Une mère passionnée par les arts de bouche, un oncle restaurateur à la tête d’une belle affaire dans le Nord Pas de Calais (Auberge du Donjon à Ohlain), une grand-mère maternelle vénérant le civet de sa ferme; Nicolas MASSE sait la marmite sans les casseroles. Les séjours dominicaux de l’enfance devant le poêle de l’oncle ne le convainquent toutefois pas immédiatement. Entouré par le produit, il ne désire pas épouser pour autant la cuisine. De fil en anguille, l’apprentissage deauvillois, au Casino, en 1990, malgré la rugosité des brigades replètes de cinquantenaires pansus, la fin d’une historicité, le conquiert. Bricoleur sur bois plus que manuel du geste, convaincu plus que persuadé, le Chef du Loréamar emporte de belles rencontres. Les heureux parents poussent le gamin majeur vers l’oncle modèle, précipitant l’intensité gustative. Avec l’armée à Deauville, les passages prestigieux au Landmark londonien (1999), à la varoise Villa Belrose, toutes les étapes peaufinent le style libre.
Ancrée dans un paysage, attaché au terrain basque, Nicolas MASSE valorise la région, ces gens, leur culture spécifique. Il met à l’honneur le mélange de la montagne, des terres et des mers. Sa réflexion sur leur narration inspire tous ses plats. Le boudin sauvage de Christian PARRA lui parle autant que les petits légumes biologiques du potager de Monsieur GARBAGE. L’horizon marin des embruns encastre l’ouverture du caractère. L’environnement, lato sensu, aubaine de vitalité, induit des échanges franco-espagnols à l’image du jambon sec ibérique pata negra joselito de Salamanque ou bien celui des Aldudes du grand modeste Pierre OTEIZA. Surprendre par des formes de simplicité, amuser par des vecteurs d’originalité esthétique où les saveurs jamais dénaturées, survivent, prioritaires. Fier de sa matière et de sa manière, ce pointilleux calme et doux, ne joue pas avec l’image mais s’attache aux visuels. Dans un pays difficile, isolé, il prône une liberté de pensée, une soif de discussion avec son pâtissier, Philippe PEREIRA, pour une continuité menu-carte.
L’écoute efface la technique, la création hèle la malice des jeux de ruptures, le sens précis du plat, la décomposition des textures. La succulence recherche sans cesse des mélanges rehaussés, une bonne mâche entrelardée de croustillant ou de croquant. Amateur de garde-temps, raffiné, disponible, chez Nicolas MASSE, le confort du topos transcende le logos. Dans un « grand hôtel » balnéaire de la Belle Epoque à l’élégant mobilier et aux équipements actuels (Spa Haut de gamme), face à la mer, Nicolas MASSE, pondéré normand cherbourgeois, dégage la cuisine étoilée du ROSEWOOD. Enlaçant les paysages avec l’immensité des produits, dans un souci équilibré et diététique, le beau gosse luzien fertilise son style virtuose en réinterprétant la profondeur du terroir.
Depuis son beau macaron, il appréhende les procédures différentielles de l’adaptation multifactorielle. Somme toute, il écoute précieusement sa clientèle en conservant son libre-arbitre car sa cuisine lui plait sans complaire. La santé des convives le préoccupe autant que la généalogie des productions. Dans l’effort sibyllin de la difficulté de faire simple, il se concentre sur le goût du vrai, la puissante fadeur des odeurs.
A la tête d’une équipe éprise du travail autour du vignoble (10 personnes en salle, 10 en cuisine), féru de son entourage, il dispose le produit pour passer le message. Oser bousculer, se lâcher. Extraire, risquer. Elaguer l’assiette, sereinement. Nicolas MASSE amuse les papilles dans l’aboutissement, maîtrise les évolutions. Saint-Pierre, boudin noir. La nostalgie des choses élémentaires. Porc Basque et Kokotxas (joues de morues fraîches). Les délices du quotidien, madeleines et gaufres au petit-déjeuner, se transforment en reflex de beauté. Respectueux des approches d’altérité asiatiques à la William LEDEUIL, sa seule source d’inspiration survient de l’énergie du plat, l’idée d’une sensation unique. Emu, posé, il a souvenance de la violence d’une pomme de terre cuite, endormie dans l’argile chez MUGARITZ. Il s’arrête sur « la fraction de seconde qui perdure infiniment dans la tête ».
Un plat se monte presque instantanément, à l’instar d’un shooting de photos, se faisant, en cuisinant. Le chipiron adoube le jambon. Articuler des flaveurs et partir sur des bonnes pistes. La création mentale corrobore la pratique de la recette. Simplicité chirurgicale, perfectionnisme, Nicolas MASSE s’efface derrière sa manière. Dans l’éphémère, les fondamentaux reviennent comme des fantômes. Jus ou réduction, il n’oublie pas le bon carré d’agneau à la broche. En pointillé mais au milieu, sur de lui, il recherche une gastronomie discrète, réservée, qui surprend la tristesse. Fou des folies de la matière, il ne s’engouffre par dans la différence absolue ou la nostalgie de l’unicité. Il travaille en tailleur de pierres, en constructeur d’émotions, vers l’aboutissement qui n’aboutit jamais. La joie de la rôtisserie, le régal du rôti.
Ce portrait a été réalisé a l'époque où le chef Nicolas Masse dirigeait les cuisines du Grand Hôtel
43 , boulevard Thiers - 64500 Saint-Jean-de Luz - Tel : 05 59 26 35 36