Christophe MONTAUD, Chef sommelier, Domaine de Châteauvieux

FABIEN NÈGRE
Tourangeau virevoltant, discret jocondien international, -France, Suisse, Etats-Unis-, formateur partageux à l’Ecole du Goût Paris/Escoffier, Membre du Jury au Mondial du Pinot Noir, Christophe MONTAUD maîtrise les éphémérides infinies des crus et l’immense profondeur des esprits pour illuminer le Domaine de Châteauvieux, Maison unique dans l’art de la réception, toujours en mouvement vers la renaissance de la tradition.  
 
En 1969, à Joué-les-Tours déboule un curieux de tous les éclats du monde. Le grand-père maternel taille ses vignes tourangelles mais produit un vin « moyen ». Les parents, d’extraction modeste, mère coiffeuse, père ouvrier chez Air Liquide, transmettent des valeurs fortes à leur fils qui n’aime rien tant que badiner avec ses copains. A la table de la maison, la première goute de jus de raisin fermenté vient aux lèvres, très tôt, vers 9 ans, du paternel dordognais, qui connaît sa cave, la ferme et les vignes. La mère cuisine simplement bon.
 
Au sortir du brevet des collèges, en 1984, l’adolescent s’engage dans la production, attaque un BEP/CAP de génie civil pour la préfabrication des éléments en béton armé. En 1986, l’apprenti véloce « Aux Tuffeaux », retourne aux magnums. L’année suivante, l’élève qui considère l’école comme « temps perdu » lors même qu’il passera sa vie à apprendre, obtient tout de même son CAP employé de restaurant en candidat libre. En 1988, il valide son CAP « Mention Complémentaire » Sommelier au Tonnelé, restaurant pédagogique du CFA tourangeau.
 
Autant fasciné par son professeur Monsieur Lepinay que par la figure charismatique du maître sommelier Charles-André Charrier, alors chef sommelier de Jean Bardet**, à Tours, qui lui enseignent les prestigieux domaines, les simples « vins de soif » ou les « vins de copains ». Le commis sommelier qui se qualifie aujourd’hui de « nomade sédentarisé » effectue son Armée de l’air à Saint-Dizier, contrée du géant des crèmes glacées MIKO, joue son tour de chauffe dans les établissements environnants : Hôtel de l’Espace à Joué-lès-Tours, Golf de Touraine à Ballan-Miré.
 
Autre voyage dans l’épaisseur du réel ; il charbonne une année dans une usine de Tupperware, à la chaîne, de nuit. Il s’essaie, par ailleurs, aux saisons. Au Château Eza*, à Èze non loin de Nice, entouré du maître d’hôtel Patrick Millera, du sidérant double étoilé Dominique Le Stanc, reconverti aujourd’hui, à la Mérinda, dans l’exquise pissaladière, l’aspirant de la carafe choisit le Cerf** à Marlenheim, pour la partie hivernale. En 1995, le futur membre du Jury Terravins prend son premier poste de Maître d’Hôtel Chef Sommelier, chez Michel Trama, à l’Aubergade**, à Puymirol. Le futur Habanos Sommelier Junior chez INTERTABAK AG, apprend à dialogue avec un personnage.  
 
Deux ans plus tard, le voyageur célère débarque au même titre, à l’Hôtel Blantyre, dans la charmante petite ville de Lenox, comté de Berkshire au Massachusetts. Il y perfectionne son anglais, emmagasine toutes les différences, de cuisine, de mentalité, de produits dans un pays énergique. En 1998, le lutin chef sommelier bondissant connaît sa première approche des vins suisses chez Roland Pierroz*, dans l’Hôtel Rosalp, à Verbier. En 2000, ravitaillé par cette merveilleuse découverte, le manager de restaurant renoue avec la solarité vauclusienne à La Petite Maison*, à Cucuron, avec le chef Michel Mehdi.
 
Il se fait plaisir dans la meilleure auberge de l’année avec les vins de la Vallée du Rhône. En 2001, de retour dans sa Suisse bien aimée, l’électron libre original qui veut tout connaître, toujours ferme et plastique, retenu et affable, gagne La Table*, au Lausanne Palace. Dans ce nouvel horizon, il architecture le livre de cave avec une cuisine différente, moins artisanale. Il s’emploie à une autre politique de gestion avec son service des achats. Afin de retrouver un lien direct avec un grand chef, pendant quatre ans, il accepte la proposition de Philippe Rochat au titre de Chef sommelier du célèbre restaurant de l’Hôtel de Ville***, à Crissier.
 
