Le changement de chef de ce restaurant aurait pu passer inaperçu si des blogueurs gastronomes du dimanche n’avaient pas vendu la mèche. Les commentaires dithyrambiques et hautement philosophiques du style « hum !!!! », « ouah, ça donne faim », « youpi » « quand est-ce qu’on mange ? » pouvaient laisser présager que le détour par cette rue sans vie pouvait valoir le coup. Espoirs envolés et on s’en doutait un peu.
Il a de l’allure ce Fief avec sa belle terrasse entourée d’arbres et cet espace impressionnant façon loft. Belle hauteur sous plafond, grandes baies vitrées, bar en tôle patinée, un espace fauteuils Club pour boire un café et un petit coin boutique où les maîtresses de maison vendent leurs coups de cœur, des bijoux notamment.
Voiturier, accueil souriant, hôtesse charmante, musique douce, restaurant où le noir est décliné dans toutes ses nuances, lumières tamisées, la soirée débutait sous les meilleurs auspices. Puis, tout se gâte, quand l’assiette de foie gras au Pop Corn et sa gelée de vodka atterrit sur la table voisine, une assiette qui ressemble vaguement au fameux bloubi boulga de notre regretté Casimir. Pire, le vin choisi par ce palais en berne, un Château Pavie Saint-Emilion 1988 à 270 € le flacon, excusez du peu. Pop Corn, foie gras, vodka avec un Saint-Emilion, cherchez l’erreur. Soyons beau joueur et acceptons l’adage qui veut que les goûts et les couleurs, ça ne se discute pas. Il y a pourtant des associations qui laissent perplexe, qui semblent ne répondre à aucune logique comme cette tempura de grosse langoustine mariée à un chutney de tomates. En bouche, le divorce ne se fait pas attendre.
Rien ni personne ne semble pouvoir faire quelque chose pour le 25 quai de la Tournelle. L’adresse serait-elle maléfique ? Y aurait-il un diable au-dessus des fourneaux qui empêcherait les chefs de s’exprimer pleinement, de nous proposer une cuisine vive, enjouée, dans l’air du temps ? Avec l’arrivée des Ronchons, énième changement d’enseigne, nous avions le secret espoir que tout allait changer, que cette adresse allait enfin retrouver de sa superbe comme à la grande époque de Patrick Jeoffroy. Espoir déçu.
Le Barfly a fermé ". " Ah bon, quelle bonne nouvelle. Et c’est remplacé par quoi ? Une banque, une agence immobilière , un hôtel ? "." Non, un restaurant, le Bound, ce qui étymologiquement veut dire, borne ou limite ". Je confirme, limite est tout à fait approprié à ce nouveau temple de la cuisine hors de prix (12 € le cœur de laitue " extra " avec de l’huile d’olive citron, 7 € l’assiette de purée) qui nous balance un concept vu et revu.
Vous déposez le bilan bientôt ? s’interroge une dame venue dîner avec son compagnon. " Non, habituelle- ment c’est complet mais là ce soir, je ne sais pas ce qu’il se passe " lui rétorque la serveuse. Ambiance. En tout et pour tout, 4 couverts ce soir-là. La dame inquiète pour les finances de la maison, son compagnon, ma pomme et mon invité. Dans une salle de 75 couverts, c’est étrange. Ca l’est encore plus quand la serveuse vous indique qu’elle vous a placé à cette table. " C'est-à-dire, que l’on peut se mettre où on veut non ? " pensais-je en jetant un regard sur le carnet de réservation où seul mon nom d’emprunt apparaissait à la page du jour.
Ca c'est concept ! Plus concept, y'a pas : Manger comme un aveugle. Je vous préviens tout de suite que je suis de parti pris, pas du tout objectif puisque je ne suis pas allé dans cet endroit et que je refuse d'y aller. Car Dans le Noir n'est pas un restaurant et ça ne peux pas en être un ... Lorsque les "bonnes idées marketing" remplacent les valeurs, il faut commencer à résister ...
Quoi, tu n’as jamais mangé chez Chartier ? Mon interlocuteur n’en revenait pas. J’en avais rêvé mais l’occasion ne s’était jamais présentée. Quelques minutes plus tard, j’étais dans la file d’attente de ce bouillon de 1896. Devant moi, une dizaine d’allemands et derrière une poignée de japonais. Dix minutes suffisent pour pousser la porte à tambour et se faire accueillir comme un chien dans un jeu de quilles.
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