Maxime CULLET, Chef Sommelier au Domaine de Châteauvieux, Satigny, Suisse

FABIEN NÈGRE
Gentil rissois, calme grignois, discret au chemin étoffé, Maxime CULLET, depuis 2020, éclaire le livre de cave du Domaine de CHATEAUVIEUX par la magnanimité du vignoble alentour, la vinosité effervescente d’un KRUG ou le désir du millésime des châteaux cachés.  
 
Le 7 décembre 1993, à Ris-Orangis, dans l’Essonne coule un solide. L’enfance se déroule à Grigny, jolie banlieue de l’époque. Les deux parents gardent la paix : « Je ne les voyais jamais, ni les week-ends, ni pour les fêtes de Noël et du jour de l’an ». La mère bourguignonne du Nord ne voit pas trop de vigne non plus sauf à Joigny. Le grand-père maternel le révèle au jus de raisin fermenté. « C’est grâce à lui que je fais ce métier ». Le garçon saisit l’importance du service, de la cuisine et du vin dans les repas familiaux à Villeneuve-la-Guyard à proximité de Sens.
 
Dès 12 ans, il goûte bien à table irancy et chablis sous l’œil attentif de ses ascendants. A 14 ans, le bon élève s’engage tout de même dans un BEP service à l’internat du Lycée Vauban d’Auxerre. « Je voulais partir dans la pratique. Je découvrais la vie, les amis, j’aimais la restauration ». Pascal SOILLY, son professeur de cuisine le sensibilise aux premiers accords. En 2012, il valide son Baccalauréat Technologique Hôtellerie-Restauration avec mention. En 2014, il réussit son BTS Art culinaire, art de la table et du service au lycée Jean DROUANT, à Paris, dans le 17ème.
 
Ses premiers pas ne manquent pas de prestige. A Chablis, en juillet 2009, il sert au restaurant le « Bistrot des grand crus ». Il voyage en Espagne, en septembre 2011, à Villarmaxante, près de Valence, dans les oliviers, à l’hôtel restaurant Relais & Châteaux « Mas des canicatti » où il cumule cuisine, service et réception. A l’hôtel « Lutetia Paris », en août 2013, le Chef de Rang découvre la gastronomie. Le serdeau survient, peu après, en avril 2015, dans la plus belle cave du monde : LA TOUR D’ARGENT. Là, il entrevoit un monument qui le poinçonne à vie : David RIDGWAY.
 
Le malicieux géant britannique immensément humble l’éblouit : « Il prenait d’une seule main le livre de cave de 7 kilos, s’approchait de la table et s’exclamait : Mesdames et Messieurs, qu’est-ce qu’on boit ? ». Le Porto, seul vin étranger de la cave, l’emporte. Un soir, un client asiatique solitaire fortuné lui offre sa première émotion : « Un verre du Domaine Henri JAYER Cros Parantoux 1993. Un grand moment d’histoire ». A 22 ans, il boucle son cycle d’études par la Mention Complémentaire Sommellerie du Lycée Albert de Mun (75007).
 
Manuel DA MOTTA VEIGA, son enthousiaste professeur, le place à Londres, de 2016 à 2018, au fabuleux complexe SKETCH : « Je lui dois tout. J’ai acquis des connaissances, j’ai appris à être gourmand pour moi et pour les autres, l’expérience de la dégustation, l’empathie ». A la « Gallery » ou au restaurant alors deux étoiles de Pierre GAGNAIRE, il se plaît dans cet étonnant espace étagé dédié à l’art contemporain crée par Mourad MAZOUZ. Frédéric BRUGUES, son directeur, l’éveille à tous les vins du globe et lui remet sa grappe de sommelier : « Je suis arrivé et parti sur la pointe des pieds ». D’abord léger défaut, la discrétion se transmue derechef en qualité majeure appréciée dans le métier.
 
De février à mai 2019, le Chef de rang-sommelier attaché à la continuité, soucieux de connaître le vignoble néo-zélandais, touche terre lointaine au moderne asiatique «White&Wongs», à Auckland. En 2020, de retour à même pas 27 ans, le passeur de Satigny prend la tête de la sommellerie d’un des plus prestigieux établissements suisses : le Domaine de Châteauvieux. Préparé par Christophe MENOZZI, expert incontesté des vins jurassiens, épaulé par la maestria d’Esteban VALLE TRUJILLO, cornaqué par la liberté de l’étincelant Philippe CHEVRIER, le fidèle aux maisons humaines s’impose tout en calme et en douceur : « J’aime donner ce plaisir noble du sourire sur les lèvres, d’une bouteille complice de la truffe blanche qui décuple le partage festif, des bulles apéritives, du blanc du vignoble genevois ».     
 
Sans parti pris, le jeune père de deux jumeaux monozygotes enchanté par le vin sait que l’accord découle d’une subjectivité complexe : « Le rosé, c’est des périodes, des moments, les vacances. Le vin est un sentiment, je dialogue, je ne suis qu’un lien entre le vigneron et le client, un accompagnateur jusqu’à la dégustation. Je n’impose rien, j’écoute. ». L’Ambassadeur imperturbable de Krug qui suggère 1988 ou Salon 1997, souffle tout de même Benoît Lahaye ou Jacques Lassaigne, les vignes de Montgueux.
 
L’Italie voisine ne saurait le messeoir. Le gentil défenseur des bordelais Clos Manou ou Château d’Arsac bifurque parfois vers les sakés, les thés grands crus ou le luxe gascon Darroze 1936. Au vrai, il ne résiste pas à associer le couru menu autour du meilleur de la chasse. Sur trois mises en bouche, terrine de poule faisane à la pistache, gyoza de rillettes de chevreuil, atriaux de marcassin, il avance un Deutz Brut Classic. Avec un suprême de palombe rôti, cromesquis de cuisse confite, panais à l’ail noir et au jus de chanterelles d’automne et pied de mouton, il choisit les Artisanes rouge (Gamay, Garanoir, Pinot Noir) 2021.
 
Pour le canard siffleur rôti entier, lentilles de la Petite Grave au lard Valaisan, condiments aux pruneaux, jus au poivre et à l’armagnac, il pioche un Gamaret « Fût » 2019, Domaine des Perrières. La Bécasse des bois confite en raviole de courge, purée de butternuts et crème de foie gras à la truffe blanche d’Alba, plat de grande classe, se marie finement à un Assemblage Grand’Cour 2018, Jean-Pierre Pellegrin. La selle de chamois de Savièse rôtie, purée de topinambours et noisettes, bricelets aux épices, jus aux épines vinettes dialogue avec la Syrah « Fût » 2018, Domaine du Clos des Pins, Marc Ramu.
 
Les fromages frais suisses appellent le savagnin blanc 2019, Sébastien Dupraz, Soral. Le citron au sucre soufflé, mousse lime et crémeux au combawa, glace chartreuse verte acidulée illumine l’intuition doux 2020 de La Cave de Genève. Le Gamaret muté de Philippe Chevrier enrobe les figues flambées à l’eau de vie de framboises, crème de cassis parfumées aux 7 poivres, glace au yaourt. Un seul cheval de bataille : des vins prêts à boire.

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