Gouvernant avec ductilité les 70 000 joyaux du cellier,    inassouvi des savoirs de cave et des accords, dans cette « maison de cuisiniers et de passage de relais » unique au monde, l’alerte formateur à l’école du goût Ritz Escoffier Paris s’échappe, en 2006, à l’Espadon*, dans l’Hôtel Ritz où il fait la connaissance de Michel Roth, gentil et disponible, professionnel et calme : « Le ronronnement me fatigue. Quand je n’apporte plus rien, je pars car j’aime appendre. Il faut me nourrir. J’accumule des informations ».
 
En 2007, l’échanson volant qui fuit tout ennui, retourne aux Etats-Unis en Manager Chef Sommelier de l’Ortolan* où Christophe Emé, dans le Top 10 des Meilleurs Chefs US, à Los Angeles, soigne son suprême de poulet cuit dans une croûte d’argile à briser au marteau, choisit sa vaisselle, originale et précieuse, tel un grand couturier ses tissus. Là, l’attachant taquin se concentre sur les vins ligériens qu’affectionne le Chef. En 2008, l’agile amateur de polars nordiques s’amarre sur le toit du monde de l’art culinaire.
 
Le sommelier de French Laundry***, chez Thomas Keller, à Yountville, dans la Baie de Californie, prise peu le « dogmatisme » du double meilleur chef du monde 2003 et 2004 selon la revue londonienne Restaurant. Alors qu’il dessine la nouvelle carte de La Voile, brasserie française bien connue à Boston, Benoît Violier l’exhorte à revenir à Crissier en 2009 : « Une maison éternelle ». En 2010, Philippe CHEVRIER** lui accorde une liberté de mouvement totale au Domaine de Châteauvieux. En 2015, le directeur de salle du restaurant « Chez Philippe » sature, explose sous la pression mais ne regrette rien de l’expérience du volume.     
  
En 2016, le responsable vins et spiritueux de House of Grauer, à Genève, pénètre dans le monde du cigare et de l’organisation d’évènements autour du havane : « Le cigare c’est le temps de la parenthèse accordée, un compagnon avec soi-même, une méditation. Le vin est un voyage. Les parfums vous emportent plus que le goût. C’est une histoire, un échange qui devient une œuvre d’art avec le temps. C’est un produit différent chaque année. Un grand vin diffère d’une grande étiquette mais les spiritueux présentent bien plus d’évolution, de profondeur ».
 
En 2022, Directeur du bar à vin du Caveau de Bacchus, la référence genevoise spécialisée en grands crus, champagnes et spiritueux tout format, auprès du maître des lieux, Vincent Debergé, ancien directeur et sommelier du Chat Botté au Beau Rivage, se dote encore d’une autre facette du rôle. En 2023, il retourne dans le sud phocéen cette fois-ci, au Petit Nice***, chez Gérald Passedat, dans « une grande maison magique, magnifique par son lieu et son équipe ».
      
Depuis 2024, le Chef Sommelier change pour une roche familière qu’il ne quittera peut-être plus : le Domaine de Châteauvieux, ce havre de joie en aplomb du vignoble de Satigny. Depuis son arrivée, il s’attache à réduire les références qui ne tournent pas pour augmenter la profondeur du stock sur moins d’appellations, créer une carte des vins vivante et évolutive. La recherche des vieux spiritueux se poursuit : « par-delà les étiquettes et les marques, d’autres produits fabuleux existent dans un monde qui bouge vite. Nous aimons les cognacs, les bas-armagnacs, l’abricot, la poire ou les vieilles absinthes. Je souhaite devenir plus précis, plus pointu sur les raretés très anciennes à découvrir. Les Martinis rouges des années 70, par exemple, c’est un autre monde d’équilibre. Nous approfondissons la carte des vins suisses. Nous étêtons pour les whiskys d’à-côté, les eaux de vie blanches, les Marcs. Ouvert sur les vrais produits, j’accorde une grande téquila ou un mezcal avec des poissons. Je veux laisser un outil de travail propre et surtout maniable loin des grandes caves de stockage ».      

Photo Marc Ninghetto

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