Rodolphe LANDEMAINE

FABIEN NÈGRE
Compagnon marennais, artiste de la viennoiserie, boulanger végétal, Rodolphe LANDEMAINE tire les rênes de ses vingt et une maisons en déroutant toutes les routines.   
Le 24 mars 1977 surgit un môme dans la cité de l’huître. Dans ce milieu modeste, la maman s’occupe de ses enfants. Le père, fils d’agriculteurs de Bagnoles-de-l’Orne, militaire de carrière, appartient à la brigade motorisée de la gendarmerie. Les grands-parents paternels possèdent une petite ferme, de 15 hectares, avec tous ses animaux, du cidre et du calvados.

L’enfance et l’adolescente se déroulent sous le signe du mouvement incessant corrélé aux mutations paternelles. Marennes et Mayenne. A 6 ans, le gosse, esprit entêté d’entrepreneur, rêve déjà d’un poste d’ingénieur des eaux et forêts pour vivre tout son temps dans « le microcosme autour de la nature ». « J’avais des parents écologistes bien avant l’heure et la mode, il n’y avait pas internet, c’était purement intuitifs, ils ne savaient même pas s’ils faisaient une bêtise ». Rien ne prédestine le leste garçon à la boulange ni aux pianos. Tout décline du plus haut des hasards.

« Je voulais devenir botaniste ». Après un baccalauréat scientifique à Pontoise, en 1993, le jeune homme évolue dans une famille où la passion de la lecture domine sans politisation. « Courageux, ils comprenaient que le système ne fonctionnerait pas même si nous n’avions pas autant d’informations écologiques sur le monde ». A sa majorité, il se lance tout à la fois dans un CAP complet (Boulanger, Pâtissier, Chocolatier, Glacier, Confiseur) au CEPROC (Centre Européen des Professions Culinaires) et un baccalauréat professionnel à l’Atelier Chocolaterie Jacques VALADON, à Ennery (95).

L’orfèvre du sacristain enchaîne par son itinéraire de Compagnon du devoir, entre Bruxelles, Reims et Paris. L’expérience des belles maisons régionales lui sied à merveille. Entre 1997 et 2004, la densité et l’intensité des pratiques démontrent un chemin d’exception. Afin de vaincre toutes les parois escarpées du métier, il goûte à l’innovation énergique des grandes maisons parisiennes de luxe. Chez LADUREE Champs-Elysées, à l’ouverture, alors cornaqué par Pierre HERME, dans une émulation hors-normes, il rencontre un maître qui mondialise le macaron.

Au BRISTOL et au LUCAS CARTON, auprès d’Éric FRECHON et Alain SENDERENS, il œuvre avec une génération de grands professionnels impeccables qui sortiront tous du lot. Chez Raynier Marchetti, il s’instruit du volume et de la logistique. A 26 ans, il rencontre le monumental Paul BOCUSE, apprend une « mentalité différente de travail » dans les brasseries du Groupe. Il se paie même le luxe de refuser un poste de professeur à l’Institut d’Écully car il s’avérait plus jeune que ses élèves.        

A 27 ans, fidèle à sa promesse de jeunesse, « apprendre un métier manuel évolutif et ouvrir un commerce de perspective », l’artisan tourrier reprend une vieille boulangerie centenaire sise au 56 rue de Clichy, là même où, en 1998, il fit son apprentissage. Ambitieux et modeste, il joint plusieurs plans séparés auparavant : pain, viennoiserie, pâtisserie, petite restauration. « Je suis un bon professionnel qui a bien appris son métier ». N’écoutez point l’humble amateur de triathlon. En 2005, le passionné du Japon se marie avec une boulangère nipponne, Yoshimi ISHIKAWA.

Le couple partage une méthodologie des affaires, une pensée des actions mais jamais aucune influence sur les produits. « Je ne veux pas tout croiser, je suis heureux de manger du matcha à Tokyo et un Paris-Brest à Lille. Notre vision, notre construction, notre imaginaire est japonais et nos produits sont typiquement français ».

En 2007, la création de la Maison LANDEMAINE remet à l’honneur la pâtisserie boulangère. « Les grands établissements et le petit boulanger du coin de la rue ne se croisent jamais. Dans ma génération, on veut moderniser la pâtisserie, sa manière d’appréhender les concepts, le café, les pains spéciaux avec des blés naturels, les sandwiches. Il y a eu une scission entre les pâtissiers qui mutent vers la boulange et les boulangers qui pâtissent ». Le fin pilote des curseurs de sa gamme prête une attention toute particulière à l’accueil. « Il faut sourire tout le temps, il peut y avoir une souffrance, je respecte infiniment mon personnel ».

Sans course au développement, le « manager participatif et structurant » complète le tableau de ses belles boutiques en toute liberté. En 2019, YUMGO forme une alternative végétale aux blancs d’œuf pour les professionnels de la pâtisserie. L’idée provient du point de blocage que constituent les œufs pour la gourmandise. « En 2017, je travaillais sur un livre de boulangerie avec Anne CAZOR, une ingénieure agronome et nous avions de gros problèmes avec les œufs ». En 2019, le convaincu « qu’une alimentation fondamentalement carnée ne pourra pas perdurer » inaugure Land&Monkeys, une boulangerie 100% végétale.

Bien au-delà de la végétalisation, ce passionné de cyclisme en pleine nature cycliste pense toutes les problématiques du commerce de détail durable au 21ème siècle : sans perte, plastique, déchets, emballage. Une clientèle ultra locale se restaure pour sa santé, réfléchit à l’impact environnemental dans la gourmandise. « J’ai des convictions personnelles profondes. J’ai adopté un mode de restauration végane à 100% » explique le patron des enseignes LANDEMAINE fervent soutien de l’association L214. « Les jeunes se tournent vers autre chose, plus sensibles à la cause animale. Je ne travaille qu’avec des blés CRC (Culture Raisonnée Contrôlée) sans insecticides, du levain naturel ».
 
Créateur d’idées nouvelles dans des enjeux mondiaux complexes, Rodolphe LANDEMAINE réinvente le monde dans son univers. « 83% des ressources halieutiques ont disparu. C’est un crime contre les océans. Les traditions nous empêchent parfois de penser ».  
 
 
 
 
 
 

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