Un fils de Port-la-Nouvelle tangue sur terre le 12 novembre 1971. Au bord de mer, l’enfance surfe dans l’alacrité des bienfaits de la méditerranée et de « l’amour on des parents » qui lui inculquent la valeur structurante du travail dans l’abnégation : « On n’a rien sans rien, rien n’est jamais acquis ». Avec son père, marin-pêcheur, il navigue au large, pêche à la ligne et chasse dans les profondeurs sous-marines. Avec son frère, batelier d’étang puis patron de pêche sur un thonier de 37 mètres, il se passionne pour l’horizon marin.
La maman assume son poste de cuisinière au centre de convalescence de cette commune littorale du narbonnais. Le tout petit la suit devant ses marmites, happé par le « goût simple des bonnes choses ». Le gafet encore écolier désire s’occuper des gens, les nourrir. Le goût provient toujours du foyer, astre de l’âtre. Adolescent, la crevette de méditerranée à la sauce américaine de sa mère, plat des fêtes dominicales de fin d’année, le trouble : « mon père les conservait jalousement quand il rentrait de la mer, de la 20/30 ».
Par de-là les vapeurs de bouillabaisse, une autre merveille maternelle l’enivre de joie : une rouelle de porc, tranche de jambon épaisse dans une vraie sauce tomate fraîche dite « macaronnade » dans laquelle des pâtes cuisent à feu doux. A huit ans, aux beaux jours, son père, mécanicien et cuisinier de chalutier, l’embarque. Une intense sensation gustative le transforme : des seiches cuites à la tomate, ail confit, spaghettis cassés dans la sauce. Dès la 5ème, la vocation se précise.
En 3ème, le môme attaque un BEP Cuisine puis un CAP Pâtisserie au lycée professionnel Moulin à Vent pour toucher à la vision sucrée de l’art culinaire. En 1989, lors de son premier stage estival au restaurant « Les Fruits de Mer », à Argelès, son professeur, Monsieur COLLET, le repère : « Il savait que j’allais faire bien ». A « La Rascasse », un semi-gastronomique installé dans son village, il perfectionne son attrait pour le poisson. A Reims, pendant un an et demi, au Vonelly, il se frotte au gastronomique moderne chez un jeune chef passionné.
En 1994, décidé à voir du pays et à se verser dans la langue de Julian BARNES, il atterrit en Angleterre, au Buckerell Lodge Hotel, à Exeter, un établissement qui brigue une troisième Rosette, l’étoile britannique. De retour dans la capitale champenoise, au « Petit Comptoir », bistrot annexe des célèbres Crayères, il entrouvre une petite porte grâce à Fabrice MAILLOT, son chef. A 23 ans, propulsé par son talent tôt remarqué, il accède à l’une des plus florissantes brigades françaises triple étoilées qui connaît les grands-messes de fin de semaine à 120 couverts.
En cinq ans, entouré de caciques mais surtout du styliste simple et flamboyant Gérard BOYER, à l’Hôtel-Château des Crayères, il se leste du trésor de savoirs d’une vie, du garde-manger à la coction des viandes, des implications de la direction d’équipes aux poissons entiers rosés à l’arrête : « on était des tueurs, une machine de guerre ». Les assiettes mémorables défilent en procession de parangons classiques : la salade du Père Maurice, le feuilleté d'escargots ou l'omelette du curé, la truffe noire entière ou le homard rôti en carcasse sauce sauternes, le crépusculaire lièvre à la royale.
Ambitieux, il ressent alors la nécessité de saisir un poste de second mais les ténors Thierry VOISIN et Frédéric GUILLAND verrouillent : « Des années immenses avec deux équipes soudées, matin et soir, une première en France ». Gérard BOYER l’adresse au maître visionnaire Michel GUERARD : « Michel HULIN est un loyal ». Nommé d’emblée sous-chef, le labellisé Green Food 2023 tombe sur un grand chirurgien très humain, le normand MOF 1997 Olivier BRULARD. Le vététiste athlétique admire l’avant-gardiste de la cuisine minceur basses calories dans sa poursuite du goût mais il vise toujours un poste de chef afin de réaliser sa propre écriture et sa partition personnelle.
En 2001, l’un des pères fondateurs de la nouvelle cuisine, chineur des antiquaires de l'Isle-sur-la-Sorgue, le destine à son ami Jean-André CHARIAL. Depuis, cet amoureux de la nature sauvage des Alpilles, des cailloux féeriques, des essences provençales et des arbustes, sculpte la Provence avec la même envie. Le grand cycliste qui prise les promenades au mitan des oliviers en scrutant leurs feuilles varier de couleur avec le vent célèbre aussi les fruitiers.
Dans la clarté matinale de ce terroir si singulier, aride et opulent, il communie en fidélité avec son éleveur de bœuf et de taureau bio de Maussane d’où il tire un tartare iodé à l’huître, violets, petits condiments, oignons pickles, câpres et mayonnaise citronnée au vinaigre de bonite. Attentif à la surprise des contrastes, il pousse son maraîcher à la nectarine cueillie sur la couronne de l’arbre afin qu’elle se gorge de soleil. Le goût propulse dans un ailleurs entre tradition d’aujourd’hui et modernité d’après-demain.
Il puise ses terre et mer dans ses racines méditerranéennes de poisson cru, attise les saveurs provençales dans son rapport intime à l’huile d’olive : « Je recherche la finesse, la fraîcheur, l’ardeur dans les AOC de la Vallée des Baux, une chance. Les mouliniers et confiseurs ressemblent aux vignerons, c’est un condiment d’assaisonnement comme la fleur de sel ». Michel HULIN emporte son légume-fruit de cœur là où on ne l’attend pas : « Millefeuille d’aubergine caramélisée, mousseline au confit de fenouil, crème glacée au parfum d’épices et huile d’olive vanillée ».
Les canapés maison livrent la tonalité : chips façon pissaladière, panna cotta au foie gras mangue-passion, panisse tomate et citron. Les langoustines en ceviche s’accommodent de fines ravioles végétales marinées au miel de Provence et citron vert, jus d’une Granny-Smith. Le dos de loup rôti à l’huile d’olive s’amourache des beignets d’artichauts croustillants, coquillages au jus citronné. Le carré d’agneau se fume au foin de Crau, viennoise de salsifis, écume d’ail doux. Le chèvre de la fromagerie du Mont Ventoux résonne avec les condiments de fruits secs, pignons et huile d’olive.
L’écume vanillée, granité au Macvin ceint la pomme Delis d’Or. Les chocolats grand cru « Elvesia » et « Maracaibo » sous l’écorce ravivent le mousseux aux fèves de cacao grillées. La châtaigne se décline en fine tarte soufflée au confit de marron, potimarron vanillé, crème glacée au mélilot. Les mignardises nous roulent dans le maelström des souvenances : praliné gourmand et ses noisettes torréfiées, choux au citron yuzu, douceur de vanille pompona.
Le haut timide de la Cabro D’or, de parachever en toute pudeur : « Quand je voyage, le petit trait d’huile d’olive me manque dans ma construction mentale ». Au miroir de la crème glacée à la sarriette du jardin vaporisée d’une goutte de liqueur de Frigolet. Les essences éternelles des Baux.
Photos : Virginie Ovessian (1 à 4) - henkVC (5)