SYLVAIN NICOLAS : CHEF SOMMELIER CHEZ GUY SAVOY PAR FABIEN NÈGRE

Jeune sommelier de l’année 2015 GAULTMILLAU à 35 ans, discret angevin prédestiné par l’esprit de la Loire, trempé bouchemainois au cœur droit, disciple du phocéen magnifique Philippe FAURE BRAC, Sylvain NICOLAS, humain sensible amoureux de la Conti en vibrante complicité avec l’absolu Guy SAVOY, ne se laisse jamais impressionner ni déstabiliser par les barons perchés ni les baronnies cachées. Nul n’est censé ignorer la Loire. A la périphérie sud-ouest de la ville du Cointreau et de la célèbre menthe pastille, le 16 décembre 1978, un enfant vif et résolu arrive. Le père, ouvrier électricien, la mère, agent spécialisée dans une école, ne côtoient pas le coteau. Au foyer, avec ses deux sœurs, il dévore bien et bon. «J’aime cette activité qui consiste à manger». Dans cette enfance heureuse au «contexte familial parfait», les recettes variées appellent les légumes du jardin, non loin de Savennières. Le petit ne cherche pas longtemps son chenin, «habite dans une région viticole, veut faire des rencontres». Dans le commencement, l’idée du vin n’existe pas. «Mon père appréciait le vin sans bien connaître, il avait une cave». A 14 ans, le précoce Sylvain NICOLAS rentre à l’Ecole Hôtelière de Saumur, «met les pieds dans la restauration par attraction». En 1993, très tôt, le garçon passionné aperçoit son horizon : «apprendre quelque chose pour gagner ma vie, savoir ce que j’allais faire, une vision». Autre chance, des parents encourageant au principe d’une vie simple sans le pressuriser. A 17 ans, en Bac Pro, les BEP et CAP en bandoulière, le stagiaire travailleur acharné du restaurant « Le Prieuré »*, à Chenehutte-les-Tuffeaux, non loin de Saumur, frémit pour toujours. «Emu, impliqué par et dans le vin grâce à un sommelier fantastique et un excellent apprenti, François REVERDY et Rodolphe CHEVALIER, ouverts, accessibles, enthousiastes». Ces révélateurs captivent par cette lumière qui «vous fait mordre à l’hameçon». L’œillet solutréen dans la gorge noué, l’intrépide impétrant rehausse le feu. En 1997, Paris le galvanise dans cette baroque facilité à graver les grands ordres girondins. «Je me sentais bien dans cet univers, les yeux qui brillent, l’état d’esprit jeune. Contaminé par le plaisir, à 18 ans, je veux faire sommelier, j’ai trouvé ma voie après des tours dans le vignoble. Je voulais savoir et comprendre, le service, mais surtout la sommellerie». Le futur mari d’une «chef de partie» chez Michel ROSTANG**, se ballade quelques saisons : Saint-Jean-de-Monts, Saint-Tropez, l’Île d’Oléron. Pour «faire le mieux possible», alors qu’il loge encore chez sa sœur, infirmière à l’Hôpital TENON, Sylvain NICOLAS, l’insolent, appelle, tout à trac, l’une des grandes personnalités planétaires du vin qui vient de conquérir le titre tant convoité de Meilleur Sommelier du Monde (1992) à Rio, Philippe FAURE BRAC : «Je veux faire mon apprentissage chez vous !». Là, après un sidérant jeudi de galop, il rencontre une équipe de choc : Hugues FORGET, aujourd’hui «Directeur de la Cave de la Grande Epicerie»; Denis GRANDGEORGES, MOF Salle 1996. A 19 ans, au paradis du vin, au «Bistrot du Sommelier», à la lie ou à la mort, il adopte une seule devise : «In Côt We Trust». Un film ahurissant défile devant ses yeux rougis de gamin : Jean-François COCHE-DURY, François RAVENEAU, Vincent DAUVISSAT, Marcel DEISS, Etienne GUIGAL. Le «Chef Sommelier de l’année 2013» touche tous les grands millésimes (1978, 1988, 1989, 1990, 1991) de tous les très grands vins du monde, raffermi de sa connaissance modeste et immense, tenace et forgée, ne lâche aucune concession. Entre 2000 et 2002, commis chez Guy SAVOY, il découvre une approche différente, une autre vision du vin. Entre 2002 et 2006, aux «Magnolias», chez Jean CHAUVEL, à 23 ans, il façonne sa première carte des vins. «Un couple adorable, professionnel, une