Flavien DEVELET Premier Maitre d'Hotel du Grand Véfour

FABIEN NÈGRE
Flavien DEVELET a quitté le restaurant Le Grand Véfour pour un restaurant proche des Grands Boulevards à Paris 9.

Dijonnais stylé, tutélaire de l’identité patrimoniale française, Flavien DEVELET, Premier Maître d’Hôtel du Grand Véfour, perpétue l’esprit de l’élégance.   
 
Le 19 octobre 1986, dans la ville du Palais des Ducs, capitale historique de la Bourgogne, un enfant pressé éclot. La mère cornaque le secrétariat d’une association caritative. Le chef de la fratrie, ingénieur agronome, pousse le pœcile des Fromageries BEL. Les aïeux, paternels et maternels, œuvrent dans le noble paysage paysan. Les arrières grands-parents charcutiers peaufinent le tableau de bouche. « Toute ma famille aime manger, cuisiner des produits simples et sains, faire les choses bien ».

A quatre ans, le novice vogue déjà entre le festin dominical bourgeois et la sublimation luni-solaire des jardins. Avec son grand-père précurseur des terres biologiques, le cueilleur des estimées asperges de Ruffey-lès-Echirey ou des maraîchages de Brétigny, célèbre les baptêmes et les anniversaires au restaurant. Mansonnienne et Saint-Germanoise, l’école publique s’immobilise en troisième. « On me propose fleuriste, architecte, je me voyais paysan, vétérinaire ou cuisinier mais je ne me reconnaissais pas dans le système scolaire ».

A 14 ans, avec l’aval du protecteur, le stagiaire chez « Clément », à Bougival, riposte à sa mère : « C’est ce que je veux faire toute ma vie ». Entre 2001 et 2003, le finaliste national de la Coupe Georges Baptiste 2015 passe son BEP Cuisine au Lycée Albert de Mun, à Paris 7ème. En 2004, il obtient un BEP restauration en candidat libre. Sa marraine l’invite à fêter sa majorité chez Georges BLANC***. Emu par son dîner vonassien, le néophyte du Trianon Palace de Versailles recherche un cadre plus intimiste.

Un de ses professeurs, mentor et ami, Jocelyn RICHARD, l’encourage à basculer en salle. Il réussit son baccalauréat technologique Hôtellerie en juin 2005. Les foulées s’amplifient. Le finaliste national du Trophée Malongo, à Nice, s’essaie aux fastes du célèbre « Jules VERNE » perché au deuxième étage de la Tour Eiffel, où il rencontre un chef étoilé, Alain REIX et un fabuleux directeur de salle, Francis COULON, qui lui ouvre les yeux sur le métier. L’adolescent qui ne contrôle rien, ni sa voix, ni son physique, ni son image, gagne sa confiance et la conscience de ses qualités.

« Je veux une expérience professionnelle et manger du terrain ». A l’Ecole Grégoire FERRANDI, en BTS Hôtellerie-Restauration Option B, « Art de la table et génie culinaire », l’insubordonné s’affirme. L’apprenti rejoint la Tour d’Argent. Stéphane TRAPIER, aujourd’hui directeur de salle chargé de l’exploitation, alors assistant Chef Sommelier, l’oriente tout d’abord vers la sommellerie puis en salle. En 2007, le « bourguignon qui ne connaissait rien au vin » pénètre dans le bureau d’un sommet à la modestie légendaire, David RIDGWAY. « Je rencontre un très grand Monsieur qui m’apprend le vin et son service en répétant les gestes. Une magnifique année ».

La première ouverture de bouteille, devant une table, se passe toujours tremblant et blême d’autant que le taquin anglais à la tête des 15 000 références trompe volontiers les débutants. Le Membre actif de l’Académie Nationale de Cuisine apprécie l’excellence et l’empathie de l’équipe. Cet apprentissage féérique le marque : cave unique au monde, restaurant élevé au rang de mythe, personnel ultra qualifié, rigoureux, attentif. Claude TERRAIL qui se rêvait en comédien de théâtre ou de cinéma, l’un des rares maîtres de maison, à Paris, incarnait des valeurs familiales et traditionnelles.

« Quand il entrait dans la pièce, l’air se transformait, on sentait tout de suite un poids sur nos épaules ». Il fit de « La Tour d'Argent » son théâtre éternel pour des fêtes quotidiennes, développant admirablement l'art de l'accueil, de l'élégance, du charisme et de l'éloquence. Il recevait altesses, chefs d'État, hommes politiques, stars, écrivains, artistes, dont l'empereur du Japon Hirohito, la reine Élisabeth II du Royaume-Uni ou John Kennedy, Orson Welles, John Wayne, Errol Flynn, Ava Gardner, Marilyn Monroe.             

En septembre 2007, le Membre du bureau du Trophée du Maître d’Hôtel, rejoint les Elysées du Vernet au titre de demi-chef de rang. Le directeur, André WAWRZYNIAK, ancien du Jamin, force le respect. Eric BRIFFARD, le chef, fait merveille. « J’ai la chance de rencontrer un très grand professionnel, avec une belle équipe. Un furieux, pas du tout traditionnel. Une autre dimension de la cuisine, du classique contemporain ».

