Aixois raffiné, professeur passionné, «Champion du monde» de pâtisserie en dessert glacé 2014, méticuleux friand MOF 2015, Jean-Christophe VITTE tourne sa glace à la truffe au plus limpide de sa main, prise le gâteau à la cerise, cultive un style épuré, ouvert sur le chocolat, les vrais parfums de la malicieuse confiserie, entre fraise du bois et vanille de Madagascar.
Dès sa jeunesse dans la ville de Cézanne, millésime 1965 et sa scolarité avignonnaise, le «minot» franchit sa troisième puis rentre en CAP Pâtisserie. Personne ne sait les archi-textures sucrées dans cette famille composée d'un père aiguilleur du ciel et d'une mère assistante dans le notariat. Le destin forge si tôt la destinée : «à 14 ans, je veux être pâtissier, ma vie sera pâtissière». Sans doute un désir ancien, l'envie enfouie d'un paternel grenoblois ou «un choix d'enfant, de regard et de sucre». Mystère et boule de guimauve.
A 14 ans, il fallait bien gagner «4 sous». Chez le voisin, Monsieur MISTRE, pâtissier pertuisien, frère du notoire Maurice, créateur d'AMANDINE, à Marseille, le gamin fait la plonge, décore les petits fours. «Je me passionne immédiatement pour ces exercices manuels, artistiques et précis, la belle alchimie du sucre, du lait, des oeufs, des produits ordinaires qui se transforment en une chose extraordinaire». Les souvenirs de tarte aux pommes maison de la maman, les petits sablés, ornementent l'enfance. «Très simple mais très bon».
Du cours privé Saint-Joseph au cours Saint-Louis, Jean-Christophe VITTE file ensuite au CFA Sainte-Victoire. A 15 ans, CAP empoché, l'ascète de la sucrerie, encouragé par ses parents, cultive sa gourmandise à Pertuis. «Je suis passé du sucré au sucré. J'ai fait mon désir de gourmet, peu mais bien». «L'aixois forever» crée les gâteaux du mess des officiers de la Base 114 des Milles. La quille décrochée, en 1985, l'amoureux du chocolat entame son «Tour de France» de compagnon pour réussir son Brevet de Maîtrise.
S'inscrivant dans une longue tradition aixoise de grands pâtissiers (TOUZET, BECHARD, SEGOND, WEIBEL, REIDERER), Jean-Christophe VITTE ouvre sa boutique pertuisienne à défaut de reprendre l'établissement de son maître MISTRE. Le jeune tortin agreste absorbe la maïeutique du calisson mais pratique également tous les arts pâtissiers : chocolaterie, confiserie, glacier, traiteur. Les agrumes ne forment jamais des grumes. «Je ne voulais pas devenir pâtissier de restaurant».
Captivé par les produits, les méthodes et les techniques, attiré par les concours, le prodige de la glace désire «faire de son mieux et pas mieux que les autres».
En 1995, il abandonne son magasin afin de se consacrer pleinement à la préparation du redoutable concours de «l'un des meilleurs ouvriers de France» (MOF) : «Le graal de ma vie, une rencontre d'amis dans un microcosme».
Le professeur à l'école hôtelière d'Avignon pendant 15 ans, par suite logique du métier, parvient au «Clair de la Plume» le 7 décembre 2015. Avec Julien ALLANO, un allié de 10 ans par le truchement d'un élève, il élabore sa cartographie : glace truffe/huile d'olive, fraise/épices, vanille, pêche/lavande. «La glace repousse toutes les limites».
Heureux de cette amicale opportunité lors même qu'il souhaitait ouvrir un glacier sorguais, Jean-Christophe VITTE affectionne les desserts classiques, ultimes expressions des produits aromatiques régionaux (carotte/orange) ou chocolatés. « Le monde sucré explose aujourd'hui». Jean-Luc VALEDEAU, propriétaire des lieux, cherchait «un pâtissier talentueux, évolutif, énergique». Après des prestations aux disciples d'ESCOFFIER, au SIRHA, au Championnat de France, aux Masters de Paris ou en Coupe du Monde, son MOF 2015 vient «chapeauter une vie de passions».
Le vainqueur du Salon mondial 2014, à Rimini, dans sa calme confiance, maîtrise toutes les cabanes du jeu de miroir glacé : entremets, «glaces chaudes», coupes, sculptures, mignardises. Son style tend à la transparence des productions dans leurs pleines saisons afin de magnifier le goût. «Dans ma culture, je ne m'interdis rien : truffe/chocolats de belle provenance, macaron pistache, betterave». Le final du dîner dégage, dans une paisible osmose, une surprenante gouache, un délicat «bout du bout».
Photos Alain Maigre