EL BULLI …LA GRANDE ILLUSION - FERRAN ADRIA - ACTE I. - PAR VÉRONIQUE ANDRÉ


- Mais qu’est ce qui fait courir le monde des gourmets chez ce catalan fougueux ? La nouveauté, les critiques, la difficulté de pouvoir réserver une table ou encore l’assurance de l’illusion?
Chaque époque a eu ses créateurs, comme ses détracteurs, aujourd’hui, le monde entier attend comme une récompense salvatrice de pouvoir s’attabler chez le grand Ferran Adria chef de génie de « El Bulli ».



Au fond d’une crique sous des pins parasol au cœur de la Catalogne entre Cadaquès et Rosas, une auberge blanche au toit de tuiles rouges abrite la table la plus enviée du monde.

Les « on dit » préviennent, qu’il faut réserver deux ans à l’avance, faux, rétorque l’artiste, avec un sourire figé. Ce qui est vrai est que les demandes sont dix fois plus nombreuses que les places disponibles. 50 couverts, avec une ouverture nocturne et seulement six bons mois par an, et après dix kilomètres de falaises abruptes, on savoure ces préliminaires héroïques, chez El Bulli, la table se mérite.



Jolie vue sur la mer, un peu de gravier, quelques marches et on accède au restaurant par un couloir plutôt sombre laissant l’œil s’égarer une fraction de seconde sur une cuisine en effervescence, ou vous recevra le maître.
Discret, il vous salue, se prête de bonne grâce aux photos, reconnaît les amis, s’incline devant les femmes, l’homme n’est pas expansif et laisse Juli Soles, s’occuper de vous.

Derrière lui, une armée s’active avec méticulosité, sachant pertinemment que l’œil du maître n’a d’intérêt que pour ce qu’elle exécute.

Son associé vous invite à prendre place sur la terrasse ou le ballet va commencer après que vous ayez choisi les vins, sur une carte qui annonce plus de 1 616 références.

Le menu quant à lui c’est une surprise, il est le même ou presque pour tout le monde et choisit subtilement, pour réveiller et donner du plaisir à vos sensations gustatives.



Pas une fraction de seconde ne sera laissée au hasard pendant les 270 minutes de l’expérience la plus extraordinaire que vos papilles aient jamais vécues. Vous comprenez mieux pourquoi à la réservation on vous a précisé d’être à l’heure exacte.

Un « repas show » mais tiède ou froid, en quatre actes dont le premier attise le palais par des goûts amers, parfois acides et des formes provocantes cassant les codes de la gastronomie par des consistances et des textures déroutantes.



Le deuxième acte met à l’épreuve l’intellect, visuellement on cherche à comprendre, des formes et des couleurs, qui bousculent certaines saveurs.



Au troisième acte le rythme s’emballe, les produits existent mais sous d’autres formes, on cherche, on croit reconnaître, puis on trouve et c’est l’extase.



Le final ne respecte pas plus la tradition, mais s’articule en douceur vers une fin légère.



Sachez que vous ne verrez pas un morceau de pain, pas de couteau non plus, peu de couverts, le menu est choisi par le chef et que les vins ne sont pas de la première importance, par contre chacune de la quarantaine de bouchées servies est un acte au sens précis réglé comme un battement de cœur, un livre d’images à lire à l’endroit.



Pour Ferran Adria qui aime musique, peinture et cinéma les tableaux qui vont suivre ressemblent à des scènes ou chapitres dont le sens a son importance.

Le personnel, lui aussi acteur de ce spectacle de choix exécute avec talent et rapidité un service bien calibré : Un spectacle époustouflant.

Lire la suite ...Acte II...

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