Par Ambra dona Vitole
La table, c’est avant tout une histoire d’émotion, c’est aussi l’histoire d’un instant, d’une humeur, d’un plaisir. Et le plaisir qui vient est improbable mais réel et vaut bien qu’on le partage.
Il est ordinaire de voir un grand chef derrière son piano si la cuisine est visible de la salle. Il est aussi possible que ce même chef à la fin d’un repas, vienne pour vous saluer et entendre vos appréciations.
Mais, pouvez-vous imaginer vous retrouver à la table de 5 chefs ensemble ?
Pouvez-vous imaginer, que ces mêmes chefs quittent leur cuisine l’espace d’un déjeuner, hors service, je vous rassure, pour apprécier tous ensemble le même repas ?
Certes dans notre métier nous les connaissons tous, certes nous les côtoyons et les croisons. Mais en retrouver cinq, l’espace d’un déjeuner entier relève de l’utopie ou du rêve culinaire.
Aujourd’hui, j’ai la chance de pouvoir vous raconter ce déjeuner avec plusieurs chefs autour de la découverte de produits exceptionnels en provenance de Corse.
Situation tout aussi incongrue, que magique, ou douze étoiles se trouvaient autour de la même table, en toute amitié et toute connivence pour goûter le " must " de la charcuterie Corse.
A une époque ou les étoiles du Michelin, font peur dit-on dans les cuisines, à une époque où les prix grimpent sans s’arrêter, à une époque où les " critiques " oublient qu’il est légitime de parler de ce qui est réellement bon, plutôt que dénigrer systématiquement.
Quoi, de plus savoureux qu’un repas pantagruélique avec de bons produits et des partenaires hors normes ? Ce privilège, je me devais de vous le faire partager
Il y avait là, Guy Savoy, alchimiste, technicien, businessman ? rien de tout cela, le maître, est avant tout un artiste qui peaufine son œuvre au fil du temps, qui se donne l’ambition au rythme de sa vie. Ce quinquagénaire à la barbe grisonnante et rase est un épicurien qui avouait, devant une assiette de charcuterie ne pouvoir s’empêcher de frôler la gloutonnerie. Guy Martin du Grand Véfour, le jeune et séduisant bel âtre, discret mais passionné qui a, la folie des légumes et adore cuire le gibier lui faisait face pour goûter les derniers cabris au romarin et se faisait recuire, abats et rognons sans vergogne. Dans le coin de la table, arrivé en trombe avec la moto de son pâtissier, Philippe Legendre, ayant laissé les ors du mythique Georges V pour les couleurs orangées de cette petite auberge. Lui aussi fanatique de produits du terroir s’essayait à tester huile d’olive et Vuletta (joues de porcs des femelles).
Cet humble cuisinier qui porte sur ses épaules les cuisines d’un, des plus grand palace du monde irradiait de bonheur au cœur de la vérité Corse. Quant à Eric Briffard, le spécialiste des produits régionaux, mon voisin de table, hésitait à donner sa préférence entre un " Prisuttu " (jambon à l’os poivré) et un " Lonzu " (filet du bas du dos du porc), tout en ne tarissant pas d’éloges quant à l’affinage de ces produits montagnards. C’est en dernier arrivé que Jean-Pierre Vigato, déjà positionné comme un spécialiste du goût " vrai " remarqua l’exceptionnelle subtilité du petit goût noisette du " Prisuttu ", gageure d’excellence.
Tous attablés ensemble, sauçant sans vergogne, testant à pleines papilles, se resservant et faisant honneur à la charcuterie d’une de nos plus riches provinces, c’était çà, le miracle culinaire de la journée, preuve que cela existe encore malgré critiques et tracasseries de tout genre.
La seule femme chef était Olympe la maîtresse des lieux, femme corse au caractère bien trempé mais au grand cœur il était juste que ce rendez-vous gastronomique se passe chez elle.
Un rendez-vous totalement magique que nous sommes heureux de vous avoir fait savourer.
Casa Olympe
48, rue Saint-Georges - 75009 Paris
Tel : 01 42 85 26 01
Menu à 36 €
Fermé samedi et dimanche