L’AOC Corbières s’étend des portes de Carcassonne aux étangs de Leucate et de Narbonne, des contreforts des Pyrénées au pied de la Montagne Noire. Il lui a fallu plus de 2000 ans d’une histoire mouvementée avant d’entrer en 1985 dans la famille des appellations d’origine contrôlée.
Aujourd’hui son vignoble recouvre 1/3 du Languedoc, rassemble près de 2000 producteurs et produit près de 450 000 hectolitres de vins référencés dont 95% de rouge, 3/ de rosé et 2% de blanc, dont 1/3 sont vendus à l’export. Grenache noir, mourvèdre, carignan et syrah, forment le carré gagnant des cépages utilisés dans la région pour l’élaboration des vins rouges. Des cépages costauds et anciens qui résistent à l’altitude, aux fortes chaleurs et au vent violent et humide qui balaye les terres.
Après, il faut compter sur le terroir, les microclimats et le savoir faire des vignerons pour l’essentiel, à savoir faire du bon vin, tel qu’on l’aime ici, puissant, charnu, élégant, à la robe sombre et aux arômes complexes, un vin qui, à force de travail et d’efforts, rêve de connaître un jour la notoriété de son voisin de Bordeaux.
Maintenant il faut s’y balader pour admirer les paysages, humer les différences, goûter aux différents crus. Une petite visite sur place nous a permis de découvrir quelques domaines intéressants.
Chez les vignerons de Camplong, humez la Cuvée Sextant des Celliers d’Orfée. Un vin complexe aux aromes très grillés, légèrement boisé à cause de la syrah qui entre dans son assemblage ! Et aussi Délicatesse de Terre d’expression, un vin souple et rond, qui mérite amplement son nom.
A Douzens, ne passez pas à côté du Château de Fontenelles, cuvée Renaissance, un alliage de syrah, grenache noir, vieilles vignes carignan et mourvedre, un vin qui vire presque vers le noir et qui rappelle la garrigue, les fruits mûrs et les épices. Tout comme la cuvée Moural de Salomon, un produit rare quasiment introuvable dans le commerce, qui se révèle d’une ampleur et d’une profondeur exceptionnelles.
A Cucugnan le curé n’aurait pas boudé le Six Terres Sienne du domaine du Grand Parc, un vin naturel sans engrais, ni levurage, ni soufre et qui se laisse boire avec délice entre deux Pater.
Non loin de l’abbaye de Fontfroide, un pays encaissé et venteux, dégustez le Deo Gratias rouge, onctueux et généreux, ou la cuvée Mathilde du Château Montfin, puissant et gouleyant, le Montrabech Pitt rouge, bien charpenté lui aussi, ou encore Altaïr du château Saint Estève, fin et concentré.
Autant de bons crus donnent faim, alors direction l’auberge du vieux puits à Fontjoncouse , chez Marie Christine et Gilles Goujon, trois-étoiles au Michelin depuis deux ans. Installé dans un petit village charmant perdu dans la rocaille, le restaurant au service bon enfant, n’a rien de tape à l’œil. Mais les plats qui défilent dans votre assiette, en revanche, sont ébouriffants. Pour n’en citer que quelque uns il y a, en entrée, l’huître pochée de Gillardeau accompagnée d’une perle translucide qui laisse échapper une fumée de feu de bois. S’en suit la spécialité maison, l’œuf « pourri » au mélanosporum, ou le jaune a laissé la place à une émulsion de truffe ! Vient ensuite le rouget, pomme farcie à la queue de lotte, noyée à grand flonflon dans une écume de mer au safran et boullinade. Il y a aussi la pintade rôtie, terminée à la braise, fondante et juteuse qu’accompagnent une morille farcie et une cassolette de champignons cueillis du jour.
Pour accompagner ce festin, quelques vins du pays s’imposent comme la cuvée tradition de Château les palais, un blanc fait de roussanne, marsanne, bourbouleng et grenache blanc, puissant et aromatique, comme il se doit ici. Parmi les rouges, il y a la cuvée Les Ailes du château Vieux Moulin, puissant, épicé, stupéfiant ! Toujours du même domaine, la cuvée Vox dei, élégant et superbe. Avec la pintade, la réserve 2009 du château Coulon Veredus coule de source. Riche, ample, il incarne les Corbières. Je passe sur les fromages et les desserts qui sont à la hauteur du festin mais mon estomac crie grâce!!!