PORTRAIT DE CHEF
Christopher HACHE

Par Fabien Nègre
  • Christopher Hache
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  • Maison Hache

Enfant chesnaysien du jeu de paume, charmant au sentier flamboyant, des triples étoilés au Crillon, Christopher HACHE magnifie, à Eygalières, la munificence des Alpilles dans une manière franche et pure, délectable aubade aux sapidités provençales.    

Dans une bordure parisienne huppée, Le Chesnay, le 14 décembre 1981, les parents atermoient pour un accord sonore. Leur garçon se prénommera finalement « Christopher », littéralement « Khristophoros : celui qui porte le christ », de quoi présenter un calme à toute épreuve. Dans la courue brasserie familiale, le Paris Dieppe, à Eragny-sur-Oise, le père surplombe sa vaste salle, tout à son affaire. La tante cerne les douceurs. La mère, hôtesse de l’air, cordon-bleu en rotation à travers le monde, n’aperçoit pas souvent son fils unique.   
 
Dès quatre ans, il pâtisse déjà avec sa grand-mère paternelle à l’Auberge de la Forêt, à Saint-Nom-la-Bretèche. Dans cette demeure de vraie cuisine bourgeoise, la passion galvanise : gougères feuilletées au Comté, lapin entier à la moutarde, rognons, côtes de bœuf grillées à la cheminée. « Tout était fort, émouvant, les odeurs de cave, l’intensité du service, la convivialité ». A 14 ans, l’art de la table relève de la conversion d’un tournesol, d’une exultation.
 
Au Lycée Hôtelier Auguste Escoffier, en trois ans, le prodige dégaine CAP Cuisine, BEP Hôtellerie, Baccalauréat professionnel pâtisserie : « Précision, régularité, esthétique, j’aime le métier du sucré pour ses techniques ». En 2001, le joueur de squash savoure l’éclat des commencements, au Paris Dieppe, dans le tout façonné maison, des cassolettes aux tartes au citron meringuées jusqu’aux crèmes brulées. La béarnaise, la sauce roquefort convolent avec les entrecôtes et les pavés de rumsteak. Les blancs de volaille sauce basilic sustentent les artisans de passage. L’aventureux survolté fraie tous les chemins du goût.
 
Au Elysées du Vernet, Éric BRIFFARD**, « une personnalité exceptionnelle », lui souffle la rigueur et la précision, la grande saisonnalité des plus belles provenances, la dextérité des dressages et la science perfectible des assaisonnements. Ses exordes, au pays de la gastronomie, en 2003, tonitruent. Au Lucas Carton, place de la Madeleine, le stagiaire de Bernard LOISEAU adoubé par Frédéric ROBERT côtoie un autre géant, Alain SENDERENS : « Une tête pensante sur tous les fronts, la passion des accords, l’alchimie avec le monde liquide fait entrer un plat dans une autre dimension, le vin prime ».
 
Benoît CHARVET, pâtissier chez Bocuse aujourd’hui, le prend sous son aile. De cette brigade intense aux essais élancés surgissent des plats d’éternité tel le homard à la vanille. En 2004, le beau jeune homme se perche chez son ami Jacques MARCON, en Haute-Loire, au bien nommé Saint-Bonnet-le-Froid. Dans la joie du champignon nimbé d’un esprit familial, il s’émeut d’échanges infinis avec le grand Régis MARCON, parti d’une station essence. Dans cet équipage d’anthologie au cran victorieux, il œuvre avec Éric PRAS*** et Serge VIERA** : « Que d’émotions et de professionnalisme dans cette incroyable expérience, des rognons entre nous, une sensibilité, une osmose, un partage inconditionnel ».  
 
