PORTRAIT DE CHEF
Frédéric BARETTE

Par Fabien Nègre

Colosse bourlingueur, joyeux pilier ambidextre au Touquet-Etaples Rugby Club, en division d’honneur, chartrain radical engagé pour la vérité de la cuisine, admirateur de Jean-Pierre BIFFI, droit beauceron ablisien, Frédéric BARETTE, le nordique formé par le solide Robert BARDOT, soucieux d’absolue fraîcheur, sonne l’oliphant en probe orfèvre amiénois, joue la densité de la matière saucière et la profondeur du goût de la terre.  

En 1970, le lutteur touche terre à Chartres, loin du «Chef-Système». Au mitan d’une fratrie de huit garnements, en pleine Beauce, à Ablis, l’enfant pousse les murs. Le père, agriculteur, si peu présent, lutte pour la vie du clan. La mère, ménagère exemplaire, éduque ses bambins aux vraies succulences de la campagne. «Ils bossaient comme des fous». La propriété céréalière comprend deux hectares de jardin potager, des pommes de terre fondantes, des lapins, des gallinacés et autres palmipèdes. Le blé, les petits pois peuplent le paysage.



«Ma mère, je la revois encore faire son boudin dans le garage». La patronne de la maisonnée maîtrise ses classiques : pot au feu, poule au pot dominicale, bouillons dinatoires, «soupes merveilleuses». «Les carottes avaient du goût, les tomates aussi». A l’école Sainte-Thérèse, l’enfant, a déjà du Nord à l’âme et il s’ennuie ferme à la ferme. «L’école ne m’aimait pas». Seule l’émotion des légumes d’or, des fruits de rêve le trouble à jamais.



Le petit Frédéric, à 7 ans, court dans le bois de Rambouillet, dans cette Beauce enluminée de juin, derrière la maison, pour cueillir la fraise sauvage, dévorée à même le plan. «Un très bon produit. Des confitures estivales et hivernales, des tomates entières en bocaux». A 14 ans, sur le désir maternel, sur dérogation du Préfet des Yvelines, le trublion quitte le monde scolaire pour un poste de «commis de cuisine» dans un étoilé, chez Monsieur BALLESTER, à «La Feuilleraie», à Follainville. Un autre jour, la «mama» passe devant un deux étoiles, «Le Relais du Château», à Rambouillet, impose son fiston au Chef.



Le prochain quart de siècle mettra le cap au Nord. Après la «Liégeoise» à Boulogne, il rejoint la «Porte de Gand» à Lille où il rencontre la déjà gloire locale, le flamboyant technicien Robert BARDOT qui tutoya le firmament au «Flambard». Avec son mentor lillois qui connaît l’Escoffier par cœur, le Chef des Orfèvres s’instruit des bases sérieuses et solides de la cuisine française. «Plus que le travail, la rigueur, j’ai eu la chance de côtoyer «Robert» malgré le rude apprentissage, un grand moment, nous apprenions la simplicité de la cuisine, ne jamais forcer une recette».



Second du maître entre 1991 et 1994, il en ressortira «cramé». Tout en pratiquant les saisons six mois par an, il se consacre au rugby. «En amateur, le dimanche, entre copains, le rugby m’a appris un esprit, une ambiance, l’amour du sport». En 2005, chez «Potel & Chabot», l’adepte des trois manipulations dans l’assiette avoue l’expérience forte de l’organisation : «au-dessus de tous les autres, aux Loges, à Roland Garros, c’est une machine de guerre du niveau d’un étoilé Michelin qui envoie 5000 couverts. J’ai une grande admiration pour Jean-Pierre BIFFI et son équipe, des monuments de la restauration».



A Amiens, élégant et consistant, Frédéric BARETTE confie : «On fait de la cuisine. Chaque cuisinier doit être maître de ses frigos». Le calme costaud au grand cœur allie ses expériences de la grande tradition française avec des notes toujours originales : soufflé aux écrevisses, lièvre à la royale, «Canard de Challans Rôti au foin, orange sanguine, Noirmoutier au barbecue». En saucier, il martèle : «je me bats pour que la sauce revienne. Plus personne ne sait les faire. Pas de sauce, pas de goût».



Autre leitmotiv : «la fraîcheur absolue, rien dans les congélateurs, seul un pacojet pour les glaces, la marchandise en frais provient des producteurs locaux». Mettre la cuisine classique au goût du jour sans revisiter les classiques, voici sans doute la ligne de conduite : «on ne fait pas de pot-au-feu déstructuré». La blanquette de veau requiert sa syntaxe et sa grammaire. La cuisson crée le goût. Crue à l’intérieur, cuite sur la carcasse : «avec la langoustine, on ne doit pas s’en foutre plein les pattes».



Dans sa belle région de produits spécifiques, Saint-Jacques boulonnaises coraillées et vivantes, langoustines, ormeaux, couteaux, oursins, Frédéric BARETTE travaille la saisonnalité d’une carotte des sables en culture raisonnée ou d’un poireau pleine terre. Les Anciens aiment à se régaler le dimanche. «J’adore cette vraie clientèle adorable». Comme dans un rêve de recette à l’Espelette, une sauce Albufera, poulette au piment liée au jaune avec une volaille de la ferme de Saint-Meuse, des œufs frais jamais en brique.
 
 

LES ORFEVRES

Le talentueux chef Frédéric Barette a ouvert son restaurant à Amiens après avoir fait le bonheur des gourmets parisiens.
Selon la saison la carte du restaurant Les Orfèvres annonce...

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