PORTRAIT DE CHEF
Raphaël DUBROEUCQ

Par Fabien Nègre

Dans le charme des «HOTELS & PREFERENCE», au Domaine de Kerbastic, calme Demeure d’exception à deux coudées de Lorient, Fondation de la Princesse Constance DE POLIGNAC sur 168 hectares en conversion agrobiologique depuis 2008, le réjoui Raphaël DUBROEUCQ, dans le triangle incarné art-nature-santé, cultive les herbes aromatiques de son potager médiéval dans les gracieuses résonances de la cuisine française de tradition ennoblie par les dons maritimes et terriens de la lande bretonne façonnée par le vent.  

Un bébé ogre sourit à la vie le 19 mars 1973, à la lisière lilloise de la Flandre romane, dans un monde éloigné de l’art de bouche. «Mes parents ne faisaient pas du tout la cuisine». Dans cette attente de l’achèvement que stylise l’adolescence, à 14 ans, dans l’établissement d’une branche maternelle lointaine de sa famille, l’impatient remplit son office, lors des vacances scolaires estivales, aux fins fonds du Diois, à Luc. Sur la place accablée par la torpeur drômoise, en 1988, trône le «Café des sports».



Après l’éviction du plongeur maison, le juvénile seclinois embrasse sa sorte d’alacre préapprentissage ombreux : coups de main juilletistes, vaisselles aoutiennes, quiches peu lorraines, tendres carnes des montagnes mitoyennes, pissaladières régulières ou salades fraîches variées. «Je scrutai les assiettes, j’adorai l’ambiance, un chef et un patron». A 15 ans, le cursus se désole, les classes se dédoublent. «L’école gonflait, la restauration bottait». Un seul ciel de vie, de travail, d’allégresse : la cuisine.



En 1991, par l’heureux hasard de la mutation professionnelle du couple parental, le bon fêtard bosseur pose pied dans le 20ème arrondissement de Paris. Le joyeux nordiste rieur intègre le Lycée Hôtelier BELLIARD, dans le 18ème, pour un «CAP/BEP Cuisine». «J’étais pris à MEDERIC mais je n’aimais pas le costard/cravate». Là, des maîtres l’épatent, l’amour de l’apprentissage repart. Patrick LALANNE, tonique professeur, meilleur apprenti de France 1970, enseigne l’organisation de la brigade en miniature dans la bonne humeur. «Je savais déjà la cuisine».


Monsieur FLEURY, autre enseignant mémorable, montre la gestion. «Dans une ambiance empathique, tout roule dans le plaisir». Entre 1989 et 1991, dans les cuisines du Plaza Athénée** alors dirigées par Michel BARNIER, la formation «avec les anciens qui savent tout faire», le transporte. Le lanestérien bienaimé vole de poste en poste : garde-manger, viandes, entremets, pâtisseries. Une seule dilection : sauces et poissons. «J’ai tout appris dans ce magnifique Palace, tous les fondamentaux extraordinaires que je pratique encore aujourd’hui : cuire une épaisse sole meunière, monter une sauce hollandaise ou béarnaise».



En 1992, le jeune homme qui estime que «toute expérience est bonne à prendre», file au Cochon d’or* (75019). A la Fermette Marboeuf* (75008), l’observateur avisé de la cuisine de son temps, apprend «le bon traditionnel, la grosse brasserie de luxe». En 1993, dans le Groupe Accor, le demi-chef de partie se frotte à une autre forme de restauration de masse. Dans sa vive allure, à 20 ans, le «Chef de Cuisine» à L’Avant-scène (75015) fourbit son invisible armada avant que de servir la Nation au Cercle lorientais des Officiers Mariniers. Au Sabayon, en plein centre-ville, entre 1995 et 2007, la facture des saveurs bretonnes peaufine un parcours entier et complet.



Son amour de la région grandit. En 2008, à Guidel, le reposant Domaine de KERBASTIC, déjà notoire pour son Festival POLIGNAC, reçoit l’ancien stagiaire appliqué de Bernard LOISEAU*** (2000), dans un cadre bio-pensé dans toutes ses perspectives.


«Je ne connaissais pas cet environnement, les gars du Nord boivent de la bière et font la Fête». La Princesse Constance DE POLIGNAC, conseillée par l’excellent expert didactique en développement durable, Edouard BOUIN, auteurs du concept trilogique unique en France, ART-MUSIQUE-SANTé, savent l’adopter. Cet étonnant paradis des oiseaux recensé par l’ornithologue autiste Stéphane DESREUX, ce Château-Manoir installé sur sa noble terre depuis 1447, propriété du Comte Jean DE POLIGNAC, rendez-vous musical estival historique de toutes les gloires artistiques du 20ème siècle, Francis POULENC, Nadia BOULANGER, Jean COCTEAU, Igor STRAVINSKI, présente des jardins à la française dessinés par Nicolas FORESTIER.


De l’histoire dense ornée autant par la poétesse Louise DE VILMORIN que par l’inoubliable décorateur de théâtre et aquarelliste Jean HUGO, auteur du «Regard de la Mémoire» où l’œil du peintre saisit le siècle au vol avant l’envol du siècle. Sur ces vastes hectares de forêts et de cours d’eau habités par les gentils démons, hantés par les doux génies, la démarche exemplaire de développement écologique intégral aboutit à une cuisine saine aux claires directions, avec ses légumes du potager, son miel, ses herbes aromatiques sauvages ou cultivées.



«Du traditionnel bien fait, propre, je ne supporte pas de revisiter. Une garniture, une sauce, un poisson ou une viande. La présence du goût». Le chef qui donne des cours de cuisine en musique depuis 2013 aime les compositions terre et mer aux accents d’orient sucré/salé (safran, tomates, piments). Ses volaillers, «Terre et Plumes», ses fromagers (Trappe de Timadeuc, Tome de Rhuys, Curé nantais) lui prodiguent un bonheur dans les près, dans la quiétude et la sérénité. Sa cuisine «minute» lui ressemble, dans la fermeté de la chair suave d’un tartare de homard, dans les grands gibiers automnaux comme le lièvre breton à la royale qu’il apprête dans la «simplicité», foie gras, truffe, cognac, roulé puis mariné longuement.



Raphaël DUBROEUCQ, grand tendre pudique sur la réserve qui préserve la naïveté fructueuse de sa vérité avec malice, affirme également des plats plus virils à l’image de son chevreuil sauce grand veneur. «Des jus, des extractions mais je resterai toujours à la crème, au beurre, çà, c’est la cuisine». Son fond de veau, réduit, pas à pas, peu à peu, en miroir, avec une petite huile de noisette, pour trancher, glisser de la complexité, fait merveille pour les connaisseurs. «J’aime la vraie sauce marchand de vin, réduction de Porto. Pour les initiés, je faisais des artichauts camus, de la moelle de bœuf, râpé au parmesan».



Au moment, les lisettes de maquereau confit à l’huile d’olive, cromesqui de maquereau au citron, crème glacée à la moutarde à l’ancienne, précèdent une réévaluation d’un mets typique de marins pêcheurs lorientais, les médaillons de lotte farcie au pâté «Hénaff», loufoquerie drolatique sur la petite boîte bleue culte locale, pommes fruits caramélisées, réduction au chouchen. Le sablé breton au beurre salé, crémeux de mascarpone à la pistache, fraises de Plougastel, regarde le ciel. Enraciné et mystique.
 
 

DOMAINE DE KERBASTIC

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