PORTRAIT DE CHEF
Philippe Gauvreau

Par Fabien Nègre

Niché dans l’ancienne station thermale de Charbonnières-les-Bains, calme joyau de ramures paysager aux pourtours de Lyon, Philippe GAUVREAU, depuis 2009, dirige le restaurant éponyme du Pavillon de la Rotonde (Groupe Partouche). Dans ces paisibles volutes esthétiques de la table confluent plaisir et détente pour une cuisine de tous les soleils au beau milieu des bois.


Né à Saint-Cloud en 1964, Philippe GAUVREAU prise déjà l’esthétique des forêts. Avec son père, dessinateur projeteur, il regarde le travail de l’oncle, pâtissier-traiteur à Rambouillet. A 10 ans, notre petit garçon fonce, noue le tablier, de longs mercredis après-midi, démoule les fonds de tartelettes, affectionne « l’ambiance, le labo, les gars, l’équipe . Dans cette « atmosphère rare « , il perçoit vite l’obsessionnelle régularité des routines pâtissières, détale pour la diversité de la cuisine. En 3ème, il se lancerait bien chez Lancia mais l’apprentissage culinaire l’emporte. Sa mère, excellente cuisinière familiale, lui forge un inconscient gustatif indétrônable. Son cousin germain travaille chez FAUGERON. Des amis de la famille affichent une étoile rue de Montmorency. Le regard du Chef de l’hôtel 5 étoiles « Le Pavillon de la Rotonde » s’affute. Philippe GAUVREAU apprécie les horaires décalés, les subtils flancs désaxés de la société des petits métiers du palais.

En 1980, au BRISTOL, les monceaux de parcours embarrassent les chevets. Notre fidèle membre des « Toques Blanches » opte pour une solide habitation familiale provinciale : « La Vieille Maison », à Chartres. Notre double étoilé y passe son CAP avec Monsieur ROGER. Rompu à toutes les parties, parchemin en bandoulière, notre 1er prix Taittinger 1997 attaque les hautes façades parisiennes. 1984-85 : Le Grand Véfour. 1988-90 : Ledoyen, Sous-chef. Entre temps, la côte d’azur (La Bonne Auberge de Joe Rostang), les Antilles (Malliouhana Hôtel, Anguilla) et une rencontre évènement parachevèrent la formation flamboyante de notre cuisinier des suds, 1er prix Paul Louis Meyssonier en 1997. « Au NEGRESCO, j’ai tout appris, tout compris, conduit les opérations de mariages de prestige, le banqueting, la grande gastronomie. La meilleure école. Jacques MAXIMIN, un génie, un révélateur de l’approche de la diversité du produit, une révolution. »

En 1993, Hubert BENAMOU, l’ami d’enfance, appelle le maestro imprévisible de la courgette fleur. Son plus fidèle lieutenant, calme et posé, précis et réfléchi, oppose presque une fin de non recevoir : « Lyon, la grisaille, la tristesse, c’était non. Pour ne jamais regretter, je viens quand même voir ce spectacle de fête foraine ». Volte face. La partie loin du tapis rouge, le jeu augurait de la chandelle. Notre placide compétiteur se surpasse. « Toujours plus, toujours mieux, les concours dos au mur pour prouver ma valeur, construire ma notoriété ». Les espiègles lyonnais épient la chute libre mais Isidore et Serge PARTOUCHE font bloc dans la confiance accordée, la pérennité financée. A l’issue d’une fermeture administrative de six mois, un lieu de jeux muré, presque hideux, un puissant challenge, les nantis de la ville des canuts ne se renversaient pas aux grilles du portique.

Pourtant, « La Rotonde » à la Tour de Salvagny, lieu unique en France, restaurant doublement étoilé dans un Casino, le couru « Lyon Vert », illustre une histoire insensée magnifiée par notre technicien de charme, maître des préambules. « Serein, j’éprouve toujours du plaisir à donner, partager avec les équipes, le client ». Aux côtés de Frédéric FASS, fantastique directeur de salle depuis le premier jour (1993), homme d’empathie et de sympathie ; Alain GOUSSE, un sommelier pertinent, l’auteur des « quatre foies pressés d’artichauts cuits et crus » de poursuivre : « Un restaurant, une histoire de détails : l’accueil, l’envie, le choix, le flacon ». Du seuil aux mignardises miniatures, depuis presque vingt ans, une continuité véridique, de fidèles seconds ( Fabrice DE FLUE, par exemple, 33 ans), saisis par la profondeur sertie, l’évidente fluidité d’un métier de remise en selle. Foin de techno-émotionnel, le créateur du « tajine de homard entier aux petits farcis, cassolette de semoule à l’aubergine confite, jus de crustacés aux épices orientales » réfléchit à court-circuiter toute lassitude du client.

