LA NOUVELLE CUISINE NORDIQUE - ÉPISODE 4 - PAR PATRICK FAUS & CORINNE VILDER

GERANIUM
Une bête à concours ? Un hystérique de la victoire ? Une obsession de tout gagner ! Une psychose de ne pas être le premier ! Rasmus Kofoed (36 ans) est tout ceci à la fois. C’est aussi un des chefs les plus doués de sa génération et un des leaders de la nouvelle cuisine qui explose au Danemark.
Il participe au Bocuse d’or depuis 2005 avec un seul objectif : gagner ! Et il gagne : Bocuse de bronze en 2005, Bocuse d’argent en 2007, Bocuse d’or Europe en 2010, et Bocuse d’or International en 2011. Pari réussi.
Il va maintenant pouvoir se mettre au travail dans son restaurant flambant neuf situé curieusement au dernier étage de l’immeuble du National Stadium de Copenhague. Ascenseur privé, 8 ème étage, salle magnifique faite d’espace et de lumière, vue imprenable sur Copenhague et sur le grand parc qui entoure le stade. Des arbres à perte de vue, le chef est déjà dans son élément.
Car la nature, il aime ça ! C’est sa culture, son enfance, son environnement, sa passion, qui se retrouve dans le choix des produits et dans sa conception des plats. On y voit les couleurs du nord, du vert de l’été au blanc de l’hiver, des herbes, et on y goûte les champignons des sous-bois, des poissons magnifiques tout frais sortis de la Baltique, toute cette pureté que le chef recherche et tente de recréer dans l’assiette. La encore : pari réussi.
Les plats parlent d’eux-mêmes et expriment au mieux sa démarche. Consommé de tomates (danoises !), jambon en terrine, oseille et fleurs sauvages ; King crabe à la purée de choux fleur, quelques crudités, et feuilles de menthe ; Escalope de veau, betteraves en lamelles, noisettes, pot de mayonnaise aux noisettes, le tout d’une beauté impressionnante et des saveurs nettes et tranchées. Son dessert « traditionnel » est magnifique ! Le Koldskal est un dessert national, un peu notre crème caramel ; mais revisitée par Kofoed, il prend une autre envergure et devient un pur chef d’œuvre de finesse. Il s’agit simplement d’un bouillon de babeurre, aux œufs et à la vanille (pas danoise !) sur lequel le chef rajoute une légère crème aux feuilles de citron. Tout est clair. Dans la présentation, il est d’une créativité étonnante. C’est un festival de couleurs, de formes, de volumes, boules, billes, cubes, carrés, une géométrie dans l’espace qui étonne, fascine et déroute.
Rasmus Kofoed est un technicien hors du commun : il n’est de voir le plat « vainqueur » du Bocuse d’or ! Dans sa cuisine, lui et son équipe sont d’une précision diabolique, tout le monde porte des gants blancs de chirurgien pour traiter les herbes et les conserver pour l’hiver, tout est blanc et ouvert sur une immense baie vitrée.
Mais c’est aussi et surtout un homme de la terre, de l’air froid, et de la nature. Un mélange qui devrait le mener très loin. Il est le seul à ne pas avoir d’étoiles, mais il a ouvert en octobre 2010. Juste une question de temps.

Trois questions à Rasmus Kofoed
Qui vous a donné envie de faire la cuisine ?
J’ai été élevé par des parents strictement végétariens, mais je rêvais de viande quand j’avais 15-16 ans. C’est en rentrant du lycée que j’ai commencé à m’en cuisiner en cachette. Ça m’a plu et j’ai fait aussi des cakes et des gâteaux. C’est parti comme ça ! Je me sentais tellement bien que j’ai continué. J’ai commencé dans les cuisines d’un grand hôtel de Copenhague et j’ai tout de suite adoré l’ambiance et le chef qui m’a transmis sa passion. J’ai travaillé dans un deux étoiles Michelin en Belgique qui a bouleversé mes habitudes par sa manière de présenter les plats avec des herbes et même des fleurs. J’ai ouvert mon premier restaurant Geranium sur le port, en 2007. La cuisine était minuscule, mais j’ai beaucoup appris.

D’où vient votre passion pour les concours ?
J’aime la technique, la perfection, les saveurs précises..., et j’aime gagner. Depuis huit ans, il n’y a pas eu un seul jour où je n’ai pas pensé à gagner le Bocuse d’or.

Avez-vous des influences ou des chefs que vous admirez ?
J’ai fait un repas merveilleux à Paris, chez Alain Ducasse au Plaza. En Suède aussi. J’aime prendre des idées qui me surprennent mais je ne copie pas. J’aime créer et découvrir par moi-même. Ma génération et mes confrères, nous n’avons pas peur de créer à partir de la vérité des produits de la nature. C’est notre force en ce moment.

Per Henrik Lings Allé 4, 8
DK 2100 Copenhagen
Tél : (00 45) 69 96 00 20
Fermé dimanche, lundi & mardi
Dîner seulement
Menus : 698 DKK (85 € environ) - 1 298 DKK (155 € environ) - 1 598 DKK avec les vins (195 € environ)

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