du « Muscat de rivesaltes » 2008 sur le banon ».



Ce savoir longuement acquis justifie la concordance. « J'explique et j'explicite ». Franck BERREKAMA, en sommelier enjoué à l'humour affiné, nous fait rentrer dans le paysage du vin.



> Le Couvent des Minimes


Chemin des Jeux de Mai - 04300 Mane - Tel : 04 92 74 77 77
 

D'autres portraits autour de la table

José DA ROSA
Christian DAVID : Directeur du restaurant Le Grand Véfour
Pierre CASSAGNE : Restaurateur des restaurants Vin et Marée
Edouard ABSIRE
Découvertes

Au cœur du triangle d’or, à deux pas de l’avenue Montaigne, L’ENVOLÉE, le restaurant de la Demeure Montaigne, nous séduit par sa cuisine...

En savoir plus

Le chef Olivier Chaput et Philippe Journod, ont installé leur bistrot créatif SHOW DEVANT sur la place de l'église de Villejuif.  

En savoir plus