Discret voire secret, dans la douceur de la réserve, l’ex-second de Maximin le magnifique, pratique la triade couleurs-parfums-saveurs, enseigne ses cuissons adéquates, élève ses bases. « On veut faire bien ». Dans son dernier livre, « Vaux, Vaches, Cochons et compagnie », écrit par « nécessité intérieure », il dévoile ses histoires d’amitié avec Maurice TROLLIER, l’artiste-boucher des Halles de Lyon. Engagé toute fronde dehors contre les ravages de la « malbouffe », soucieux du patrimoine culinaire contre la « cuisine baveuse », sans vagues ni vogues, réenchante le monde. Importent, pour sa vibration, le souvenir du dîneur, la force de son émotion. Le restaurant Philippe GAUVREAU intensifie encore davantage la belle histoire de famille avec les Partouche. « Ma deuxième famille qui a cru en moi ».

Telle une distinction structurée, le « plaisir de faire plaisir », ni perturbé ni perturbant, notre homme cultive « ses desserts d’envie ». La saison hèle le produit dans le contentement des transitions. Morilles et asperges courtisent le potiron. Les plongées dans la méditerranée invoquent la galanterie. L’eau à la bouche : « la pièce de viande devant moi, je l’écoute dans son temps, je la caresse avec ce beurre chaud qui pétille, dans l’ail et le thym, dans le respect de cette côte de veau dans sa cocotte sans ferrer, sans agresser, rosé à cœur. Le respect de l’épaisseur de la pièce à travers sa cuisson. ». Le mangeur imagine le temps. La vision égale le goût, le plaisir du dressage. L’artisan des « cannellonis de chocolat amer à la glace de crème brûlée » manie l’esthétique de la précision sans prétention à l’inoubliable qu’il ne saurait réduire à une science infuse. Un « métier truffé de détails » même dans le « snaking » qu’il repense à nouveaux frais en hommage au pape de Collonges. « Un seul ose la restauration rapide, c’est Paul Bocuse .»

Au vrai, le coureur de fond de Charbonnières sonde la complexité subjective de notre séduction. « Dans une carte, des plats s’imposent par leur force. A l’instar d’un chanteur, je ne sais jamais quel morceau fera le tube ». La distinction entre le senti et le ressenti convoque le partage des convivialités. Dans cette gastronomie de discrétion, entre des pointillés et des points de suspension, l’évènement passe inaperçu, fonde son propre chassé-croisé dans le visage de l’équilibre. Côté sud, des paysages provençaux enivrent notre mémoire, frais, stimulants, un mixage miroitant de craquant iodé de bord de mer et de mystères de la rivière. Des audaces acidulées, des parfums de primeurs apaisées. Côté nord, le lyonnais circule entre des jeux de textures saturées et des retraits impudents. Dans les coctions sculptées sur le fil, rien ne bascule entre le croustillant et le démasqué. De la sagesse à basse température, des braisages sous vide, à l’ancienne.

Le toucher diaphane des vinaigres dans l’aménité acide de l’envol. L’air change de forme. La lune entre en scène : un ravissement des cyprès toscans, l’obscure brillance des Maghreb sous-tendus, des passages prospères de la fructueuse altérité. Confluences, influences, voyages sur place de la jeunesse. L’incongru stimule la page blanche du panier de la saison, l’écriture des produits. Le dessin du légume bercé par les rêveries de chasse du moment. Dans le parc, Philippe GAUVREAU prépare un potager pour la lumière et ses forces sucrées. La boule de cristal tourne à sa vitesse. « Je veux développer de la restauration thématique dans le groupe Partouche. Le restaurant excite les industriels mais cela peut devenir un cauchemar ». Cohérent, conséquent, sans regrets ni remords, notre voyageur américain, fasciné par la Napa Valley, médite les territoires.
Notre amateur de vélo escalade le col de la Luère, brandit les métissages du bien-manger. « Mal se nourrir, un crime ». Attaché à réorienter le fonctionnement logique de la nourriture, la spiritualité du savoir respirer, l’art du silence et l’harmonie verticale de soi, Philippe GAUVREAU ne mâche pas ses mots, ne parle pas la bouche pleine. Moins de sucrosité, plus de fruits, un dessert au fenouil. Nostalgique des évènements passés, il embrase l’avenir, mèche professorale en avant. L’émotion nous enseigne les nouvelles techniques de composition dans la perfection dangereuse des caléfactions. Conclusion : le tempo de notre culture, féminité abyssale des spirales de la joie. Quand la tomate camarade le parmesan et la coriandre, le citron toscan réverbère la fraîcheur du matin. Ici et ailleurs, par ici et maintenant.
LE PAVILLON DE LA ROTONDE - PHILIPPE GAUVREAU

3, avenue du Casino - 69260 Charbonnieres Les Bains - Tel : 04 78 87 79 79
 

Le Pavillon de la Rotonde

Dans le cadre du groupe Partouche, ce restaurant gastronomique propose une cuisine inventive ouverte vers le terroir, à base de produits de saison.
Philippe Gauvreau a déménagé le 6...

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