Doux angevin, effacé carré, Laurent POITEVIN , né en Allemagne (Willingen) en 1975, dans la catégorie des chefs étoilés quasi invisibles, œuvre néanmoins dans l’un des groupes fleurons du classicisme parisien : TAILLEVENT. Depuis trois ans, délicate, discrète, sa bienveillante bonté décale le répertoire.
it du cheit du chef « L’amour du métier vient du père », chef de cuisine, décédé trop jeune. De ce guide perdu à l’âge de quinze ans et de cette mère française avec lesquels il vécut dix ans, le chef du bistrot de luxe du Faubourg Saint Honoré retiendra l’amour de la charge. Sur le versant paternel, tous mettent la main à la pâte : aubergistes, serveuses, chefs de salle, maîtres d’hôtel. La forêt noire de Stuttgart absorbe le père, le retour à Angers étouffe. Seule lueur à 14 ans, l’oncle traiteur, Yves POITEVIN , anime les vacances scolaires estivales. Le chef LE YOUDEC (ancien de chez FAUGERON, GUERARD, GIRARDET), à Louvigné, en Mayenne, accueille son apprentissage à 16 ans. Une matière infinie s’ouvre devant lui : marée, flux et reflux, chairs et venaisons, brioche et bavaroise. Laurent POITEVIN découvre « l’autonomie du pur cuisinier ». Décidé dès le départ à épouser la trame du goût, en troisième, il immobilise sa scolarité. Effronté version cuisine. Il intègre l’école hôtelière d’Angers en CAP puis BEP en alternance.
A sa majorité en 1993, son maître de formation le propulse à Paris. « Placé » dans un petit « Relais et Châteaux », « La Forestière CAZAUDEHORE» à Saint Germain en Laye, il essuie les ultimes ombrages familiaux. La passion le transporte, le souffle l’emporte. « Pas de vie de famille, en baver, pas de cadeau ». Cette première maison lui ouvre la porte de Christian CONSTANT , alors chef des cuisines du Crillon « sans CV ni candidature ». Classé gagnant, en 1995. Son « premier second », encore inconnu se nomme Eric FRECHON . En 1997, en lieu et place des parachutistes toulousains, celui qui installa des écuries de poulains étoilés l’introduit au Ministère de l’intérieur période Debré et Chevènement. Un seul désir : « évoluer, augmenter en grade, réaliser sa propre cuisine ». Son bienfaiteur l’adresse à Michel DEL BURGO , une personnalité bouillonnante, virevoltante, hors du commun, un artiste alors chef du BRISTOL. Dressages imprévisibles, rigueur improvisée, spontanéité organique ; Laurent POITEVIN amoncele.
En 1999, deux courtes années lui suffisent pour passer de « commis » à « chef de partie ». Le parcours façonne, le rodage des maisons d’or conforme. Le Roi DEL BURGO, bon prince, coopte notre timide ambitieux au TAILLEVENT. Chevauchant les sommets, le chef préféré des moscovites sature le ring. En mouvement, moderne et créatif, il réalise 80 couverts le midi et 90 le soir. Un monstre des salons et des banquets. En 2001, Laurent POITEVIN seconde Stéphane COSNIER . Aujourd’hui, la mémoire et l’ombre de Jean-Claude VRINAT planent sur le Groupe du 15 rue Lamennais et ses satellites. « Il venait deux fois par semaine, toujours à 19h00. Un homme admirable qui goûtait toutes les créations sans jamais juger avec sa touche classique toujours pertinente ». Omnipotent, omniprésent, il incarnait l’âme de l’écrin, sans doute le dernier restaurateur de la gastronomie française. En 2005, il imposa Laurent POITEVIN à la tête de l’Angle du Faubourg, même si ce deuxième restaurant ne repose pas sur le chef mais sur la marque. Il s’agit de magnifier les bases classiques par une pointe d’originalité.
Laurent POITEVIN exige la source intransigeante du produit (épeautre bio du Ventoux, Piquillos de Delatour) jusqu’à mettre en prédation tous ses fournisseurs : commerçants du quartier, vendeurs de Rungis, petits propriétaires. « Je travaille l’esthétique de l’assiette dans toutes les directions. Ne jamais s’endormir, donner du plaisir, du rire, du sourire, la découverte de nouvelles saveurs, fraîcheurs. Faire une autre cuisine évolutive loin des brasseries ».
Hervé VIKA, sommelier jeune pousse sud-africain et zaïrois, insuffle de judicieux vins (Riesling de Seppi Landmann, Montlouis de François Chidaine, macvin de Stéphane Tissot). Adepte du duo verre/plat à petites doses, Laurent POITEVIN peaufine ses recettes autour de nouveaux produits : huiles d’olive fumée au bois de hêtre et Saint Jacques en choucroute, mousses d’oignons. Le matin, tout le personnel (second, directeur de salle, sommelier, serveurs) participe aux essais. Avec les pourboires, le Chef de l’Angle du Faubourg organise des repas du personnel aux quatre saisons (Grande Cascade, Pré Catalan, Bristol, Chiberta, Bras, Gagnaire, Régalade, Ami Jean…).
« J’avance avec la vision des autres, je ne garde pas mes idées dans ma tête mais je parle ouvertement aux clients ». Minutieux soupeur, méticuleux dîneur, Laurent POITEVIN pratique le classique ultra revisité des déclinaisons souples et ductiles. Dans la puissance de l’héritage, il éclaire les repères, respecte les rapports de cohérence, les équilibres animés par un sens de la curiosité. Pour sa gouverne, il voussoie son autre horizon dans la délicatesse de l’avenir.
L'Angle du Faubourg
195, rue du Faubourg Saint-Honoré
75008 Paris
Tel : 01 40 74 20 20