entreprise familiale où j’imprime ma philosophie, mon style, j’apprends mon discours sur le vin, des points de vue, des dialogues. Des années magnifiques». Le joyeux pugnace retourne, en 2007, dans l’Auberge magique de la rue Troyon. «On me propose un poste de responsabilités, une ambiance, un état d’esprit, une cuisine, que j’apprécie au plus haut point». En 2008, en «Chef Sommelier», le malicieux merveilleux au parler-vrai, qui ne craint pas, parfois, les échanges agonistiques mais argumentés car il défend une représentation singulière du vin et du vignoble, saisit les «les clefs de la Cave». Jeune homme de la sereine continuité qui ne rechigne pas à la «pression sur scène», honnête dans ses convictions, fort d’une plaisante assurance toujours ouverte à l’échange, Sylvain NICOLAS, le vin en bouche et en tête, dans un duo quasi fusionnel, «connais bien Guy SAVOY, ses goûts, ses envies». Sans aucune direction stratégique, l’angevin poursuit son style propre d’illumination du vin. «J’aime les vins qui expriment un terroir, une radicalité sans ascèse, un ancrage». Le timide acéré à l’humour des révélations fondées, «aime quand on sait où on est, aime les vins qu’on aime boire». A palais différents, plaisirs différés. «Les clients exigent». Ci-devant et là-contre, Sylvain NICOLAS présente, flacons tendus en mains propres, dans une jubilation sans cesse embrasée par l’aisance de la ferveur, des vins propres, élégants, suaves, des vins de vibrato qui marquent la mémoire des mâchoires, des salinités royales, des acides régnants, des amers salivants. «J’essaie d’épouser au plus près les identités des vignerons que j’estime humainement. Il existe un entretien, une philosophie profonde. La mode du nature me fatigue». La dégustation se place sur le terrain, à Paris, avec des Agents qui emportent parfois la décision. «Je dispose de peu de temps, je goûte, je désire des vins qui relatent la vérité d’une terre dans sa diversité et sa variété». Le talentueux échanson aime la dominante bourguignonne. «Je suis très chenin, chardonnay, riesling». L’enjeu de joie consiste « à mettre des vins sur des plats dans des contextes, de la fraîcheur, de l’équilibre, pas de solarité ni de bois ». Les belles épaules n’excluent pas l’exigence de la droiture. «Je suis plus Puligny que Chassagne, plus Monrachet que Batard». Le père de famille (Raphaël, 3 ans; Louise, 3 mois) qui «ne changera rien», œuvre à la compréhension des désirs de l’hôte. Les convives internationaux sollicitent l’impossible, forme litotique infinie de la pudeur. La carte diffère du territoire mais elle réplique : YQUEM, PETRUS, DRC. «Je transmets aux jeunes sommeliers la précision de l’identité, l’envie de boire des vins sains». Ironique sarcastique en quête de saisissements, sincère intraitable, élémentaire rêveur, artiste distrait, Sylvain NICOLAS sélectionne des «vins abordables». En complicité confiante, épanoui dans sa liberté d’expression et d’acquisition, il «prend du plaisir dans la cohérence des résultats». En émotif tactile, il soumet des idées afin que chacun trouve sa plénitude, «dans sa propre émotion», à l’image de Guy SAVOY. «Faire sentir la vibration du vin avant toute chose». «J’obligerai mes enfants à aller à l’école mais je construis une cave pour mon fils et ma fille». Animé, sec, nerveux, vivant tel un cépage, loin de la bio-bobo-adynamie, Sylvain NICOLAS, sur un nuage léger, recherche l’instantanéité oxygénée d’un Carignan blanc, l’étrangeté d’un Viognier ou les climats d’un sublime tremblement. MUSIGNY 2007. Jacques-Frédéric MUNIER. Transparente sensualité charnelle, élégante longueur de densité, de paysages en cieux. «Des vins qui ont de la respiration, qui n’étouffent pas. Je suis plus Conti que la Tâche. Rien n’est plus sensuel que la Conti». Restaurant Guy Savoy
18, rue Troyon - 75017 Paris
Tel : 01 43 80 40 61

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