PORTRAIT DE CHEF
Gabriel DEGENNE

Par Fabien Nègre

Entre la belle bleue et les monts azuréens, au seuil d’une bastide provençale du XVIIème, propriété du Marquis de Villeneuve où les sources naturelles abreuvaient les montures et désaltéraient les visiteurs, dans le toujours surprenant réseau de charme «HOTELS & PREFERENCE»  

Au Château de la Bégude, au restaurant «Le Ciste», sis dans les vallons du très sélect «Golf Opio Valbonne» inauguré le 9 juillet 1966, soissonnais enluminé, picard radieux des présages de l’esprit du lieu, Gabriel DEGENNE réinterprète la mer du milieu des terres, entre subtiles balances et disjonctions visuelles.

A Soissons, entre la batterie de son père et les batteries de sa mère, un bout de chou chaunois discerne la lumière le 29 novembre 1976. Bien loin de la Côte d’Azur, il veut tout de même déguster le soleil, la friandise sature déjà l’espace. La maman, restauratrice à Chauny, et le paternel, artiste peintre installé dans l’Aisne, connaissent la mélodie des pianos. «Mon père partait cueillir des girolles, des cèpes, des morilles dans ses coins secrets, ramasser des escargots, chasser les écrevisses». Tous les légumes jaillissent de la fraîcheur du jardin.

A 10 ans, dans l’insouciance des commencements, le petit DEGENNE «choisit tout de suite la cuisine». A 12 ans, proche du l’intuition maternelle, il essuie les verres, virevolte derrière le bar, sert et dessert la salle. Ce ciel familial aux quarante convives par jour lui sied, entre langue de bœuf cuite des heures au court-bouillon, sauce piquante, concentré de tomates, cornichons, et blanquette de veau maison ou bœuf bourguignon. L’école patine mais de grandes émotions peuplent la mémoire, cette exquise tête de veau détachée avec ses pommes de terre vapeur à la suave texture et sa sauce ravigote.

Passionné par la pêche dans l’Oise, carpes, brèmes, anguilles, brochets, gardons, l’adolescent qui déserte le Collège Victor Hugo, passe ses journées dans les partitions. En cours de batterie jazz dans un Centre Culturel, fasciné par la musique pop-rock des années 80, le futur Chef du Golf Hôtel de Valescure, à Saint-Raphaël, plonge dans l’esprit culinaire du Nord, beurre et margarine, sans expérimenter l’huile d’olive. Au Lycée Hôtelier de Soissons, le professeur général Patrick ENGELS le marque. «Je demeure en contact avec lui, il vient me voir chaque année. Ce métier c’est l’armée et le sentiment, j’ai aimé tout de suite la rigueur et la discipline».

Dès sa sortie de l’école, en 1995, il effectue son stage-découverte à « La Provençale», à Aups, pour avoir la chance de «goûter au soleil». Là, en pizzaiolo épanoui avide de connaître toutes les facettes de la pyramide, il cherche son style. A 20 ans, Gabriel DEGENNE traverse quelques établissements parisiens, Clocher Saint-Germain, Petit Zinc, et la Brasserie «Le Pastel» dans le 14ème pour les volumes. A 26 ans, au «Continental», à Reims, il dirige 17 personnes, reçoit trois fourchettes MICHELIN.

Au «Romano», en février 2007, à Cassis, avec sa femme varoise pâtissière, Gabriel DEGENNE intègre son premier poste de Chef auprès du propriétaire, Jean-Luc TABUTO. Au-delà de la daurade grillée ou des soupes de poisson, il met en place, durant trois ans, une carte gastronomique avec sa poularde de Bresse. En 2009, il crée même la cassidaine, recette officielle du village élaborée à partir de l’histoire de ce petit port de pêche, composée d’une base de pâte à pain, graine de fenouil et farce, tomates confites, chèvre et anchois en feuilleté.

En 2013, au restaurant gastronomique «LE CISTE», sur le lieu même du tournage du «Triporteur» de Jacques PINOTEAU, en 1957 avec le célèbre Darry COWL, il présente une cuisine au naturel, sans rajouts, «sans japoniser». En bouquet floral, les équilibres se forment autour du foie gras à l’hibiscus. L’élégance des formes et les essais de forces s’allient à l’imagination des ingrédients. Les poissons de méditerranée se mettent en scène : thon blanc, loup, rougets. L’habitant de Villeneuve-Loubet dialogue sans cesse avec la nature toujours dans une vision accordée.

«Quand je crée une carte, j’écoute des morceaux, c’est un besoin vital, une musique, je pense à une recette. Le goût se structure autour d’un son. Inexplicable, ineffable. Image sonore, image gustative, imaginaire culinaire. Cap au sud, secrets d’enfance». L’hiver, entre neige et mer, le génie du lieu s’exprime. Les rencontres du plaisir tournent au plaisir de la rencontre aussi bien avec ses amis picards issus du même village, chez lui, que dans les 4,6 voire 10 mains, pour les 10 ans des étoiles de Mougins, qu’il organise souvent au restaurant.

«J’aime faire découvrir des produits différents». La lame de concombre concorde avec un cannelloni à la crème iodée, grains de caviar. «Echanges d’amitiés. On se met la pression, on invite des deux macarons, des MOF, des "Bocuse"». Ces jeux de galvanisation typique de la jeune génération de cuisiniers soudent les équipes, élève les exigences tant l’appréhension ravive. De ses "batailles" naissent "de très bons et beaux moments qui donnent envie de recommencer". Loin des fiches techniques, les improvisations hallucinent : eau de saumon fumé, crème de vodka gélifiée.

Gabriel DEGENNE honore les transitions automnales et printanières : petits navets, asperges, des jaillissements. Les dispositions s’inscrivent dans le lumineux devenir. Ce jeune cuisinier d’évolutions, confondant de simplicité, se pince encore. Un rêve, un rire. «Aujourd’hui ma mère pleure quand elle voit mes plats. Quand on en reparle, je ne sais toujours pas pourquoi je suis cuisinier. J’ai voulu faire cela, je suis incapable de faire autre chose. J’avais le pied à l’étrier».

Cuisiner toute la méditerranée à fleur de sens, cuire les silences tels une musique, sculpter le vide, le fantasme des fantômes. «Je ne cherche pas à bouleverser mais à verser».

Photo du chef : Cook and Shoot

Château de La Bégude
Route de Roquefort les Pins - 06650 Valbonne
 
 

CHATEAU DE LA BEGUDE

Le Château de La Bégude au coeur d'un vaste domaine avec un golf, est un bâtiment du XVIIème siècle.
Le chef Gabriel Degenne est en cuisine depuis fin juin 2013.
Selon la saison la...

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