Par Pierre Gautrand
Depuis 2023, au sein du très chic
hôtel Grand Mazarin, ce
restaurant levantin intrigue autant qu’il séduit. Rien ne laisse présager, face au BHV et son flot de passants, que derrière cette porte camouflée par de lourds rideaux, se cache un écrin festif où la cuisine puise ses racines dans les traditions d'Europe de l'Est et du Levant. Le nom
Boubalé, terme yiddish affectueux utilisé par les grands-mères pour désigner leurs petits-enfants, traduit l'esprit de partage qui règne au sein du
restaurant du 4ᵉ arrondissement.
On franchit la porte, premier choc. Un décor opulent, presque théâtral : porcelaines, papiers peints fleuris, banquettes de velours profond, tables nappées et plafond orné de fresques végétales peintes à la main par les Ateliers Gohard. Une scène signée
Martin Brudnizki, oscillant entre datcha slave et maison de famille orientale. Au niveau de l’entrée, un large comptoir derrière lequel s’active une brigade appliquée.
Les fourneaux sont orchestrés par le
chef Nathan Kessous qui ne cède rien à la facilité. Formé à l’école d’Assaf Granit (
Shabour, Balagan… et ancien chef de Boubalé), il réinterprète la cuisine ashkénaze et levantine enrichie de notes contemporaines. Le cumin, la menthe, le paprika, le persil et le sumac insufflent une énergie nouvelle à des classiques revisités avec minutie. Chaque plat est gorgé de soleil et de joie : pita moelleuse, houmous au tahini et pois chiches grillés, caviar d’aubergines fumé.
Viennent ensuite le velouté de champignons et son œuf mollet, le suprême de volaille au sumac, fondant, enveloppé d’un jus corsé, ou encore le bar rôti, baigné de saveurs marines. Au menu, d’autres incontournables sont à partager : une épaule d'agneau fondante, confite 10 heures avec des fèves et pois chiches, la queue de lotte rôtie au piment vert et citron confit ou encore la belle côte de bœuf marinée (1 kg) à l’harissa et au miel. Le tout à accompagner de pois gourmands vapeur, de purée de pommes de terre, de jeunes pousses d’épinard ou de choux de Bruxelles rôtis. Le repas se vit comme une conversation complice. On partage les assiettes qui se savourent à plusieurs, on se passe le strudel à la poire nappé de crème fouettée, on trinque au schnaps, entre deux anecdotes murmurées dans la lumière tamisée du bar, dissimulé à l’arrière du restaurant. En sous-sol, le Library Bar, entre boudoir et speakeasy, prolonge les soirées dans une ambiance feutrée et confidentielle.
En conclusion
Un art de la table qui convoque les fantômes des shtetls d’Europe de l'Est et les parfums d'un Levant fantasmé installé dans l’un des plus beaux hôtels du Marais. Une restaurant méditerranéen qui vaut le détour.
Boubalé
6, Rue des Archives - 75004 Paris
legrandmazarin.com/fr/restaurant/
Photo Joann Pai
Mars 2025