PORTRAIT DE CHEF
Jérôme ROY

Par Fabien Nègre

A la fraîcheur ombrée des oliviers centenaires, sous la magnifique charpente restaurée d’un ancien couvent du 17ème siècle, Les Minimes, à Mane-en-Provence, au « Cloître », tourangeau gagnairien sur son sentier, cursus certifié platine avec Thierry MARX et Michel TROISGROS, Jérôme ROY provoque l’émotion nocturne dans la profondeur de sa transcendance, dans un déraillement amer, léger et naturel digne du paysage intime de Giono, des tilleuls diaprés au végétal acidulé.

En 1977, à Chambray-Lès-Tours, le cadet d’une fratrie paysanne tourangelle de sept, apparaît dans les pommes. Lors des «gros repas» de fête, à Loches, le petit dernier vit aux pays des merveilles, le plaisir du goût et le goût des plaisirs l’emporte sur tout. Toujours dans les crinolines de sa maman, aux fourneaux, le gamin passe les doigts dans la pâte crue, la gobe et puis s’en va. «Ma mère formidable cuisinait tout pour tout le monde tout le temps, je me souviens encore de tous les goûts de ses plats, de l’odeur de sa laitue braisée, simple et sublime avec ses doigts de fée».



Le petit chambraisien vise une carrière de boucher. Dans cette splendide ferme céréalière, génisses et volatiles folâtrent de concert. «On tuait le cochon, on faisait le boudin, la rillette au feu de bois». A 15 ans, l’ambitieux jeune homme qui sait savourer les douces choses rentre au Lycée Albert Bayet, à Tours. Il en sortira brillamment, en 1997, avec un Bac Pro Restauration option cuisine ainsi qu’un CAP de Pâtisserie.



Christophe MENARD lui ouvre l’univers du cacao, en stage, à « La Chocolatière », à Tours. Puis, il apprend l’art du sucre avec le célèbre Yves THURIES, à Cordes sur ciel. En février 1999, en pleine conquête pour la consécration suprême, sa rencontre avec le fédérateur Thierry MARX, le séduit. Le commis acquiert la stature de «Chef de partie». L’empathique médiatique maître du «Mandarin Oriental Paris»** le guide, en 2001, aux côtés de son épouse, courageuse comptable reconvertie en réceptionniste, vers Michel TROISGROS***.


Cette deuxième conjonction décisive durera six années emplies de joie où Jérôme ROY, en chef, se familiarise avec le classicisme «à la française», la structuration du travail bien fait, les poissons nobles et les viandes racées. «J’ai compris cette cuisine, j’ai appris à devenir un meneur d’hommes qui fait tourner la baraque». En 2007, le génial charismatique Pierre GAGNAIRE lui offre l’ouverture des «Airelles», à Courchevel.

«J’ai serré la main de ce grand Monsieur, j’étais heureux, ce fut une illumination, il s’est passé quelque chose, question de feeling. Pierre GAGNAIRE demeure LE CHEF». Très proche du créateur apinaquois de constellations sidérantes, Jérôme ROY, en mai 2008, lance le restaurant du «Séoul Hôtel Lotte». En ressouvenir maternel, il y signe un homard juste poché en rouelles, laitue braisée en tronçons de boudins, réchauffé dans un beurre noisette, bisque liée à la farine de riz noir, crumble d’ail.


Celui qui fut élu, par ses pairs, le 27 janvier 2015, "plus grand chef étoilé du monde" le complimente. En juin 2010, à Saint-Tropez, l’homme de confiance inaugure le restaurant «Colette by Pierre GAGNAIRE» à l’Hôtel SEZZ. Le 11 juin 2012, le grand stéphanois le place au «Couvent des Minimes». Dans ce «Relais & Châteaux» presque secret, dans cette Provence protégée, Jérôme ROY exerce sa créativité qui transite par toutes les formes et les forces de produits identifiés aux textures différentes.

Il harmonise couteaux et épicéa, gambas et tagette, veau et thé vert, poutargue et maïs, baudroie, prunes salées et cèpes, pour accueillir des équilibres zébrés, des échanges patients. Ces ajustements s’essayent au frisson dans le premier dessert mirabelles/baies de sureau/Perles du Japon. Ils jouent le citronné infime, la subtilité de l’amertume contre les acidités dans le marquage des couleurs. Avec un tâtonnement persistant de la pureté dans les beurres légers ou émulsionnés à l’huile d’olive niçoise, le Chef du Cloître affectionne le contraste, couvent et agitations, paix et tourments.


Pour toucher l’esprit et renouer avec les esprits, le tranché du piquant revient. «La cuisine, je la pense toujours légère, naturelle». Dans la douceur bienveillante des légumes du potager sans extension infinie du tissu végétal, la fibre accompagne le débordement qui surgit par un bouillon d’arêtes grillées ou bien même la suavité maîtrisée d’un poivre pamplemousse du Népal. La triade couleurs-épices-herbes sauvages allurée par le support acide et l’amertume excède ses contours par des combinatoires sucré-salé à la recherche d’une sorte d’ «umami», témoin cette tuile froissée, fleur de Jasmin, fraise-rhubarbe.



Le piment majore les charmes du couvent à l’heure du premier SPA de luxe de « L’OCCITANE » qui incite à la méditation sur la netteté des issues et la clarté des fonds. A partir d’une matière d’excellence, de ses désinences, de ses agencements et de ses températures différentielles, Jérôme ROY manie la fraîcheur virtuose, une ligne d’apesanteur à l’image de ses fromages enjolivés, brousse de brebis/crème de balsamique, pâte d’amande/banon tiède/Cassis.



Photos : Virginie Garnier
 
 

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