LE BRETAGNE - 56230

On aime : beaucoup...
Le chef Alain Orillac , secondé par Nicolas Morelle, et le chef-pâtissier Jérémie Le Calvez passionné de thé et de chocolat concoctent une cuisine de haute volée dans une splendide salle à manger aux boiseries rustiques. Cela se passe au restaurant LE BRETAGNE à Questembert.
Par Gilles Brochard

Le chef Alain Orillac, secondé par Nicolas Morelle, et le chef-pâtissier Jérémie Le Calvez passionné de thé et de chocolat concoctent une cuisine de haute volée dans une splendide salle à manger aux boiseries rustiques. Cela se passe au restaurant Le Bretagne à Questembert (Morbihan). Reportage.

À un quart d’heure de Vannes en voiture, à l’intérieur des terres, le village de Questembert (7 000 habitants) est un des plus charmants du Morbihan. Comment ne pas être sensible à la vue de ces maisons du XVe et du XVIe siècle, habillées de pierres en granit gris, aux toits en ardoise, et de la splendide halle en charpente de chêne, sous laquelle se rassemblaient jadis cordiers, chapeliers et drapiers ?

À la lisière du centre, particulièrement animé chaque lundi matin, jour de marché, se dresse une institution, l’hôtel Le Bretagne et sa résidence qui eut son heure de gloire jusqu’en 2004, date à laquelle il appartenait encore à la chaîne des Relais & Châteaux. Quand en 1900, les " dames" Flohic, comme on les appelle encore aujourd’hui, avaient en charge cet ancien relais de poste, celui-ci s’appelait encore L’Hôtel de Bretagne. C’était une auberge de province comme on en trouvait beaucoup en France, avec ses plats canailles et ses chambres fleuries. On servait le client en tablier blanc et la patronne offrait volontiers un verre de cidre aux visiteurs qui venaient de parcourir les routes nationales et départementales depuis le matin avec le chauffeur, coiffé d’une casquette. On se couchait dans le silence, en face de la chapelle Saint Michel (elle vient d’être rénovée), et de son cimetière romantique. Une fois les dames Flohic à la retraite, le restaurant, repris par de nouveaux propriétaires, vécut pendant longtemps sur sa notoriété. Le chef Georges Paineau, qui en 1992 hissa l’hôtel au rang d’un 4 étoiles, y cultiva une cuisine vivante et iodée, entouré de ses propres oeuvres d’art d’un modernisme un peu provoquant. Le Michelin alla jusqu’à le récompenser de deux étoiles bien méritées. Au lendemain de sa mort en mars 2008, François Simon lui rendait hommage dans une chronique du Figaro et en profitait pour évoquer la salle à manger : « Des meubles irradiés de cire, la pendule et son lancinant mouvement de balancier, les tableaux du chef accrochés un peu partout dans la salle : une sorte de rêverie burlesque au surréalisme pop et troublant. » Bien vu.

Depuis mars dernier, Frédéric Orillac et son demi-frère Alain sont propriétaires de l’hôtel qui compte le restaurant (une étoile) et la résidence, comprenant huit chambres. Le directeur et le chef se battent pour faire tourner la maison avec une vaillance, une opiniâtreté et une ardeur exemplaires. Car il en a fallu du courage pour reprendre l’établissement qui semblait s’étioler lentement. Engager les travaux nécessaires, choisir un personnel irréprochable, proposer des ateliers de dégustations de vins et de thés, miser sur des soirées musicales, bref redonner un nouveau souffle à ce lieu mémorable, fierté du village et des alentours, cela exige du tempérament et surtout de l’imagination. Il est vrai que Frédéric Orillac, qui connaît la chanson avec déjà vingt-cinq ans de métier, est conscient que l’hôtellerie à l’intérieur des terres, n’est pas celle qu’il a connue dans l’île d’Oléron où la clientèle se pressait dans son établissement avec vue sur mer. Si les chambres du Bretagne ont de beaux volumes, elles devraient être restaurées dans l’année qui vient. Mais l’attrait de l’hôtel est sans aucun doute le restaurant. Il est installé dans une salle à manger chaleureuse, couverte de boiseries en chêne, achetées en 1917 par les dames Flohic dans une ancienne salle de bal de la région, et entièrement remontées par un ébéniste doué.
Huitres en paquet, homard en ragoût aux truffes.
Chaque jour , en dehors de la carte, trois menus proposent un éventail de créations séduisantes, à des prix raisonnables : le chef est plutôt généreux proposant de belles portions. On aime sa façon dépouillée de présenter chacun de ses plats, dans des assiettes légères en porcelaine, sous la houlette de Loïc Chotard, un pro du service en salle et du vin, aidé par Antoine Battais, 20 ans, élu l’année dernière meilleur élève sommelier en vins des Pays de Loire (belle carte des vins de France).

