Tonique bienheureux toujours prompt à plaisanter dans sa petite maison sur les hauteurs dorées de la rue du Ranelagh, chaleureux partageur de la diversité des formes gustatives de sa Sicile cordiale et solaire, Giuseppe MESSINA, directeur de « Non solo cucina », de « Non solo pizze » et de « Pane & Olio » ravive l’ogre curieux des splendeurs marines et des vins volcaniques.
A Cefalù, charmante station balnéaire du Nord de la Sicile, au pied d’un fameux promontoire rocheux, la « Rocca », Giuseppe MESSINA aborde, en 1978. Sur cette terre enluminée par la mer, les parents s’affairent dans leur restaurant-traiteur. Très tôt, vers 10 ans, le novice auquel on crie « bas les pattes » met la main à la pâte sans oublier les poulets rôtis et les grosses lasagnes fortifiantes si légères. Les dimanches entiers se dilatent délicieusement, à manger, déguster, savourer, engloutir, entouré des grands-mères et des grands-pères.
De sublimes mets feuillètent toute l’enfance, dans un travelling étourdissant dont on retiendra le plat traditionnel dominical, «la pasta taillano», incroyables pâtes puis une joue de bœuf (cuinacha de bou) tendrement mijotée dans un bouillon composé de carottes, céleri, vin blanc, réduit deux heures dans une cocotte, servi avec une sauce tomate aux pommes de terre. Autre pure émotion : « la boccatina aux sardines, au four ». La grand-mère maternelle prépare le pain de campagne maison, une belle miche tranchée chaude accompagnée d’origan, d’huile d’olive, de fines tranches de pecorino et d’anchois.
Les gros artichauts dorment dans la braise. La Sicile frappe par ses productions inestimables : les gambas de Mazara del Vallo, les grillades de thon rouge, l’espadon. « Tout le monde cuisinait chez moi, une religion ». L’amour du travail, le métier de gourmandise éclosent dans la marmite des sincères goûts siciliens. L’ardent cefaludesi se frotte à tous les postes de la restauration, de la salle au bar, du comptoir à glaces à la cuisine. Peu enclin à la pratique scolaire, il préfère l’école de la vie.
A 21 ans, il regagne Paris, enchanté d’oublier Palerme pour « faire l’expérience de l’ailleurs ». Après quelques essais familiaux peu concluants dans le bâtiment, il revient à la cuisine, sa « destinée ». Le jeune homme de la commune au Christ Pantocrator peaufine son art dans un bistrot italien réputé, « Gli Angeli », rue Saint-Gilles. En 2000, associé à son frère chef, Ignazio, l’autodidacte insatiable de toutes les gastronomies du monde ouvre « Les Amis de Messina », rue du Faubourg Saint-Antoine. Cette histoire de frères et de cousins, d’oncles et de banquiers, s’imposera vite comme la référence de la cuisine sicilienne à Paris.
« Un travail sur le produit simple mais merveilleux : la caponata, les aubergines gratinées ou grillées à l’ail, la menthe, les sautés de moules et palourdes, les calamars ». Depuis 2005, Giuseppe MESSINA cuisine avec incandescence : « Le salé, c’est moi, le sucré, c’est ma mère ». En 2009, il réalise son rêve, inaugure « Non solo cucina », « ma petite Sicile à moi où le vin est bu et l’huile mangée ». Aux côtés du chef Bonaventura MOSCA, il élabore un style personnel depuis 2013 à l’aide d’huiles d’olive aromatisées.
Intarissable sur ces pâtes à l’ail, ses concassées de tomates cerises Pachino au basilic, ses antipasti marinés sur place, la courgette blanche ou les anchois frais, il lutte pour la fraîcheur ultime de tous les poissons sauvages dans sa friture royale. La cuisine sicilienne vogue entre mémoires ancestrales et modernité apaisée dans une complexité aromatique portée par les herbes sauvages tel le fenouil : « Filet de thon poêlé à l’ail rose, tomates cerise, courgettes, basilic frais et pesto de pistache ».
La pistache, les oignons rouges, s’accommodent autant du mérou ou de l’oursin que du poulpe. Les vins siciliens venus de l’Etna, à l’exubérance complexe honorent le repas, comme ce charpenté « 651 : terre de ginesta », produit à 651 mètres au-dessus de la mer et l’Alta Mora 2014. Les rouges délicats, suaves, presque bourguignons, résonnent avec les viandes, le foie de veau travaillé très épais, poêlé aux olives noires, fleur de câpres de Pantelleria. Les côtes d’agneau et de veau, poitrines marinées, passent au four dans une chapelure de pain, origan, ail rose et romarin.
Dans sa petite Sicile reconstruite où l’on se sent bien, l’amateur de bistronomie étoilée fait grandir son enfant chaque année avec ses panettones de luxe choyés par les précieux désirs de ses clients-amis. Fou de saveurs et enthousiasmant d’élans, l’homme du 16ème connaît son pays, la particularité de ses provenances sur le bout de sa langue. La Sicile possède une rare philosophie de l’existence paisible, la convivialité de la vie bonne, le fragment du moment, l’aspérité de l’éternité. « Nous, on prend du temps pour tout alors que d’autres n’ont le temps de rien et pour rien ».
Ce sentiment fait retour dans la dégustation apéritive des prosecos méthode champenoise, du passito (dona fugata) ou bien de la grappa. En délice conclusif, le gâteau nommé « Torta della mamma Lina », aux courgettes confites et ricotta sicilienne, forme un fabuleux hommage à la tarte maternelle. « Les mains de maman, sa pâte si douce, c’est unique ». Il y aussi le classique « cannolo », biscuit farci de ricotta, le cédrat entier en Panna cotta, le tiramisu au mascarpone allégé aux blancs d’œufs. Des scintillements généreux dans une adorable demeure alacre d’authenticité.