Le 27 octobre 1988, à Fontenay-aux-Roses, au tendre milieu de la semoule roulée maison, jaillit un garçon couvé par ses deux sœurs. La famille habite Châtillon où, le père kabyle, débarqué d’Algérie dans les années 60, sans prononcer un traître mot de la langue de Racine, s’enracinera. Ce citoyen de la terre, homme du monde qui croit juste en la bonté des hommes, construira une réussite exemplaire grâce à plusieurs établissements. Il ouvre l’ «Etoile Kabyle», porte de Versailles, succès de cuisine orientale, couscous et méchouis au feu de bois.
Ensuite, la «Kémia» à Malakoff, puis la «Médina» dans la même ville, formeront de vraies réussites. Enfin, son quatrième restaurant se nommera «L’Harissa» à Issy-les-Moulineaux. Encore un triomphe. Ce père de 64 ans, étonnant personnage toujours en mouvement, «qui ne s’arrête jamais», illuminera l’enfance de Mickaël MEZIANE. «Il n’y avait pas de gastronomie chez papa mais la semoule régnait en maîtresse». La maman donne la réplique. Cette ancienne assistante ultra polyglotte d’un PDG, dirige, aujourd’hui, un restaurant à Disneyland Paris.
Bien avant l’adolescence isséenne, l’enfant goûteur derrière le bar, en 1996, se voit apostropher par son mentor toutes les fins de semaine : «Tu vas apprendre la vie en essuyant tous les verres mais tu n’auras pas le droit de rentrer dans la cuisine pour des raisons de sécurité». Tout le désir de cuisine proviendra de cette perception de la limite à transgresser : «Sur le mur, en lettres d’or, s’inscrivait : interdit aux enfants». En 4ème, le turbulent garçonnet exige un préapprentissage en guise d’armée : «J’étais mieux dans un restaurant qu’à l’école, je ne pouvais pas rester assis. Derrière, c’était des magiciens, que se passait-il ?, j’étais comme un fou». Bercé par les délices dominicales des restaurants fréquentés avec sa famille, le véloce jeune homme trépigne de se jeter dans la bataille culinaire.
Entre 2003 et 2006, Jérôme MAZUR, le chef «à l’ancienne» du Pavillon MONTSOURIS, lui tire des larmes pendant les six premiers mois. L’élève de l’EPMTTH (L'École de Paris des Métiers de la Table, du Tourisme et de l'Hôtellerie), dans le 17ème, souffre pour son bien et son avenir, de l’aube à aurore : «Choc thermique pour un branleur à la PlayStation qui se sent seul, loin de ses copains». A 16 ans, il adore travailler le poisson, saisit une leçon de vie : «Je cuisine pour procurer du bonheur aux gens sur tout un service. Le Chef me répétait sans cesse : "fais un plat comme si tu le préparais pour ta mère", il m’apprit la sensibilité culinaire».
Avant sa majorité, l’ambitieux stagiaire maîtrise toutes les techniques du désossage de la boucherie : «je levais sangliers, cochons, canards, volailles, agneaux entiers, selles dans le noir». En 2006-2007, au Relais de Sèvres, il aborde le monde étoilé avec Patrice PASQUIER. «Les produits d’exception me fascinent. Le dressage m’impressionne». Au Prince de Galles, en 2008, l’Hôtel de Luxe, avec Benoît RAMBAUT, lui enseigne les responsabilités de direction.
Entre 2009 et 2011, à « La Table de Joël ROBUCHON », puis à L’Atelier, David ALVEZ lui fait vivre une «expérience géniale de rigueur». Le triple diplômé (CAP Cuisine, BEP Pâtisserie, BP Cuisine), passe, en sept mois, de « deuxième commis » à « chef de partie » où il explore toutes les joies du métier : entremets, poissons, viandes. «Quand on a les dents longues, ça va toujours très vite. J’ai toujours eu la chance d’avoir des vrais chefs professionnels qui m’ont pris sous leurs ailes».
A 21 ans, aux côtés de Jérôme BANCTEL, second d’Alain SENDERENS, Mickaël MEZIANE sidère par sa «terrible terrine». L’original veut dépasser l’origine. La méthodologie d’organisation grave l’esprit : «se lever le matin, avoir envie de faire plaisir, ma première femme demeurera la cuisine même si je me marie bientôt avec Tiphanie». En 2012, à 25 ans, le sous-chef d’Edouard UCHIYAMA, chef de « L’intercontinental Paris », brûle déjà de voler de ses propres ailes. En 2014, il ouvre son restaurant, « LA PASSERELLE », dans sa ville, grâce à Raymond LOISELEUR, propriétaire des lieux.
Dans une philosophie au fil de l’eau, dans une ville en transmutation et en transformation, le jeune chef d’une étonnante maturité humaine monte en produits avec ses clients exigeants, traverse ses rêves sur sa passerelle. Chez lui, un mur entièrement végétalisé, vraie création qui dure huit ans, trône dans la grande salle. Des bambous, plantés par ses soins, viennent encore soutenir la tonalité. «Les accords découlent du produit. Thon sésame gingembre, coco, poireau brulé». Entre l’eau, les arbres et la Seine, sur la reposante terrasse, «la cuisine est un art surtout lorsqu’elle est faire avec le cœur».
Avec son art du cœur inspiré de Pascal BARBOT, modèle de carte blanche en liberté, l’intransigeant sur les horaires si conscient de son office du dernier service, œuvre à sa pérennisation, en famille. Concis concentré, en compagnie soudée de son équipe stable de « soldats » presque tous issus de l’Ecole FERRANDI, Mickaël MEZIANE prône un management participatif dans la confiance absolue. Il recherche une consécration simple, celle de la fraîcheur, dans une génération qui pratique «une cuisine surprenante, plus si française que cela».
Toutes les cuisines l’inspirent : «le cigare d’agneau, c’est le méchoui de mon père retravaillé pour le rendre gastronomique, un agneau confit huit heures, à basse température, effiloché, dégraissé, moutarde, pois chiche, raisins secs, cumin, dans une feuille de brique, poêlé à la minute, avec des carottes et un petit jus. Ma tarte citron meringuée se flambe à la mandarine impériale. Des goûts simples qui parlent à tout le monde».
Découvertes sur le monde, amertumes sensibles, envolées acides, toutes les passerelles tendent des métaphores : rencontres, alliances, liens affectifs, tissage fraternel et tissu familial. Entre le calme bucolique de la Seine et la minéralité moirée de l’urbanité, le bouillonnant Mickaël MEZIANE, au regard d’avenir lumineux, trace sa vitesse dans un doux renouveau.