En 2008, impatient d’évoluer, l’Ambassadeur de l’association de l’exemplaire Denis COURTIADE, « Ô Service des talents de demain », aborde d’autres façons d’apprendre à travailler, des produits différents, des nouvelles approches dans le Groupe DUCASSE. Chez SPOON, il se lie d’amitié avec Sébastien CARABEUX, le second de cuisine, qu’il suivra au RECH. « Découpe des poissons, service des fruits de mer, autres techniques ».

A 23 ans, le maître d’hôtel dirige la brasserie LA GAULOISE. « Un enfer avec des équipes en place depuis longtemps. J’étais au bout de ma vie, je n’avais jamais de congés ». En 2011, alors qu’il décide de prendre enfin deux mois de vacances, le premier maître d’hôtel du Grand Véfour lui propose un poste de chef de rang. Sollicité par ailleurs par un triple étoilé parisien, il privilégie la maison de la rue de Beaujolais, lieu de l’invention du concept de restaurant.

« Je venais pour un an car je voulais partir à l’étranger et j’y suis toujours. Un amour réciproque entre la maison et moi, une rencontre avec des personnages exceptionnels qui m’ont fait confiance : Christian DAVID et Guy MARTIN ». Le trentenaire au brillant parcours qui a su monter très vite toutes les marches de la consécration définit le métier de directeur de restaurant comme « l’invention d’un lien dans un décor exceptionnel avec un très grand chef ». « On mange très bien dans beaucoup de maisons mais la chose la plus importante pour moi est de recevoir des gens comme si je les recevais chez moi, à ma table personnelle. Je crée une convivialité. Je ne veux plus du mépris du client, d’une manière de toiser. Le client est là pour se faire plaisir. On fait tout pour faire plaisir au client ».

Les bons et beaux moments se convertissent en narration inoubliable grâce à des équipes qui tissent des liens privilégiés dans une façon commune de travailler. « On crée le plan de salle pour que les clients interagissent, se sentent bien dans la détente et la convivialité ». L’art loge dans la confidence entre les personnalités de l’équipe et les caractères des clients au sens de Jean de La Bruyère. Sculpter l’humain tous les jours consiste à créer un climat souriant et liant y compris « dans l’imperfection des petites erreurs ».

Le premier maître d’hôtel transmet la philosophie du Grand Véfour, continuité et volonté. Le chef d’orchestre prépare la succession des gestes. « On ne se parle pas, on travaille les yeux fermés ». Tout s’effectue dans la durée, les forces culminent, les faiblesses s’estompent. « Nous avons besoin de la satisfaction complète de tous nos convives ». Le style de Flavien DEVELET revendique « la France à table », l’activité festive et joyeuse de manger dans la générosité plutôt que d’assister à « une expérience culinaire avec de la poudre de tomate ».

Cet art de vivre à la française structure une identité culinaire fondée sur des valeurs. La première valeur, « la plus belle », tient dans la transmission. « J’ai la chance d’avoir eu des mentors et des maîtres, notre métier repose, dans la probité, sur le compagnonnage, la transmission des savoirs ». La deuxième valeur s’élabore dans l’humilité. « Nous ne sommes pas plus importants que le client. Je valorise mes équipes avant tout ». Le sportif du service offre une gestuelle où l’outil prolonge la main. « Nous ne sommes pas des robots, nous avons des intuitions, des émotions. Nous sommes des hommes avec leurs doutes et leurs grandeurs ».

Le passionné de botanique n’oublie jamais la faune et la flore de son enfance. Du colloque avec Guy MARTIN résulte des méthodes de culture, des principes de permaculture mais également une attention toute particulière à la cuisine des plantes en fonction de leurs textures. « L’humain, le contact avec les gens prime. Le client revient car il y a l’affect, l’émotion ». Le directeur du Véfour recrute, forme, se met au service des talents de demain. « Nous devons redonner ce que l’on nous a donné, sinon c’est perdu. Nous échangeons avec nos pairs sur nos visions, nous sortons de nos restaurants. L’écoute intergénérationnelle bienveillante relie les jeunes, les intermédiaires de ma génération et les anciens ».

La filiation, la transmission, la paternité se jouent à tous égards. « Nous recevons tout le monde de la même façon. Au Véfour, nous avons cette chance de l’autre transmission qui vient de la généalogie de la clientèle. Parents, enfants, petits-enfants. Plats uniques, décor unique, histoire unique ».
 
L’hôte qui franchit le seuil l’abandonnera à grand peine. Véfour un jour, Véfour pour toujours. Flavien DEVELET et son équipe, empreinte d’une rare humilité, d’une délicate humanité, le prendra « par le bout du nez, s’occupera de tout ». A la table de Napoléon, Chateaubriand et Colette, le Palais Royal trône hors du temps.

LE GRAND VEFOUR
17, rue de Beaujolais - 75001 Paris

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