Ange hellène, chevelu descendu sur son nomade tabloïd du seizième dauphinois, phénomène ducassien au sens phocéen, Jean-Louis NOMICOS, la quarantaine douce, bien dans son vert quartier...
Méditerranéen en diable, à la réputation de ses rhizomes imaginaux, approche l’éclair de sa durée par la déroutante clarté de sa route. Paré de sa pudeur toute massaliote, sa cuisine chic sans chichi, faveur intelligible du quotidien, timbre la trame riviera aux rives de Paris.
Né le 4 juin 1967 à Marseille, le minot trace en allaudien, dans cet art de ville à la campagne rupine. A 14 ans, précoce apprenti à « L’Oursinade » de René ALLOUIN, il découvre « la passion du goût, le goût de la passion et des merveilles ». Du Lycée Hôtelier de Bonneveine, avec brio, notre méridional s’échappe à sa majorité. Les deux fratries, paternelle et maternelle, pêchent par gourmandise. La grand-mère paternelle piémontaise, Yvonne, comble les délices dominicales. « Je ne guérirai jamais de l’attache présente de l’enfance ». Le gamin passe le plus clair de son temps à préparer des gnocchis, des polentas, des raviolis. Une sensibilité du démon des racines du midi. La grand-mère maternelle l’envoûte par la cuisine provençale des spécialités aux parfums et senteurs inoubliables.
Deux styles confluent : une mélopée ordinaire des minuscules farcis dignes des santons de Jourdan, des tians de légumes du jardin admirables, à la Carbonel; en fin de semaine, advenait le temps des tablées de la gastronomie festive, de la pêche matutinale du vieux port.
« Je suis né au milieu des femmes, mère, grand-mères, tantes, qui aimaient faire la cuisine». Cette ode à la réception, des grives à la broche aux grosses pièces de chasse, cette connivence familiale autour de la table convainquent l’enfant proche de la nature du devenir-cuisinier. A 27 ans, notre brulant mousquetaire rencontre le parrain, pire, le père onze ans durant. En 1985 - 1986, il rejoint, au titre de chef de partie, le « Juana Hôtel »**, l’établissement d’Alain Ducasse à Juan-les-Pins.
« Amour des produits exceptionnels, la matière première des métiers de luxe, cuisine de riviera façon côte d’azur, respect de la technique. J’ai des merveilleux souvenirs du marché Forville ». Puis, il intègre « L’Horloge », un autre établissement d’Alain Ducasse. C’est ensuite le Vista Palace, à Roquebrune-Cap-Martin auprès de Bruno CAIRONI, l’un des plus talentueux bras droits du gascon de Castel-Sarrazin, avant de rejoindre Alain Ducasse à l’Hôtel de Paris à Monaco (3*- 1990 à 1995) comme sous-chef. De 1995 à 2001, il occupe le poste de chef de cuisine au Pavillon de la Grande Cascade*. Discret voire secret, pudique presque timide, réservé adoubé à l’humour si pince sans rire, le visage poupin de Jean-Louis NOMICOS évoque un rêve doux mais pas celui d’un doux rêveur.
Après huit années passées comme chef exécutif dans « le rêve » LASSERRE**, notre golfeur émérite féru de mozzarella qu’il traite en omelette minute pour Charlotte et Georges, ses deux enfants, loin de l’assemblage et du montage, affectionne la « cuisine cuisinée », élégante et technique, claire. Concentré sur ses Tablettes qui parachèvent son chemin, il attribue une nouvelle « forme excitante » aux classiques. Epanoui, joueur serein, entre sa voix et la voie, il désire « donner du plaisir à ses fidèles clients » dans un environnement « convivial, chaleureux mais différent ». Cette cuisine méridionale de la saveur s’aile à mourre dans une structure de stabilité, la jubilation phocéenne du paysage, l’esprit sudiste des garrigues. Fuir le faste dans la prégnante souvenance d’une macédoine de légumes, un nuage de rosée.
Equilibrer sa navigation du goût simplement, entre l’épice d’une cuisson, la sauge des jus, marjolaine et fenouil ou la câline puissance iodée de l’oursin. « Un plat repose sur une extrême sensibilité et une âme ». La cuisine juste et populaire appelle fraîcheur et limpide légèreté. Entre bon gras et mauvaises graisses, avec parcimonie, la mâche divulgue la matière, à la plancha. Les « artichauts et encornets, jus barigoule à la bergamote » s’avancent tout juste voilés. Le jeu miroitant sur le fondant-craquant exulte dans ces petits violets provençaux à la découpe précise et spontanée. La rondeur de la saveur. Jean-Louis NOMICOS porte en scène l’humilité sèche et aride de l’huile d’argan, la chaleur d’un don aoutien, l’odeur de la terre burinée par ce sud de la canicule.
Il caresse l’artichaut épineux de l’azur italien, honore les courgettes trompettes. Une tomate, un rouget de roche : « le rouget de ma mère, le dimanche, à peine gratté, sur la braise des sarments de vigne ». Eloge de la douceur. La convivialité chaleureuse d’un Club d’habitués, dans les papiers du Chef. Une attention particulière, la simplicité majestueuse. « Nous exerçons des métiers de femmes. La cuisine exprime une féminité ». L’ex-lieutenant délicat s’efface derrière les mets, se cache pour surgir, parfois surprendre, capable d’une bistrotière manière : filet de bœuf, foie gras et olives noires. « J’adore les pieds et paquets. Casser un peu le rituel fait du bien à tout le monde ».
Notre olympien jamais guindé rêve d’ « une vraie bouillabaisse posée au milieu de la table » pour échanger, partager, alléger. L’essence de l’essentiel. Paris-Brest-Paris. Rien que du fruit dans les issues, des pralines, du granité à la chartreuse. La confiture de tomate avoue sa friandise. La rythmique des saisons : asperges et morilles, fraises estivales. Le calme paraphe NOMICOS, « Macaroni aux truffes noires et foie gras », décille depuis 1999. Le Panier solaire émane jusque dans le foie de canard confit aux graines d’anis. De la patience avant toute chose, sans aucun impair.