PORTRAIT DE CHEF
Philippe EXCOFFIER

Par Fabien Nègre
  • Chef Philippe Excoffier
  • Philippe Excoffier service du vin
  • Philippe Excoffier soufflé homard
  • Philippe Excoffier soufflés caramel et Grand-Marnier
  • Restaurant Philippe Excoffier

Albertvillois paré aux culminants, chef particulier de personnalités, cordon-bleu survolté de l’Ambassadeur américain, suzerain du soufflé, Philippe EXCOFFIER, du somptuaire au sincère, réévalue la douce modernité des classiques au faîte du 7ème.  

De la route des stations, en 1971, dévale tout schuss un albervillois qui trace son enfance à la Bâthie puis à Saint-Bon-Tarentaise : « J’avais le goût de la terre, belle et vraie, un amour profond pour la nature ». Le gamin pur savoyard passe du bon temps, non loin, chez sa grand-mère maternelle, modeste mais très gourmande. La féerie du potager fascine autant que la gloire des poules et autres pigeons. Les salades et carottes se cueillent à portée de mains. Les poireaux et endives se ramassent au sortir de l’hiver.
 
Cette relation symbiotique aux sols, mieux, au terroir croise les parfums du civet et les odeurs de gigot. Le père, contremaître dans une usine Péchiney, grand skieur et jardinier, écobue son terrain et surtout choisit ses moutons dans les chalets de montagne deux fois l’an. Le goût pour la cuisine survient presque dans le nid. La mère gouverne cinq enfants, initie chaque jour aux plaisirs de la table y compris les fins de semaine plus festives : « On recevait beaucoup avec du champagne, le poulet rôti ou basquaise dominical ».
 
Le tout petit au « fin palais », vers 9 ans, apprend très vite à ne pas gâter, cueille du thym et du romarin au fond du jardin pour les adjoindre discrètement dans la cocotte maternelle en fonte où mijote un lapin entier. A l’adolescence, aux feux avec sa mère, il affectionne la minutie de la pâtisserie, son flanc décoratif pour ciseler au cornet. A 14 ans, il rêve de douceurs, scrute sa maman frire sa pâte à bugnes, tourner ses brioches aux pralines, ses beignets aux pommes, ses tartes fines et tatin, ses œufs à la neige crème vanillée.
 
Tous les dimanches, il s’en va saluer sa sœur ainée qui sert dans un simple boulangerie pâtisserie à Courchevel. Il repart les bras couverts de gâteaux : religieuses crémeuses, meringues à la texture craquante, éclairs au chocolat. En 1985, lors d’un stage de fin de troisième chez Philippe MILLION**, Relais et Châteaux à Albertville, il s’émerveille de l’atmosphère des cuisines, de l’ambiance de travail. Quelques mois plus tard, son père lui annonce qu’il y fera son apprentissage. L’excellent élève désire pourtant poursuivre son cursus mais son paternel lui suggère fortement d’entrer à l’École Hôtelière de Thonon-les-Bains.
 
Les plats de facture classique et le charriot de pâtisseries en imposent : fera du lac d’Annecy beurre blanc au citron, filet de rougets aux petits croûtons dorés à la minute aux câpres, terrine de foie gras, langoustines mi-cuites, tartes abricots et noix, biscuits meringue chocolat praliné noisette. Deux ans plus tard, l’ambitieux charismatique en rencontre un autre :  jeune étoilé dans la modernité élaborée, Guy MARTIN, au Château de Divonne-les-Bains. « Emerveillé par les grandes maisons, je parviens chez un autodidacte prodigieux, intelligent, homme d’envergure capable de s’entourer de bons éléments ».
 
Le pâtissier vite entremétier transperce son sujet : risottos, cuisson des légumes pour le poisson, jus de viandes, couronnement des sauces blanches, clarification des consommés. Bien plus, l’embrasé y apprend « Les Rosséoles Amédée VIII », une pièce de viande confite aux épices, hachée avec des dattes, des pruneaux et des pignons de pin en référence au Comte de Savoie qui devint duc en 1416 et régna sur un duché comprenant des territoires désormais répartis entre l’Italie, la Suisse et la France.
 
Un autre plat légendaire qui exposa le Grand Véfour au grand jour hypnotise l’impétrant : la raviole de foie gras crème foisonnée truffée, cette fine pâte aérienne à base de farine de riz, condensé ultime de saveur, oscillant entre foie gras et truffe, à déposer entière dans la bouche et à savourer en la mâchant tendrement. Philippe EXCOFFIER expérimente également la joie holistique d’une brigade provinciale : « On déplaçait les pierres et les géraniums quand une délégation arrivait. On jouait au foot entre deux services ».
 
Fin 1989, amouraché, il fonce chez Jacques PIC***, un des fondateurs de la grande cuisine française du XXème. Le mitron affuté bascule avec vélocité au garde-manger en six mois. Il hume la noblesse du gibier, bécasses, cerfs, biches et même ortolans. Le joyeux trublion repéré parmi l’élite accoste au poisson. Là, en compagnie du golgoth futur étoilé Pierre REBOUL, il « fait les caisses d’écrevisses tous les matins, décortique les langoustes, la tête vissée dans les bacs, des fonds de sauce très précis, jus de persil et velouté de carottes ». 
 