D’emblée, j’ai aimé sa combinaison subtile, présentée dans un petit verre : une mousse de mâche en amuse-bouche avec des dés de pommes de terre frites et de serrano. Du croquant et du doucereux. Ses entrées « signatures » sont uniques : les huîtres en paquets sous un beurre mousseux à l’estragon, une reprise du chef précédent, d’une douceur voluptueuse ; les ravioles de langoustines transparentes - elles sont enveloppées d’une gelée leur donnant un aspect légèrement luisant, servies avec un consommé à la cardamome blanche et un trait de yuzu. Une merveille d’harmonie. Autre signature du chef : ce foie gras en croûte d’algues, effeuillé de choux de Bruxelles. Le chef aime aussi cuisiner le homard en ragoût aux truffes ou simplement rôti au beurre de corail. Et puis, gibier oblige, quand la saison l’exige, il ne faut pas rater le colvert au beurre de truffe, agrémenté d’une poêlée de champignons sauvages. Alain Orillac est un champion des cuissons justes.
La « Sphère fondante » de Jérémy Le Calvez.
Alain Orillac, pâtissier de formation (il a suivi des stages chez Gaston Lenôtre), et son second Nicolas Morelle (très doué) ont choisi d’engager un pâtissier qui sait cuisiner, pour prolonger les plats de manière intelligente et sans surdose de sucre. Jérémie Le Calvez, 25 ans, vient de Ploemeur Océan où il officiait dans le restaurant Les Salons du golf ; ses stages dans les écoles d’Alain Ducasse, de Pierre Hermé et de Gaston Lénôtre lui ont appris la précision et la mesure. Il a même reçu la « Toque de cristal », décernée par l’union culinaire de Bretagne pour le meilleur espoir breton, en janvier 2008. La rigueur et l’imagination ne sont pas de vains mots pour ce fou de pâtisserie qui aime aussi s’inspirer des plus grands créateurs d’aujourd’hui. Il faut déguster ses petits pots vanille et ganache à la framboise, mousse de lait, son sablé breton au fromage blanc et agrumes, sa « Sphère fondante » au chocolat sur un lit de poires pochées aux épices (laquelle se décompose une fois que le serveur verse du chocolat chaud par dessus) pour comprendre qu’il s’inscrit dans la lignée de la pâtisserie aérienne et décomplexée de son époque. Clémence, son assistante le résume ainsi : « Il est patient, passionné et créatif ». Nous avons eu la chance de déguster en exclusivité - lui l’amateur de thés -, ses nouvelles créations : une crème glacée au Genmaicha et Matcha, et notamment un dessert appelé « Voluptueux de la Compagnie des Indes », ganache chocolat pur Caraïbes (Valrhona) au thé rouge chinois Panyong avec un crémeux au Darjeeling Sungma : subtile alliance des textures et des deux thés.

Si vous insistez, vous pourrez repartir avec une boîte de macarons qu’il concocte dans le plus pur style de Yannick Lefort, le prince des macarons gourmands !


Membre du guide « Tables et Saveurs de Bretagne », édité avec le concours du Comité Régional du Tourisme Breton.

Menu du Marché à 28 € et 34 €, Menu du moment à 79 €, Menu Terre-Mer à 105 €.

Cours de cuisine, soirées sur le vin avec les producteurs, goûters autour de thés et de pâtisseries.

Photos : DR et Baptiste Le Glatin. 1 : La salle du restaurant toute en boiserie - 2 : Nicolas Morelle, Alain Orillac, Antoine Battais et Jérémie le Calvez - 3 : Le chef Alain Orillac dans sa cuisine - 4 : Jérémie le Calvez - 5 : La sphère fondante de Jérémie Le Calvez.
Le Bretagne et sa résidence
13, rue Saint-Michel
56230 - Questembert
Tél : 02 97 26 11 12

Voir le site du restaurant Le Bretagne et sa résidence.
Voir le site des Châteaux Hôtels.

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