En 2006, le sous-chef resplendit au BRISTOL. Dans cette « très grosse équipe » à l’exigence méphistophélique où les cadors mènent la danse, l’adjoint Franck LEROY MOF 2000, Fabien LEFEBVRE* MOF 2004, Arnaud BIGNON**, Yannick FRANQUES**, Stéphane DABOVILLE, Amandine CHAIGNOT, Naoëlle D'HAINAUT*, Christopher HACHE s’impose avec l’humaine complicité grandissante d’Éric FRECHON, le subtil délicat de la tête de veau revisitée. Il tisse une relation singulière avec les grands pâtissiers Gilles MARCHAL et le regretté Laurent JEANNIN trop tôt disparu en 2007.    
En 2009, le sous-chef renoue avec son « papa » Frédéric ROBERT au Pavillon de la Grande CASCADE*. Avec ce seigneur pétri d’humanité, le plus beau parcours français de trois étoiles (Bernard PACAUD, Claude PEYROT, Alain SENDERENS), il se sent bien : « le management, la maîtrise, le silence mais aussi le rire et la plaisanterie ». Il noue une indéfectible amitié avec Yannick TRANCHANT, le chef pâtissier de la Maison des frères MENUT.   
 
En 2010, il dévale au mythique CRILLON, aux Ambassadeurs, en chef des cuisines, pour la première fois, si jeune, audacieux, si avant-gardiste. Ses partenaires se nomment Justin SCHMITT*, Amandine CHAIGNOT. En un an, l’étoile miroite. Une situation inédite change la donne : quatre ans de travaux interminables. Malgré tout, il prouve son lien si particulier à ce « gros bateau de la place de la Concorde ». Il se lance alors dans un tour du globe pour étreindre toutes les expériences. Du Pérou (CENTRAL, MAIDO) au Brésil (D.O.M), en s’arrêtant à Singapour (ANDRE), jusqu’au FRENCH LAUNDRY, à New-York, chez Thomas KELLER, il affiche le plus beau tableau de sa génération.  
 
En 2018, après dix ans dans un lieu intemporel qui célèbre l’esprit de Paris et l’art de vivre à la française, il reconquiert sa bonne étoile : « Je n’ai jamais eu une envie pressante d’être chez moi. J’ai eu la chance inouïe de me faire un nom et de pouvoir ouvrir ma maison avec mon bagage ». L’année suivante, en avril, naît Maison HACHE, en lieu et place de l’ancienne double étoilée Maison de Suzy et Wout BRU. Dans ce calme eygaliérois, l’entiché de Saint-Rémy affectionne « cette lumière, cette atmosphère si apaisante de village ». Le Michelin renouvelle immédiatement sa confiance à l’aficionado de l’Ironman d’Aix-en-Provence.   
  
Celui qui ne se sépare jamais de sa tranquillité à force d’ascèse de soi et d’aménité enjouée, s’outrepasse avec assiduité. Loin des ors lambrissés des palais et des palaces parisiens, il compose sa vision picturale des Alpilles et de la Provence. Brute, franche, pure, sa cuisine verticale accède à l’essentiel de la voûte méridionale. Dans sa lisibilité, la compréhension du produit prévaut grâce à ses amis petits producteurs de cette terre à la trempe fastueuse. De ses rêveries alentour des séculaires recettes aux touches occitanes, il tire une attache légère et une colonne de distinction.  
 
« Même si on a la plus belle expérience au monde, le plus dur est de garder son fil conducteur ». Fraîcheur et acidité domptées subliment une vinaigrette harmonisée. « Je veux des plats qui lavent, des montagnes russes d’intensités ». Contre la vague et les vogues, Christopher HACHE architecture sa manière champlevée dans la matière. Au pays de la truffe et des larmes de la jubilation, du taureau et des troubadours, de la chasse érémitique, il hume le flamboiement des durées et le vol oblique des frondaisons fraîches vers les cimes. Il sait que le vrai artiste délire avec raison.     
 
La tartelette hareng fumé, mayonnaise montée à l'estragon initie la focaccia Maison, sardine marinée aux herbes. L’huître de Camargue grillée, artichauts en barigoule illustre le duo de Saint-Jacques en chaud-froid, Salsifis et sauce Corail. Le jarret de veau confit, déclinaison de carottes parfumées à la réglisse, aurore de nos pensées, ne songe plus au calendrier.
 
La mélodie, art ultime de gaieté et de liberté, affleure dans le soufflé au chocolat Cuba 78% de cacao de chez Nicolas Berger, fleur de lait, blanc-manger, mousse au miel des Alpilles et glace crème crue. Le ciel de Van Gogh s’étire, éternellement bleu.
 
 

MAISON HACHE

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