Dans ces journées de dix-huit heures, le novice déchiffre le simple bar au caviar sauce vin blanc si délicieux. En 1990, il reçoit son affectation pour servir sous les drapeaux chez les chasseurs gapençais. Repéché par le magistral Guy MARTIN, il dirige les cuisines du célèbre Jack LANG. A 19 ans, le jeune cuisinier régimente les déjeuners protocolaires du Ministre de l’Education. Il présente son carpaccio de Saint-Jacques filet d’huile d’olive rappée de citron vert, son jarret de veau braisé, sa poule au pot. Il se concentre sur une manière légère en utilisant des blancs d’œuf dans les mousses pour les bavaroises au café.          
 
En 1995, il renoue avec la planète étoilée par le sommet, Alain SENDERENS*** au LUCAS CARTON, place de la Madeleine. Reçu par Frédéric ROBERT, il entame par un rêche poste : les entrées. « 5h30, tous les arrivages, les turbots, les casiers. Homard au jus d’orange et banyuls. Canard Apicius, turbot rôti aux aromates cuit à la crépine ». Remarqué et promu, le chef de la rue de l’Exposition passe dans la partie poisson au sein d’une « hiérarchie à l’ancienne ». Alors qu’on lui propose le poste de chef saucier, il quitte le pape des accords. 
 
Il devient chef privé, entre autres, d’Yves SAINT-LAURENT, de David et Elie DE ROTHSCHILD, de Sylvia MARNIER LAPOSTOLLE. Il utile la cuisson vapeur, des techniques pour alléger les mets, la pâtisserie sans sucre. A 27 ans, il rentre en tant que Chef de la Résidence de l’Ambassadeur américain à Paris. Dans cette belle demeure érigée par la baronne de Pontalba au milieu du XIXème siècle, il cuisine des dîners inspirés des 16ème et 17ème siècles, étudie son Auguste ESCOFFIER sur le bout des doigts. Les demandes spécifiques affluent. Dans une autre dimension, il régente cinquante personnes avec une méthode de travail, des ratios et des recettes.      
 
Groupes extérieurs et fournisseurs, collations en petits comités, réceptions de 2500 personnes, déjeuners somptuaires et grands dîners de 150 convives avec un service à la française sur des plateaux d’argent, autant de partenaires, d’évènements et de cérémonies à régler à la perfection. Dans ce changement de registre, Philippe EXCOFFIER jongle avec les hôteliers alentours, cultive son vivier d’extras. Un jour, l’Ambassadeur LYNCH requiert des mini soufflés suissesses. Son épouse lui emboîte le pas, en commande pendant six mois.
 
D’une touche nette et créative, le chef de l’Ambassadeur s’équipe chez HOBARD, seul cuisiniste du temps à même de créer des plaques chauffantes sur mesure qui maintiennent simultanément à température quinze carrés d’agneau de Pauillac. De sa grande cuisine centrale sortent des couronnes de soles à la dieppoise, des bars de ligne rôti au four, jus de légumes à la marjolaine, des charlottes d’asperges et avruga. Ses cannellonis de langoustines aux poireaux, sauce vierge au saté éblouissent.
Sa croustade aux cèpes ravit. Le gaspacho et mille-feuille de tourteau, la marguerite de homard, ravigote de pommes de terre à la fève tonka imposent un style. La gaufrette de sole aux morilles, beurre blanc; le saumon en écailles de courgette, sauce champagne flamboient. Enfin, la caille en feuille de chou et mijotée de lentilles ; le filet de chapon farci, marrons et pommes Anna ; la noisette d’agneau farcie, girolles et truffe composent la grammaire régniale du plénipotentiaire réjoui.  
 
Plonger avec ravissement dans les livres de cuisine de toutes les époques, conduire des coûts matière sollicite des compétences uniques et des dispositions rares, de la ressource et des ressources qui caractérisent la personnalité singulière de l’auteur de « A la Table de l’Ambassadeur. Les recettes de la résidence de l’ambassadeur américain à Paris » (Paris, Flammarion, 2009). En 2012, l’ex chef particulier de François DE GASPERIS ouvre son propre restaurant, dans le 7ème : « le souhait de toute une vie, une nouvelle existence, un soulagement après cette vie survoltée ».
 
Loin des palais, le créateur d’entreprise s’engage dans une « gastronomie pure » de vingt couverts. Son style tient dans une signature, une cuisine gouteuse de sentiment : ris de veau en cocotte, paleron de bœuf confit « Rossini », tatin d’artichauts, jus corsé truffé ; capuccino de topinambours, chantilly truffée, croutons dorés ; turbot cuit aux aromates, tétragones, bouillon de homard. Aujourd’hui, les soufflés quotidiens diplomatiques nous enveloppent, sucrés ou salés, soufflé aux truffes, crème truffée ; soufflé de homard, bisque de crustacés au curry ; soufflé au beaufort, crème de parmesan mais encore soufflé au caramel, sauce caramel au beurre salé ou soufflé au Grand Marnier flambé minute : « Tous les soufflés sont permis ».
 
Du somptuaire au sincère, du noble à l’humble, la réinvention des émotions gustatives s’ancre dans des souvenirs d’enfant. « Il faut continuer à saucer ».
 
 

PHILIPPE EXCOFFIER

Le chef Philippe Excoffier s'est installé en juin 2011 dans l'ancienne "Auberge du Champs de Mars" pour proposer une cuisine gastronomique de haut...

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