PORTRAIT DE CHEF
Marc MOUTON

Par Fabien Nègre
  • Chef Marc Mouton
  • Restaurant Le Troquet
  • Restaurant Le Troquet saumon
  • Restaurant Le Troquet Saint-Jacques
  • Restaurant Le Troquet desserts

Chesnaycourtois alcyonien, rueillois de galantine en crépinette, poli aux pinacles BARBOT et GAGNAIRE, Marc MOUTON, dans son tranquille Troquet feuillu du 15ème, perpétue nûment l’esprit Christian ETCHEBEST par un attelage basco-béarnais, entre picturalité perlée d’une girole estivale et vigueur vespérale d’un colvert rôti.  

Au Chesnay, parmi les bois de chênes et de châtaigniers, éclôt, le 3 juin 1985, un fils de charcutiers. Les grands-parents maternels pomponnent leur potager : « pommes, rhubarbes, framboises et surtout ces abricots du jardin ». Au flan grand-paternel, les aïeuls reçoivent dans leur réputé traiteur non loin du pays malouin. Au comptoir familial rueillois, les festivités de fin d’année éblouissent une jeunesse : « foies gras, jambons ou salaisons, gelées, chapons, langoustes, caviar, homards, dindes, vol-au-vent, tout provenait presque de notre maison ».

L’adolescent peuplé par ses babines trace son école publique jusqu’au baccalauréat STI électro-technique. Le père du placide francilien lui chuchote ses classiques : « terrines, pâtés en croûte ou de campagne, rillettes, aucune préparation n’avait le même goût, même pesée, même assaisonnement ». Le jeune footballeur apprécie cette « créativité, donner du plaisir aux gens en leur faisant passer des bons moments ». Une seule appétence le tourmente, ce bouillant désir d’embrasser le métier de traiteur puis de rallier l’école Ferrandi Paris, le parangon hexagonal du 6ème arrondissement.

En second choix, en 2003, il file à l’Institut Paul Bocuse, alors peut-être le meilleur établissement au monde, campé à Ecully. Là, le chef formateur périgourdin Cyril BOSVIEL force son respect par sa manière de prôner l’art minutieux des ingrédients. Un autre professeur charismatique, omniscient et généreux le tatoue à jamais par sa discipline, sa maîtrise, sa recherche du produit simplifié; le MOF Franck PETAGNA bien trop tôt disparu à 42 ans en 2007. Ses « noix de Saint-Jacques poêlées aux panais et aux truffes » survolent les créations culinaires enseignées.  

Après trois années riches dont une de perfectionnement dans ce « micro-village », l’ambition de l’installation le tente déjà mais il lui faut, auparavant, « apprendre et comprendre ». Le stagiaire formé par Christian ETCHEBEST saisit d’entrée de jeu ce qui le fera vibrer dans la ferveur du saucier rôtisseur : « le coup de feu, le speed, la montagne russe, l’adrénaline, cette bataille à gagner quand on est dépassés ». En 2005, il survient à l’ASTRANCE**, chez Pascal BARBOT, coqueluche en pleine ascension qui tutoie la consécration étoilée ultime, obtenue deux ans plus tard.


Aux côtés d’Adeline GRATTARD au poisson, le lutin vichyssois de la rue Beethoven, écureuil véloce dans sa coquille de noix, déploie « une créativité sidérante, une minutie du produit. Dans le millefeuille champignons de Paris, foie gras mariné au verjus, huile de noisette, il y avait une quête absolue du goût pour aller chercher la quintessence. La quenelle de citron résultait d’une recherche de fou, des gros citrons blanchis, récupérés avec leurs zestes et leurs pulpes puis cuits dans l’aluminium ».

En 2006, d’abord au restaurant Pierre GAGNAIRE***, rue Balzac puis au GAYA*, il explore la planète d’un paradigme culinaire, paradis de sentiments, de tendresse et d’intelligence aux seize satellites. Sous la direction de Guillaume DELAGE, il parfait sa connaissance de l’univers iodé. En 2010, le féru de cyclisme tient la « barraque » avec Alexandre GIESBERT et reprend, à 25 ans, les cuisines du Troquet, un bistrot simple loin de l’élémentaire zinc, repère parisien depuis quarante-quatre ans : « chaque chef a une façon de faire sa cuisine, un état d’esprit, un style, une ambiance, une façon de parler aux équipes, une vision du restaurant et de la vie ».

Au beau milieu des traces et des souvenirs du Sud-Ouest, le jeune homme barbu au visage angélique représente à merveille cette cuisine française d’inspiration basque qui ravit avec son cochon, ses confitures, son fameux axoa, mets traditionnel de la région du Labourd, ragoût à base de viande hachée, souvent de veau, mélangée avec des poivrons, des piments doux verts, de l’oignon et de l’ail servi à Espelette les jours de foire ou de marché. Ce carnivore revendiqué ne boude pas pour autant les poissons : « quoi qu’il arrive, je préfèrerai toujours toutes les viandes, rouge ou blanche, les abats, les rognons, la tête de veau. Je suis entouré de gens qui aiment bien manger. Mes enfants aiment et goûtent beaucoup, la langue, le fromage de tête ».

Dans son bistrot à l’ancienne de la rue Bonvin, le quarantenaire, présence intense paisible dans une forme de mesure méditative entre pudeur flegmatique et courtoisie sincère, brûle, discret sourire, de la chasse automnale : « les femmes nous demandent de la palombe, du perdreau et même du civet de sanglier ». Par un sens esthétique capté dans le ciel étoilé, Marc MOUTON joue aussi sur les couleurs, matières et contrastes estivaux : « J’aime la beauté d’une assiette, le goût profond d’une girolle ou d’un turbot ne fait pas tout chaque fois. Dans le lièvre à la royale, on veut du lièvre, de la farce, du foie gras, de la sauce au vin liée au sang, des goûts profonds et puissants comme la charcuterie basco-béarnaise ».         
 
L’été, sur la fine terrasse ombragée au déjeuner ou le soir, à la fraîcheur du dîner, la pente s’adoucit dans le Paris agreste d’une rue calme du 15ème. Le « gaspacho de tomates, croûtons et oignons nouveaux » désaltère puis la « crème d’artichauts à la truffe et saumon mariné » règle la bonté d’une évanescence. Les légumes du soleil œilladent l’anchois de Collioure. La terrine de canard s’entend au magret fumé. Le velouté d’asperges volte et virevolte aux copeaux de foie gras.
 
Les postludes nous hissent loin sur leur tapis volant, du baladin au paladin : « riz au lait crémeux, cacahuètes et caramel », « soufflé à la vanille, confiture de cerises noires ».
 
 

LE TROQUET

Changement de patron en octobre 2011, le chef Marc Mouton a repris le restaurant Le Troquet fondé par Christian Etchebest....

Découvrir le restaurant

D'autres portraits de chef

Hisayuki TAKEUCHI : Maison KAISEKI
Jean-Louis NOMICOS
Grégory REJOU
Jean-Marie AMAT
Découvertes

Devenir une institution n'est pas si facile, ce sont les clients qui ont décidé du statut envié du restaurant ZO dans le très smart 8e arrondissement. C'est...

En savoir plus

Le talentueux chef étoilé Gaël Orieux livre une gastronomie éblouissante dans son restaurant AUGUSTE proche du musée Rodin.

En savoir plus