PORTRAIT DE CHEF
Nicolas BOTTERO

Par Fabien Nègre
  • Le chef Nicolas Bottero
  • Le Mas Bottero
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  • Le Mas Bottero

Martinérois perlé du céruléen horizon seynois au coruscant tracé, Nicolas BOTTERO, en son Mas saint-cannadens, chante l’harmonie des formes singulières et sincères du goût du terroir de l’arrière-pays aixois, de la lumière ombrée des étals à la fortifiante luminosité du dehors.  

A Saint-Martin d’Hères, frôlant Grenoble, en 1983, pousse un précoce. Dans l’âtre, l’être pandicule soudain dans le palatable : « bébé, je sortais toutes les casseroles des placards, un mystère ». Chez les grands-parents seynois paternels instituteurs, la grand-mère maternelle chapelière et son époux ouvrier aux chantiers navals, l’esprit du « bien manger, des recettes transmises de pères en fils, de mères en filles » flotte. La mère fonctionnaire mitonne au quotidien. Le père avance ses spécialités dominicales, choucroute ou cassoulet.
 
Le paysage marin, dans toute sa vénusté sans superfétation, dentelle des souvenirs surnaturels, de la marchande d’olives aux couleurs ésotériques du plus bel aloi aux violets à la barigoule. En 5ème, l’excellent élève, fils d’une proviseure principale de lycée, émet un désir d’orientation pour le monde de la sapidité qui pourrait décontenancer. Contre toute attente, sa mère le convie à dîner au restaurant d’application de l’Ecole Hôtelière de la Capitale des Alpes, l’immerge dans une classe. L’adolescent skieur happé par le sommet passe toutes ses vacances scolaires dans le sud. 
 
Dans la fratrie, le plaisir hédoniste rassérène : « On se battait avec ma sœur et mon frère pour essuyer le fond du plat des petits farcis de ma grand-mère avec un morceau de pain ». La joie de prendre plaisir au cocon du temps prévaut dans la lenteur estivale de la dolce vita. A 15 ans, le jeune 3ème ligne rallie la réputée Ecole Hôtelière de Grenoble. Il en ressort bardé d’un baccalauréat puis d’un BTS Hôtellerie Restauration. Il se perfectionne par une année complémentaire en mention traiteur chez Potel & Chabot.
 
Le compétiteur transporté par le tennis, en quête d’excellence, amoureux de la belle ouvrage, attrape le Guide Michelin, lance son profil à tous les étoilés azuréens. En 2004, le fier commis signe son premier contrat, à l’Hôtel NEGRESCO, au fameux Chantecler, sous la gouverne de l’artiste Michel DEL BURGO et de Bruno TURBOT. Les patronymes ne s’inventent pas. Grâce au chef globe-trotter bi-étoilé de la Barbacane, à Carcassonne, bien trop tôt disparu, il fonce chez Franck CERRUTI, la grande classe sans artifices, alors bras droit d’Alain DUCASSE, au Louis XV, à Monaco.
 
Dans cette illustre maison mais aussi « grosse machine », sans doute l’une des plus difficiles au monde par son dispositif, la brigade olympique bouscule les superlatifs. Il y a là, peu après le départ de Didier ELENA et Jean-François PIÈGE, Kei KOJIMA et Dominique LORY entre autres flamboyants. Cette féroce agonistique enseigne pourtant tout de l’art culinaire : rigueur dans l’approche du produit, temporalité des jus, tours de main des légumes. Le décor invente un décorum, le protocole éblouit.                   
 
Après plus de deux ans, à la demande de l’ambitieux chef de partie, Franck CERRUTI, le maître de la méditerranée, le propulse presque dans un univers contraposé, celui du génial ascétique Michel BRAS : « J’apprends la nature, le végétal, la cueillette des fleurs et des herbes, l’histoire et la construction d’un plat, le sens des dressages, une ouverture d’esprit ». Au restaurant de l’Hôtel de Ville, à Crissier, l’éducation trilogique s’achève par un établissement légendaire : « Un MOF à droite et un Bocuse d’Or à gauche ».
 
