PORTRAIT DE CHEF
Gérald GARCIA

Par Fabien Nègre

Dans un château médiéval audois, à la douce campagne cathare chaurienne, Gérald GARCIA, gentil énergique, franc funambule, indocile épanoui, convainc par un subtil geste assuré d’amour filial, entre ancrage identitaire affirmé et vision catalane ouverte à la transmission de la fraîcheur enlevée du lendemain afin que la simplicité demeure l’ultime expression de l’éclat.  

Affleure à la surface des roses, le 30 juillet 1972, un vaillant mousquetaire de la cité des violettes, «né dedans». Le versant pour les valeurs, l’attention aux autres, la rectitude de vie, autant de calmes politesses héritées d’un père horloger de la mandoline. L’école privée «Saint-Jude», à Saint-Sernin, entame, l’ennui rétame. «J’étais une grosse turne». A 12 ans, l’enfant débonnaire scrute la geste paternelle, au «Méchant Loup», un cabaret légendaire de la cité mondine.



L’émotion de l’obsessionnel gourmand s’origine tout de suite, non pas dans un mets singulier mais dans la fréquentation assidue des grandes tables en compagnie parentale : «Je me souviens du CHANTECLERC, en Lozère, un deux étoiles. C’était la grande découverte de la gastronomie, la fêtes des petits plats, un raffinement inégalé et des saveurs qui explosent en bouche». Avec les grands-parents biterrois, des deux côtés, les grillades de sardines aux sarments de vigne et les «cargolades atomiques» goûtées avec les doigts, escortées d’un aïoli minute, dessinent d’inoubliables leçons de civilisation.



Sur le tard, à 43 ans, en 1985, après de belles années dans les grandes maisons de la patrie de la saucisse où il force l’obligeance de ses pairs, Dominique TOULOUSY ou Lucien VANEL, Monsieur GARCIA senior finit par s’établir dans une petite halle baptisée «L’Attila», sur le couru et cossu «Marché Victor-Hugo», pour ne dresser que du poisson. Aux clairs matins, le gamin au caractère volcanique, prête mainforte à son protecteur pour les «mises en place».



L’adolescent véloce, dès l’apprentissage épousé en 1986, «Aux Jardins de l’Opéra», double étoilé mais rude maison aux 55 commis, ambitionne un horizon d’installation, à «son propre compte», pour «faire de la gastronomie». La mère manipule aussi la marguerite avec dextérité. Elle le propulse dans la profondeur de l’objet : stage à la poissonnerie «Belou», séjour chez un boucher-charcutier renommé. «Je n’étais rien mais je connaissais mon sujet, mon père voulait que je touche la matière première».



En 1987, l’apprenti avancé dont le seul pêché relève trop souvent de l’excès de modestie, trace son envol pour se hisser dans la cour des grands, sous les feux de Jean-Pierre DELSOL, au restaurant «LE CLUB», sur la route d'Albi, à Garidech. Dans cette demeure à taille humaine et réduite, aux produits simples et bons, Gérald GARCIA avoue «se trouver au bon moment au bon endroit. J’avais un désir de maisons ascendantes pour échanger, apprendre».



Se frotter au monde de l’excellence et faire gagner des consécrations : deux précieux défis. Claude TAFFARELLO, à l’Auberge du Poids Public, à Saint-Félix-Lauragais, maintient son acquis. Les sœurs FAGEGALTIER, au «Vieux Pont», à Belcastel, se distinguent. Régis MARCON, à la même période, «très à l’écoute des idées de ses jeunes chefs», passe de la reconnaissance aux cimes. Ferran ADRIA atteint son apogée. «Il a donné un coup de pied au cul à la cuisine française».



Gérald GARCIA, puissant de cette mosaïque d’expériences, arrive au «Château de Mercues», avec Philippe COMBE, en 1988. L’étoile conservée, il se voit proposer le poste de second, en 1989. Cette fulgurante trajectoire se brisera par un violent accident de moto en revenant de son examen de CAP passé à Blagnac. Il en sortira grandi, un regard neuf et différent sur l’existence. Le possible second d’un triple étoilé, Michel BRAS notamment, ou d’un grand palace parisien, passera, deux ans en convalescence, à sa majorité. Au centre de rééducation longue, il reprend goût à la cuisine.



Rétabli, près à croquer la vie, le «Cantou», à Toulouse, une maison bourgeoise au parc ombragé et fleuri, l’accueille. Le volume prime alors avec la belle clientèle d’Airbus. A 21 ans, il découvre l’Hostellerie de la Pomarède, une concession de mairie, comme un secret. A 24 ans, le plus jeune chef-propriétaire installé de France, toutes armes forgées, dès l’ouverture, vise le firmament. En 2002, l’étoile brille. Ses parents ferment leur petit restaurant toulousain en 2003. Après quatorze années étoilées, le jeune papa enthousiaste, envisage un autre palier avec une équipe au sang neuf.



En souriant, il confie, pince-sans-rire : «Le cassoulet, on se doit de le faire bon, même l’été, froid ou glacé». Ebloui par les frères ROCA à Gérone, la simplicité faite noblesse, le jeune éternel renaissant de 43 ans, en prise réjouie avec ses visiteurs et les lumières vives de son paysage, s’épanouit dans son métier : «Je veux une cuisine simple et bonne, une façon de trouver la simplicité en modernisant des vieux plats». L’ancien révolté en échec scolaire a bien gagné sa revanche sur la vie.



Créatif, raffiné, ancré dans une identité régionale forte, le style du descendant des clermontois venus vendanger dans l’Hérault depuis 1700, relance, par pur plaisir, des aboutissements œuvrés du terroir, pour transmettre une manière de vivre. Descriptible, savoureux, sans pédanterie, la main de l’ancien pâtissier répond à ses origines espagnoles inconnues : une interprétation passionnée de la portion miniature, un sens de la surprise spectrale, de courtes cuissons, une spontanéité jamais mijotée. Une seule tension vibrante, la justesse.



«Être juste. La simplicité incarne la dernière expression du luxe. Le sourire et la gentillesse amènent le plat tout simplement. Nous avons oublié nos métiers de service». Avec son épouse Marjorie, cariatide tranquillisante qui importe plus que tout, diplômée de l’école hôtelière de Talence, le créateur sans cesse en proie au doute retourne «au bercail». Ils déploient des idées, de concert, en résonance. «L’inspiration spontanée me guide. Quand je me promène dans les bois, des flashs d’odeurs et de souvenirs me submergent».



Avec «la Tête de Moine, pain aux cranberries, gel gingembre», nul ne pourra jamais se perdre dans l’oubliette du Château. Des flaveurs aux fragrances, le chef de l’Hostellerie cultive l’art de ciseler le temps tel un écobuage sous les nuages, dans un jardin du délice, entre patience de la vitole et méditations autour des grands bas-armagnacs. Il fait très bon vivre à la Pomarède.


 
 

HOSTELLERIE DE LA POMAREDE GERALD GARCIA

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