Une famille brestoise de goût voit naître Yoann CONTE en 1974. « Ambiance charcuterie ». Le père, ex-commando armée, diplômé d’un BTH formation sommellerie, Chef à « La brasserie des sports » de Dombasle-sur-Meurthe (54), jouit de toutes les formes de convivialité. La maman, artiste photographe, navigue en « milieu de bouche » : rissoles lorraines, pâtés de lièvre, choucroutes, faisans endormis au grenier. Luxe, classe et voluptés d’argenterie. Des grands-mères, « cuisinières fabuleuses » hissent les rêves du gosse avec des poissons sauce vin blanc. Cette jeunesse lunévilloise, jusqu’à 10 ans, ne suscite pourtant point de vocation : « Je ne voulais pas devenir chef mais agriculteur ou vétérinaire ». Face aux accidents de vie du ménage, Yoann CONTE rejoint la Bretagne, chez sa mère-grand.
Là, à Dignoles, l’apprenti paysan sait toutes les marques de tracteurs, découvre la symphonie fantastique du foin, la traite pastorale des bêtes, la coupe vertébrale du jambon fermier. CM1 : décrochage. « L’école : un drame hors de l’esprit cuisine ». En 1986, à Chamonix, avec ses parents, dans un Chalet, sportif perturbé, adolescent à fleur de peau, turbulent fuyant la fibre de l’apprentissage, le futur étoilé annécien se lie d’amitié avec la réceptionniste hollandaise qui part vivre aux US. Cette grande sœur lui ouvrira Miami. A 13 ans, sculpteur de margarine aux calques, notre manuel taquine le saumon en Bellevue. Le marmiton finance ses voyages en travaillant dans la cuisine de son père. Il vibre pour le film «Ratatouille».
« Les cuisiniers : des pirates libres, des corsaires, des flibustiers. Un temps sur 24 heures. Nous mordons dans la nuit ». Notre handballeur de compétition se brûle au vif du service, se régale de la satisfaction des regards, du pouvoir de la brasserie. « A 14 ans, je tenais ma clientèle. Je faisais du manger. La carotte pour passer toutes mes vacances à Miami. Le rêve : les séries, le Général Lee, les paysages ». Notre américain charge le « système scolaire français inadapté, encore sous Louis XIV ». Or, un professeur repère « l’enfant visuel », « le garçon terre à terre » puis l’oriente. Monsieur DAZA, homme du sud au pays des bonhommes de neige, ancien du Martinez et du Négresco, encourage l’impétrant. Un déclic. Le 1er octobre 1990, le futur Chef du « Contresens », propriété de Laurent PETIT**, intègre l’excellente Ecole Hôtelière de Thonon-les-Bains.
« Je travaille dur, mes parents se saignent ». Monsieur GIUSTI, un maître des fonds, le remarque. « J’étais en avance, premier de la classe à 16 ans. Je sculptai des roses avec la peau de la tomate. Je manageai tous les élèves. Leader Yoann ». Le « crâneur à la quiche du pêcheur » effectue son premier stage chez Bruno CIRINO, au Château de la Chèvre d’Or**, à Eze (06). Vue sur mer, taille de ratatouille, notre fier « commis aux viandes » bouscule les échelons. A 18 ans, il passe trois années chez le monstre VEYRAT**. Enquête paradigmatique. « J’avais besoin d’être cassé, brisé ». En 1995, « l’homme aux lunettes et chapeau noirs » obtient la consécration suprême avant son fameux 20/20 GaultMillau en 2000; notre quartier maître première classe, à l’armée dans la marine brestoise, sur l’Andromède, voyage à Riga et Copenhague.
Le 16 mai 2010, le chef, père de la petite Eileen, «Eclat de soleil» en breton, reprend le flambeau avec une première étoile. «Je laisse l’inimaginable arriver». Notre jeune homme au parcours de jolis noms (FITZ Roy Hôtel Valthorens, propriété de la Famille LOUBET, DUCASSE, MARX, ELLENA au temps des Crayères), s’avoue loin de la capitale par souci de vérité : « Je n’aime pas Paris, je déteste l’esprit parisien. La vie de Palace ne forme aucune finalité. Avec Marc VEYRAT, j’ai appris la cuisine de l’environnement, des goûts autres, l’amande amère, les écrevisses, la reine des près. Une simplicité bouleversante. Une raviole de carotte. Des émotions telluriques. Un ris de veau fumé dans une cocotte, épicée au genévrier ».
Sur la table, Yoann CONTE dépose des infusions d’écorce afin de laisser « la part de free-style » dans la vie comme dans la cuisine. « Des recréations : l’omble au miel de sapin, une tuile à l’orange, un vacherin au romarin, une pomme maxime rectangulaire, un lard italien ». Floral, suave, humble. « Reprendre et rompre ». A 35 ans, la belle expérience gustative commence. Simple, brute, nature. Un repas comme une expérience totale. Préliminaires, passage à l’acte, mignardises. « Mes clients, s’émeuvent d’un plat à un niveau surprenant ». Sans extrapoler, simplifier pour passer un beau moment avec un service décomplexé auquel le chef participe. Briser l’élitisme de l’enseigne dans la proximité de la montagne. Un tremplin osé pour créer une histoire. « Tout se pense y compris le travail avec le froid de l’hiver ».
Un vol au vent, papillon de nuit de la dynamique festive. Une clientèle jeune qui revient. Foin des billes d’azote, paysages de cuisine entrelacés, une modestie de la modernité. Des œufs sauvages, du tiramisu amaretto, une pâte Thaïe déglacée au vinaigre de champagne. Radieux, notre homme, de décrire sa journée du siècle en substance d’hallucination : « Je déjeunais chez mon ami Jean Sulpice, je skiai après, à moitié pété. J’aime le poisson qui incarne mes origines bretonnes, mais je vis en viandard, une bonne côte de giulietta à la braise avec des pommes de terre à la graisse d’oie en pomme banane avec de la moelle dessus à la Michel GUERARD me transporte dans un autre monde». Le lapin à la mélisse et au citron roule dans le serpolet de montagne, sauge, sarriette. Racines d’humanité.