Sous la direction du regretté Philippe ROCHAT puis de son successeur, le très pleuré Benoît VIOLIER, l’aspirant déjà bien trempé participe à l’ouvrage devenu classique, « La cuisine du gibier à poil d’Europe » aux éditions Favre. Le chef de partie avide de perfection et de dextérité parfait également sa formation aux poissons. En 2009, Alain DUCASSE le rappelle pour une autre Provence du jardin finalement providentielle, La Bastide de Moustiers : « Tout se faisait en direct, au jour le jour, on recevait des agneaux entiers que l’on désossait. Quand un client régulier voulait des blettes, je les cueillais en fin d’après-midi et elles étaient dans son assiette au dîner ».
 
Frotté aux fondamentaux ducassiens, entre délicate féminité et masculinité sublimée, l’entrepreneur assumé décline une alléchante position londonienne et ouvre, à 25 ans, le Mas BOTTERO à Grenoble. Ses truites fario, sa féra, son omble chevalier, son enjolivure de la noix, sa symbolique de la chartreuse, ses cardons hivernaux émerveillent. Le prix Jeune Talent Rhône-Alpes Gault & Millau 2013 édite son premier livre de recettes intitulé « Inspirations » préfacé par Anne-Sophie PIC. En 2017, le jeune talent France Gault & Millau s’installe à Saint-Cannat dans une cuisine ouverte « en grand » où il crée un menu gibier avec son lièvre à la royale, empreinte éternelle de pensée.    
 
L’étoilé en 2020 ne tait jamais ses repères historiques : « Le livre de recettes de ma grand-mère me suit partout comme la Cuisinière provençale de Jean-Baptiste REBOUL que je feuillette souvent ». Dans l’odeur de vieux papier des années 50, il puise le goût du jour, une déclinaison zététique, cru, cuit, en copeaux, parée des techniques actuelles. Sans égarer le mangeur dans une multitude de saveurs, « le plus difficile c’est de faire simple », l’isérois sudiste participe à « l’éducation du bien manger ». En orthopraxie, le goût d’ici ancre le terroir de là.  
    
Nonobstant les « plats-signatures » parfois figés ou les produits baptisés nobles, il séduit par une cuisine vivante : « La truffe provient de notre village, n’a rien de luxueux. Je préfère servir une belle assiette de pois chiche qu’une quenelle de caviar toujours facile ». A la saison adéquate, il manie les herbes aromatiques en dessert par des jeux de textures justes. Cette cuisine personnelle, raffinée et généreuse honore le pays, ses couleurs et ses instants bariolés de vie. Il règne, chez Nicolas BOTTERO, une forme d’harmonie singulière rehaussée d’un vrai caractère. 
 
Le souffle des asperges vertes de Mallemort embrasse le condiment mimosa, pois chiche noir et citron confit lors même que la Saint-Jacques tenue dans sa coquille en carpaccio aiguise les betteraves de Didier FERREINT surmontées d’une râpée de citron vert. Le rouget de Méditerranée, dans son intensité iodée, à peine saisi, escorte, en jus corsé, les artichauts violets aux condiments. Le ris de veau doré au sautoir prend une texture aérienne, habillé de sa crème d’ail noir, pommes grenailles et écume de champignons.
 
Le Brillat-Savarin complètement truffé nous emporte dans un tourbillon de caudalies présageant le chocolat lacté Vanuari, mangue, gingembre confit. La cézanienne arrière Provence aixoise hume le sablé au cacao, le citron de la Londe, le financier au miel et son ultime touche de romarin.   
 
 

LE MAS BOTTERO

Le Mas Bottero du chef Nicolas Bottero est installé à la porte du Luberon, en Provence, depuis 2017. Le restaurant Le Mas Bottero...

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