Miyo et Alban CACACE : cofondateurs de JINCHAN GROUP ( Restaurants JINCHAN SHOKUDO, JINCHAN YOKOCHO)

FABIEN NÈGRE
Japonaise anglophone entichée de la capitale des passages, parisien amoureux des cantines de quartier du pays du soleil levant, Miyo et Alban CACACE mettent au grand jour la culture populaire nipponne en plein Paris par la vérité des provenances, la commensalité des tables et le charme du décor.
 
En 1985, un joyeux allègre se fraie un chemin dans la lumière insaisissable de la montagne de Ménilmontant. Le père, entrepreneur napolitain, tient les rênes de sa société de discount de fins de séries textiles nommée Mistigriff. La mère, perpignanaise, s’emploie au mieux chez France Telecom, élève ses trois garçons. Le gamin déjà affûté aide son paternel sur les marchés, à Paris ou en banlieue. Son bec s’affine vite dans la culture culinaire familiale, napolitaine et catalane où hommes et femmes se taquinent dans la gustation aux fourneaux et à table : « On aimait vraiment manger et on ne pensait qu’à cela. A 6 ans, je me souviens du goût des tomates rouges de Naples et de leur côté umami ».
 
A 10 ans, le karateka assidu qui s’entraîne dans le réputé dojo du grand maître Jean-Claude Cornu, dans le 20ème, impatient des voyages, curieux des langues, pense à créer sa propre entreprise mais ronge son frein. Il se prend de passion pour la culture nippone, films d’animation et mangas. En 2004, après un excellent baccalauréat scientifique, le souriant jeune homme qui visite tour à tour l’Angleterre et le Chili, intègre une prépa HEC. Il rentre finalement à Neoma Business School. En 2008, parcourant Manchester et le Luxembourg, il débute dans le conseil au sein de EY (Ernst & Young et associés) : « je voulais commencer par une profession qui me permette de connaître tous les rouages d’une entreprise ».
 
En 2013, dans ce monde codifié mais dépaysant à l’apprentissage à grande vitesse, il rencontre sa future femme, alors en poste d’auditrice chez PricewaterhouseCoopers (PwC), un cabinet britannique de conseil. Miyo vient au monde à Yokohama. Sa mère, hôtesse de l’air, arrête de travailler à sa naissance, cuisine beaucoup, simple et bon, notamment ses onigiris thon-saumon, ces véritables sandwiches de riz enrubannés d’algue nori qui s’emportent pour piqueniquer, des soupes miso goûteuses. La petite danseuse écoute aussi son père consultant, à la tête de son cabinet d’expertise comptable.
 
Elle part aux Etats-Unis, dans le cadre d’un échange avec son lycée. L’adolescente rêve de la France : « Paris, le luxe, la mode ».  Après des études de finance et d’économie à Tokyo, la sprinteuse de compétition passe un an à Bristol pour parfaire son anglais. L’expert-comptable débutante destinée à succéder à son paternel, rentre finalement chez Price Waterhouse Coopers Tokyo. Au bout de cinq ans, la brillante auditrice demande un échange avec Paris pour apprendre le français : « Pour les Japonais, Paris est la meilleure capitale du monde ». Passionnée par la gestion d’entreprise, la jeune femme ne s’épanouit pas vraiment dans son métier de salariée mais y rencontre son ultérieur époux. 
 
En 2013, ils commencent à envisager de créer une activité en duo : « Nous avons des points forts très différents donc nous sommes parfaitement complémentaires ». Cette amoureuse du beurre et de la crème fraîche française remarque rapidement l’intérêt de ses beaux-parents pour l’ambiance des izakayas. En 2014, les jeunes mariés partent s’installer au Japon : « Au fond, je ne voulais pas être salarié » confie le manager. Durant six mois, il apprend sérieusement le Japonais. Le contrôleur financier bilingue de Giorgio Armani Tokyo, dans son bureau de Ginza, devient alors quadrilingue (Français, Anglais, Italien, Japonais). En un peu plus de deux ans, il domine son office.
 
Il essaie, tous les soirs, avec son épouse, tout type de restaurants tokyoïtes et notamment ces petits lieux découverts, au hasard, dans le dédale de la forêt urbaine. Ils rentrent, à Paris, en 2016, à la suite du refus, par sa femme, d’une promotion en fiscalité internationale qui l’aurait conduite à demeurer définitivement dans la capitale japonaise. Alban CACACE, de retour là où il ne voulait pas revenir, transforme la société paternelle. Sa femme conseille, en bonne fiscaliste, les japonais expatriés à Paris. Ils réfléchissent à la création d’une structure qui fasse la promotion du Japon en France.
 
