PORTRAIT DE CHEF
Francesco FEZZA

Par Fabien Nègre
  • Le chef Francesco Fezza
  • La Traboule Saint-Jacques
  • La Traboule cannelloni de homard
  • La Traboule ris de veau
  • Restaurant La Traboule

Franc nucerin, vibrant ducassien tissé aux étoilés cisalpins, Francesco FEZZA, dans une dextre fluidité napolitaine du sentiment iodé, énonce des sources modestes étreintes d’une condimentation nipponne.    

Entre Naples et Salerne, dans le village antique de Nocera Inferiore, en Campanie, filtre, le 11 septembre 1994, un gnard incandescent à deux envolées du rivage. L’emprise de la brise embaume la maison de famille, acmé de toute une existence. Le bambino ne pousse pas avec ses parents. Le père, boucher sévère du barrio, s’abîme à la tâche. La mama couturière dans la mode itou. Tantôt, le fourneau à bois de sa grand-mère paternelle l’envoûte. Ce personnage de desseins animés lui enseigne l’art de la conserve, de concert, champignons et violines au vif hiémal.
 
Les pâtes ennoblissent la table tous les jours de l’année. « Mes préférées, la plus pauvre, des spaghettis, ail, huile d’olive et piment. Le dimanche, après ma grasse matinée, je sentais l’odeur du ragout napolitain : trois viandes, cochon, veau et boeuf, mijotées un jour avant, peau de cochon, persil, ail, pignons de pin, roulées et attachées ». Le momillon tourne les gnocchis, joue avec les farces et attrape la forme des pâtes. Sa seconde mère boucane les poulets, traque le sanglier qu’elle dépèce allègrement.
 
« Elle concoctait des plats magnifiques : un lapin au four all’ischitana, très vieille recette issue de la cuisine traditionnelle et populaire d’Ischia, cette île située en mer Tyrrhénienne, au nord du golfe de Naples, avec des olives noires, des capres, des oignons rouges, de la sauce tomate, des abats de porc, de la fraisure de vache et du foie, marinés trois jours dans le vinaigre, le persil, l’ail, les herbes aromatiques. Elle préparait aussi des légumes de saison, choux, artichauts au barbecue farcis aux anchois accompagnés d’une farce incroyable au pain rassis ».
 
Dans ce coin déshérité où tous les vinaigriers se connaissent et tous les vignerons se reconnaissent, cette humble Italie sudiste, le blondin préfère la noblesse rêche de l’école de la rue avec ses amis éternels : « Trouve ton chemin, fais ce que tu as envie de réaliser, on sera toujours là pour toi » rassuraient les parents. A 10 ans, le numéro 11 qui attaque sport études football aspire au prochain grand stade. Le blanc-bec effervescent, fier entêté entiché d’un premier amour « sublime » fuit en école buissonnière d’électricité sur une injonction paternelle paradoxale.
 
Le turbulent passe le turbo de peur de rentrer dans la franche maçonnerie avec ses oncles maternels. Au vrai, l’art culinaire intriguait son supplément d’âme. En 2009, l’élève de l’IPSSEOA Domenico Rea, cucina e arti culinarie correlate agrippe l’airain de sa destinée. Dès l’abord, son professeur l’enchante : « totalement fou, créatif, artiste, j’avais peur de lui, de sa discipline, tous les mots et les ustensiles étaient français, mirepoix, chinois, salamandre ». Le transporté de la nouvelle manière à la Troisgros bascule en tête : « Sans cette passion, j’aurais mal tourné, la cuisine m’a sauvé même si j’y ai perdu mon adolescence ».
 
Le majeur au diplôme conquis se balance dans les brumes du réel, de la petite restauration sarde traditionnelle. Les banquets ne comportent pas de banquettes. Le premier salaire ne jauge pas bésef mais il propulse dans un brin de souveraineté pour rouler dans un premier coupé. A la Braseria, charmant établissement jonché d’oliviers de Nocera Inferiore, Francesco FEZZA passe des journées entières aux arrivages de poissons, aubergines à la parmesane, spaghettis vongole aux palourdes, babas au rhum, Delizia al limone, cette douce issue de la côte amalfitaine. La maîtrise des gambas rouges dites carabineros galvanise son esprit.    

En 2015, le commis, subjugué par les vidéos d’Alain DUCASSE, devra apprendre à désapprendre avec le Chef étoilé Giuseppe STANCIONE au TRABE, à CapoDiFiume, en Campanie. Le demi chef de partie voit le ciel vertical. Il s’exile à Bologne, patrie des pâtes où il les apprendra toutes dans le restaurant étoilé de l’Hôtel I Portici. Là, pour le récompenser de son application, le chef lui présente un maître septuagénaire qui ne fabriquait que des pâtes fraîches à la main : « J’ai tout appris sur la pâte, les typologies de tagliatelles, de raviolis, les méthodes de séchage et de cuisson ».   
 
En 2017, celui qui rêve de fouler le sol d’une brigade ducasienne déboule à Paris, bien décidé à la conquérir. Miguele FALCIANO l’appelle en sous-chef au Patio Opéra pour atteindre l’étoile. En vain. Il s’exerce une année au semi-gastronomique italien à La Cucina de Luca, Porte Maillot. Au MEURICE, auprès de Jocelyn HERLAND, il réalise enfin son vœu : « une belle formation pour se construire et comprendre la philosophie du maître, des jus de viande, de bœuf, d’agneau ou de volailles éblouissants, les meilleurs du monde, une discipline, une deuxième école dans la grande gastronomie française ». 
 
En 2018, le jeune chef de PAGES*, auprès de Ryuji TESHIMA s’approche de son propre style : des techniques de cuisson complexes, des garnitures travaillées qui font sens dans une logique de la condimentation japonaise : « J’aime les radis, les wasabis, l’assaisonnement à l’huile fumée, le vinaigre de barolo ou de pomme ». Des idées jaillissent; des inspirations sur des raviolis farcis, une méthode de sauce gourmande pointent.      
 
Depuis septembre 2022, Chef de La Traboule, le charismatique Francesco FEZZA, clair et direct, s’affirme et augmente graduellement son niveau. Sa cuisine tient tout entière dans la trame d’un touchant fil d’expériences qui l’ont également conduit aux fins fonds du pays du soleil levant. Il marie le triumvirat France-Italie-Japon, « les trois grandes gastronomies du monde », dans des plats de caractère à la belle sensibilité d’auteur : coquilles Saint-Jacques sauce oignons de roscoff, chitake ; tagliatelles de seiche œufs de harengs, citron salé, avocat; ris de veau signature, yaourt, combava, cime di rapa; cannelloni de Homard sauce homardine au vin jaune, courgettes jaunes.
 
Des situations d’humeur ou d’humour distillent cette sensation d’un jeu léger sur le légume, d’un souci profond du produit moins noble : « Mon cerveau me conduit, tout le monde peut faire de la grande cuisine avec des produits onéreux, même ma mère, un bon chef sublime et magnifie tout ».  
 

LA TRABOULE

Proche de l'avenue Matignon, le restaurant La Traboule propose une cuisine traditionnelle française de qualité, à base de produits de saison. En cuisine...

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