David GALLIENNE se distingue par une impeccable modernité d’ancrage et d’ouverture sur les altérités scintillantes du voyage.
Le 4 octobre 1988, David GALLIENNE ne mettra pas 24 heures pour naître au Mans. Fils choyé de comptables à l’allure de pilote, le jardinier en herbes passe toute sa vacance à la ferme et sa jeunesse à Condé-sur-Sarthe en Normandie. « Le terroir m’a rapproché de la cuisine ». La mère, fille unique, rayonne à la salamandre. L’éveillé démoule ses charlottes entre deux viennoiseries. La grand-mère maternelle qui élève des enfants de la DASS, fricasse pour toute la famille.
Le grand-père maternel, ouvrier à l’usine, confie les valeurs de la terre, l’agriculture maraîchère, la pêche à la truite, la cueillette des champignons en sous-bois. « La nature suscite la vocation. Tout fait apprentissage ». A 10 ans, excellent élève, le challenger veut devenir rôtisseur, un métier voué à une impasse selon son orientatrice. « Je ne voulais ni baccalauréat, ni école hôtelière, juste un apprentissage par l’action ». A 14 ans, le leadeur entre au CFA d’Alençon avec un impérieux besoin de se concentrer. L’adolescent fougueux apprend à rester à sa place grâce à l’embrigadement de la brigade.
Casse-cou curieux, la tête brulée hyperactive eût tôt envie d’en découdre avec les autres et sans doute surtout avec lui-même. Challengeur aiguisé, les rallyes rentrent ipso facto dans sa vie. « Les concours me remettaient à ma place ». En février 2007, vice-champion de France aux Olympiades des métiers le jeune homme se découvre des talents agonistiques. « Jamais les deux pieds dans le même sabot ». La même année, en novembre, suite au désistement de la Championne de France, il représente l’hexagone aux Olympiades internationales de Shizuoka au Japon et se classe 13ème après une préparation avec des Compagnons du Tour de France et des Meilleurs ouvriers de France.
Cette rage de réussite, de ne jamais décevoir les autres s’accompagne d’une envie de prouver à son entourage qu’il fait le bon choix. Le désir farouche de dépassement s’origine souvent dans une pédagogie austère. « Une éducation dure, avec des parents qui transmettent les vraies valeurs du travail. Pour avoir la pièce pour aller au cinéma avec les copains, il me fallait laver la voiture. Je dois tout à mes parents ». En 2002, Franck QUINTON, chef du Manoir du Lys, à Bagnoles de l’Orne, le repère, le forme et le prépare aux affres de la vie en cuisine.
L’apprenti y passera second en dix ans. « C’était un père de famille ». Le fier ambassadeur du territoire normand présente TOP CHEF en 2012 pour la première fois : « Se faire violence à soi-même avant de faire violence aux autres ». Le digne postulant n’éprouve aucune déception. « Etre casté, c’est déjà énorme. Quinze candidats intègrent, un seul gagne ». A 27 ans, le randonneur engoué d’escalade ose refuser un poste de second proposé par Éric GUERIN, rencontré au Japon.
« Des liens très forts existent entre nous dans le rapport au travail et dans l’amitié. Au gré des voyages, il m’a donné ma direction. C’est un modèle humain et professionnel, un miroir ». En 2017, à Rouen, chez « Origine », le seul chef étoilé vainqueur de Top Chef change de maison et d’air afin d’affirmer sa personnalité sans quitter son terrain de jeu. En 2018, le danseur givernois inaugure « Picorette », un foodtruck unique en France. « Je pense à toute cette jeune génération pour démocratiser la cuisine, de la streetfood ambitieuse pour manger bon et pas cher ».
Début juin 2019, la production de Top Chef rappelle l’homme de médias (Midi en France, Télématin, le Village préféré des Français). « J’étais heureux de concrétiser un rêve devenu inaccessible. Je voulais tout casser, il ne fallait pas que je me loupe. Hélène DARROZE m’a appris à construire une histoire, c’est une maman de la cuisine familiale, la mère nourricière du Sud-ouest. Elle m’a permis de ne plus être timide, d’aller plus loin, de m’affirmer. Stéphanie LE QUELLEC m’a donné la rigueur et une technicité époustouflante. Pierre GAGNAIRE, alchimiste de génie, m’a impressionné par son identité unique ».
Le 17 juin 2020, le musicien amateur remporte la Saison 11 du concours. « Je recherche la consécration mais la reconnaissance de mes parents me suffit, j’ai simplement besoin de partager ». Le 21 janvier 2020, le chef de la Mare aux Oiseaux lui cédait le Jardin des Plumes. Son écriture stabilisée dans un savoureux mélange entre des ancrages forts et de désaltérantes altérités, le youtubeur s’épanouit dans une cuisine de circumnavigation à travers la planète, Asie notamment, mais aussi de rencontres avec des petits producteurs locaux.
Le souffle émane d’aspirations de proximité et d’envolées vers un ailleurs : « Je suis un cuisinier normand. J’utilise la pomme, le beurre, le lait, pas l’huile d’olive ». De sa mère peintre, il a hérité le sens de l’esthétique : « Mes plats forment des tableaux. Dans une cuisine artistique, tous les plats naissent des dessins, des croquis, des mises en scène. Je pars d’un producteur, d’un échange avec un produit au cœur de la saisonnalité. Des mots-clefs viennent sur le papier, c’est une alchimie qui se déplace et s’assemble ».
Le cornichon du maraîcher se pelotonne dans la moutarde du Vexin, en présence éminente d’une langue de bœuf fumée et d’une vinaigrette de pomme de terre. La betterave en carpaccio danse le ceviche raisin-raifort. La chair délicate et giboyeuse de l’araignée de mer s’entiche d’un ravioli à l’encre de seiche adoubé par des tagliatelles d’encornet au combava. Le turbo côtier de petite pêche confit à la cire d’abeille éclaire le coing, la noisette et les épices marocaines. Le veau doucement rôti en feuille de figuier à la cocotte escorte les champignons des bois et la figue.
Le Camembert de Normandie monté en mousse légère transfigure la fameuse pâte molle à croûte fleurie. Le rosier de pomme ceint d’un caramel de cidre orne la crème crue fermière et son feuilleté. « Manger au restaurant aujourd’hui c’est venir voir une pièce de théâtre, un opéra qui fait exister une histoire et une géographie ».