Dans la petite communauté japonaise de Paris, tous les chefs travaillent dans la gastronomie française en chocolaterie et pâtisserie mais les japonais qui veulent manger de la cuisine populaire et authentique, accessible et décontractée ne trouvent rien : « Pour les Japonais, Paris est la ville la plus guindée du monde ». En 2018, la rencontre avec le chef Futa Irasawa FUKUDA précise le concept de JINCHAN : un izakaya avec des produits directement sourcés au Japon.
 
En juin 2019, Alban et Miyo CACACE, réunissant toutes leurs économies et l’aide des financements paternels respectifs, ouvrent leur bistrot, cantine de quartier JINCHAN SHOKUDO au 154, rue du Faubourg Saint-Antoine, dans le 12ème. Au départ, la proposition se résume à des teishokus, plateaux traditionnels qui comprennent un bol de riz, une soupe miso, des pickles, de la viande. Face au succès foudroyant de la valorisation des mets basiques, les clients retrouvent les vrais sashimis dans un bento, la profondeur de la matière, la puissance des textures, la sucrosité du riz, « comme au Japon ».
 
Rapidement, le plateau disparaît pour laisser place aux donburis à base de riz, poulet pané ou grillé, poisson cru : « En France, on séquence la dégustation. Au Japon, tout arrive en même temps ». En 2022, grâce à un judicieux modèle, sur place (65%), à emporter (10%) ou en livraison (25%), JINCHAN SHOKUDO emballe tout le spectre générationnel des mangeurs euphoriques. Cet engouement les encourage à la création du catalogue Jinchan Foods qui commence par les cinq produits primordiaux de la cuisine japonaise : riz, miso, sauce soja, matcha, mirin.
 
Aujourd’hui, il distribue 75 références commandées régulièrement par des restaurants français étoilés, des palaces, des grands sommeliers, des barmen ou des mixologues. Le 21 16 octobre novembre 2024, le couple franco-japonais inaugure JINCHAN YOKOCHO au 41, rue du Faubourg du Temple, dans le 10ème. Le credo ne change pas : du 100% fait maison jusqu’aux desserts et aux glaces. Alban CACACE précise, de nouveau, calmement et tout sourire, ses trois piliers : « des recettes authentiques et traditionnelles, des produits très bien sourcés sdans conservateurs ni additifs, une atmosphère immersive typiquement japonaise ».
 
En 2025, après JINCHAN SHOKUDO, premier restaurant japonais labellisé Ecotable en France en 2023, les décors créés par l’architecte Takano KunishoKunihiko, à l’image des passages parisiens, nous font souvenance du ravissement de s’égarer dans les ruelles tokyoïtes. A l’issue d’une yuzunade, citronnade japonaise ou d’un gin tonic infusé aux fleurs de cerisier, on se rafraichira avec des bières de micro-brasseries sises à Mie, entre Nagoya et Osaka. Le karaage, poulet frit, plat le plus populaire du Japon, se présente dans une vaisselle d’Okinawa. A noter, rare dans la capitale : une carte des Sakés fournie, au verre et à la bouteille.
 
Dans les deux izakayas, restaurants de quartier, Jinchan Shokudo (75012), Jinchan Yokocho (75010), les généreuses entrées sustentent d’emblée : les fèves de soja cuites à la vapeur au sel de Guérande (edamame), la salade de chou blanc assaisonnée à l’huile de sésame (kyabetsu), les champignons bio parisiens sautés au beurre et shoyu accompagnés d’une sauce soja japonaise maison (shiitake), le tofu japonais grillé à la sauce de miso blanc et yuzu (tofu dengaku).

Ensuite, on glissera tendrement et goulûment vers les hauts de cuisse de poulet de Bretagne sautés à la sauce teriyaki maison accompagné de mayonnaise japonaise (teriyaki chicken) ou la salade de pomme de terre japonaise traditionnelle.
 
Pour suivre, on se concentrera gaiement sur les donburis au curry de Kyoto, unique à Paris, et notamment le mont d’or curry don ou le maguro zuke don, des sashimis de thon rouge d’Espagne marinés. En issues, deux mentions spéciales : le dorayaki maison fourré à la crème et aux haricots japonais azuki d’Hokkaïdo et le kurogama, une glace maison au sésame noir de Nagoya.

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