Ancien basketteur clermontois, créateur de friandises, Paul LOPEZ, nougatier d’excellence, réinvente le touron en nez de parfums, un voyage onirique dans un paysage émotionnel, entre tradition des confiseurs auvergnats et quête vespérale des matières nobles.
A Clermont-Ferrand, le 2 mars 1991, un haut bébé arrive. Les bouquets abondent dans les parages. Le grand-père paternel, charcutier-traiteur parisien dans sa jeunesse, s’installe ensuite en Sologne, à Argent-sur-Sauldre : « épicurien de chez épicurien, un entrepreneur visionnaire ». Le garçon cueille des haricots verts à la fraîcheur de son grand jardin. Le petiot mélange salades de tomates et asperges. Mieux, il moule sa galantine de volaille, enserre son boudin blanc, monte son vol-au-vent. Le géant marmot siffle aussi la fameuse tarte de Santiago, célèbre dessert traditionnel galicien.
Ce gâteau du XVIème siècle, pâtisserie de luxe, se compose uniquement d’ingrédients rares, à l’époque, sucre et amandes de Saint-Jacques-de-Compostelle. Paul LOPEZ admire cet ascendant, commercial chez les trancheuses BERKEL, directeur de trois cents personnes dans un abattoir de volailles, à Blancafort, qui invente les vitrines réfrigérées dans les supermarchés et la célèbre pâte feuilletée François. Le père espagnol, patron d’une société clermontoise d’import-export et ses aïeux ibériques, se délectent de produits marins, poissons et crustacés. La mère, fine cuisinière, pilote une agence de développement territorial.
Le collégien qui s’occupe au basket, sur le tard, à 14 ans, apprécie l’histoire et les sciences naturelles, finit par obtenir son baccalauréat scientifique. Le pivot connaît une progression fulgurante, signe un contrat d’aspirant, mini-professionnel, au Stade Clermontois à 21 ans. Le sport de haut niveau inculque des valeurs pour la vie : absolue rigueur, sens de la hiérarchie, hardiesse. Celui qui veut concevoir de ses mains tous les jours, donner du sens à sa vie et surtout ne pas « travailler dans un bureau chez MICHELIN », aime cuisiner et plus que tout, pâtisser.
Dès qu’il dispose d’un peu de temps, il refait la tarte infiniment vanille de Pierre HERMÉ. A 22 ans, le gouteur à la vaste curiosité échange avec son grand-père retourné à Orléans : « Il avait le don des bonnes idées ». Le pragmatique procède par élimination. Alors que la pâtisserie nécessite du personnel, du temps, des frais et des pertes, le nougat ouvre d’infinies combinaisons de nouveaux produits sucrés, se stocke, se décline, présente une longue durée de conservation.
En 2013, Paul LOPEZ fait son tour de France des nougatiers. Les plus grands noms le déçoivent. Il commence à s’essayer à la fabrication dans la cuisine maternelle. Il tâtonne, observe les coctions et les décoctions. Il percute vite : pas de grand nougat sans matières premières d’excellence. Ses amis craquent. Le nougat des arts voit le jour : « c’est un nougat artistique. Toute création culinaire est un art ».
Le miel porté à la limite de son ébullition, dans une cuve, sorte de pétrin du nougatier, abandonne toute humidité. De fermes blancs en neige se glissent alors doucement dans le nectar d’abeilles encore chaud. Le sirop de sucre (50% de sucre semoule, 25% de glucose et 25% d’eau) stabilise la pâte immaculée. Les fruits secs conjoignent l’appareil. Le jeune nougatier crée des émanations composées comme un nez invente un parfum. Ses recherches sur les écrins le conduisent à œuvrer avec une spécialiste des fresques murales qui dépoussière l’image centenaire de cette confiserie de luxe bien oubliée.
Sur sa terre de pâtes de fruits, dans la lignée des confiseurs auvergnats, le respectueux de la tradition, du patrimoine gastronomique et culturel français se remémore sans cesse : « Si tu ne maîtrises pas les bases, tu ne moderniseras rien ». Il choisit alors avec un soin méticuleux, les plus beaux miels hexagonaux, lavande IGP du plateau de Valensole notamment. Seul le miel procure des caudalies. Ses assemblages au sens vinique expriment de véritables créations. Un nouveau nougat survient d’une balade sylvestre, d’un échange amical ou d’un dîner où une saveur l’apostrophe, un dessert à la poire avec des lamelles de gingembre.
Les fruits confits proviennent de la Maison CRUZILLES dans un dialogue sur la temporalité du confisage tel le kairos des vendanges. Les parfums se croisent, se dosent sur une crête. Pour la rose, sublime mais parfois trop capiteuse, Paul LOPEZ infuse ses pétales dans le blanc d’œuf comme une meringue. Les épices s’avèrent redoutables dans l’équilibre. L’amande, les noisettes définissent l’architectrue du goût, le croquant. Dans le Piémont ou à Garons, non loin de Nîmes, il a découvert la Ferragnes, seule variété au gros calibre : « Sa douceur supporte la cuisson, elle ne restitue aucun gras, je la torréfie à coeur ».
La cuisson confine à une harmonie différentielle des dimensions : « la chaleur de l’amande torréfiée cuit la pistache crue. Je crée des nougats qui me plaisent, je prends du plaisir dans la précision de la recherche ». Fondatrice de l’extrême qualité du nougat des arts, sa fabrication artisanale entièrement naturelle le distingue radicalement, sans glucose, sans gluten, sans conservateur. « Je travaille avec des espagnols qui fabriquent de l’azyme avec du maïs ». Cette confiserie d’exception vient des valeurs d’excellence transmises par un grand-père attaché à la tentation de la perfection.
En 2014, Paul LOPEZ inaugure sa boutique clermontoise. Le succès retentit d’emblée. En 2016, le débutant vainqueur de l’Epicure d’Or pour son nougat traditionnel nommé « Révélation », ouvre tous les horizons des épiceries fines. Son savoir-faire unique en France lui attribue, en 2017, le même prix dans la catégorie Biscuits pour son macaron. L’année suivante, il remporte l’Epicure d’Or pour son nougat à la rose. Introspection dans un paysage culinaire et gustatif, héritage de profonds amarrages et d’antinomies célestes, le "nux gatum" nous étreint.
Tout un lyrisme des miels accoste; de lavande, de châtaigniers, de montagne, de ronce ou de Bruyère. Tout fruit confit au désir du vent; orange, cédrat et encore gingembre. Les amandes provençales succèdent aux noisettes piémontaises, les pistaches siciliennes aux roses de Damas. La myrtille séchée sourit au matcha, le sarrasin soufflé embrasse la baie de goji, la poire tapée et le sésame noir. Le nougat, confiserie ultime, traversée transcendante, souffle une immanence flottante de terroir, une surprise, un cumulus de joie, un devenir d’enfance, un parchemin poétique du suc de notre instant.
Le jeune homme diligent franchit les continents, médite sa péripétie en pays alliciant. Son dernier baume l’envoûte : nougat à la main de bouddha, vanille, feuilles de combawa.