Par Ludovic Bischoff
On a tous envie de se frotter à un mythe. Et dans le genre, le Lutetia se pose là! Premier palace de la rive gauche parisienne au début du 20ème siècle, le Lutetia a traversé l'Histoire avec majesté. Lorsque l'on a appris qu'il allait rouvrir, après une lourde rénovation confiée à l’architecte Jean-Michel Wilmotte, on a eu du mal à cacher notre impatience. Depuis quelques mois, c'est chose faite et le Lutetia a retrouvé son lustre. Il était donc grand temps d'aller voir ce qui se cache dans ses cuisines!
Le Lutetia nouvelle version propose une brasserie ouverte sur la rue et un restaurant qui se veut plus gastronomique, Le Saint-Germain. C'est lui que nous avons testé. Première surprise, la salle n'est pas conventionnelle pour une table que l'on présente comme «la» table du palace. Comprenez que l'on se croirait plutôt dans un lobby que dans une salle de restaurant feutrée.
Car c'est dans l'ancien jardin d'hiver de l'hôtel que Le Saint-Germain s'est installé. Sous une verrière décorée par une fresque disons, «enfantine», de l'artiste Fabrice Hyber, on y trouve des canapé et des fauteuils bas devant des tables elles aussi assez basses. On s'attendrait un déguster une carte de tapas et autres petites bouchées «finger food» dans cette salle qui ressemble plus à un salon de thé. Mais non, c'est bien de cuisine dont il s'agit. Avec assiettes, couverts, verres à pieds... L'intention était-elle de casser les codes? Si c'était le cas, c'est réussi.
On y découvre une carte plutôt courte, aux accents d'Asie concoctée par le chef Benjamin Brial qui sort des assiettes très bien mise en scène. Les gourmets instagrameurs seront aux anges, les assiettes sont très photogéniques. Mais sinon? Le foie gras au poivre de Sarawak est relevé comme il faut. Le thon rouge en tartare sur avocat est attendu, pas déboussolant, mais honnête. Il arrive pourtant un peu trop frais. Et, là, on commence à entrevoir le point faible de cette cuisine: elle est fabriquée par une brigade qui envoie aussi bien du club sandwich que des plats plus complexes dans une cuisine un peu éloignée.
Et le personnel de salle a d'ailleurs bien du mérite à se battre contre la belle mais très lourde porte qui s'ouvre si lentement pour rejoindre les cuisines. Bref, on a ici soigné le décor, peut-être un peu au détriment du travail des cuisiniers et du personnel de salle qui doivent s'adapter...
En résulte des petits défauts, comme un thon trop vite sorti du frigo. Ou des filets de sole meunière trop cuits, trop secs, pas assez chauds. Un plat un poil décevant. Le bar servit avec des petits pois à la française, pomelo thaï et menthe s'en sort mieux même si les petits pois l'emportent sur les saveurs marines.
Côté dessert, la sphère en chocolat fait «le job» mais il s'agit là aussi d'un dessert «tout prêt à servir», comme le baba au vieux rhum. Honnête mais on attendait une cuisine plus «minute» et permettant de mieux juger les talents du chef que ces plats qui manquent un peu de relief. Ils seraient servit dans un resto parisien lambda, on serait aux anges. Mais dans un palace iconique comme le Lutetia, à des tarifs plutôt élevés (30 euros l'entrée, 40 euros le plat, 20 euros le dessert), on est un peu déçu...
Reste que l'endroit est magnifique. Et que pour impressionner une belle ou un client, cela fera l'affaire. On espère juste qu'avec le temps, le chef saura un peu plus imposer sa cuisine et sa vision pour délivrer des plats vraiment à la hauteur de la réputation du lieu...
Le Saint-Germain est ouvert tous les jours de 12h à 23h.
Photos :1 : La salle du Saint-Germain au Lutetia - 2 : Foie gras et poivre de Sarawak - 3 : Filets de sole meunière - 4 : Sphère au chocolat - 5 : Le chef Benjamin Brial (par Eric Mercier).
Le Lutetia
45, Boulevard Raspail - 75006 Paris